« Le transport-logistique est une filière essentielle. Ce secteur a un rôle incontournable pour la compétitivité de nos clients. Pourtant, il semble que ce ne soit pas entré dans toutes les têtes… Si on veut de l’industrie, il faut de la logistique ! », a tenu à rappeler d’emblée Éric Hémar, président de l’Union TLF, au cours de l’Assemblée générale de la fédération, le 29 juin. Un constat appuyé par le ministre des Transports Clément Beaune, soulignant devant l’assemblée que le transport et la logistique sont « un secteur économique majeur, dont on parle proportionnellement peu par rapport à ce que vous représentez pour l’économie française, avec 10% du PIB et 2 millions d’emplois. Il est toujours au rendez-vous des crises en assurant la vie quotidienne ».
Décarbonation
La transition écologique a bien sûr été l’un des sujets phares de cette assemblée générale. « On ne va pas à l’encontre de la transition énergétique, mais on doit trouver un équilibre, la bonne ligne de crête, par rapport à la compétitivité », a souligné Éric Hémar.
Car se pose la question du financement des nouvelles énergies, alors que le coût total national de cette transition est estimé à 50Mds€, a rappelé Tariel Chamerois, président de la commission développement durable à TLF. Et « il faut avoir des offres industrielles suffisantes par rapport à la trajectoire fixée par le gouvernement, sans oublier la question de l’avitaillement qui semble être sous-estimée », souligne-t-il, précisant au passage qu’il faudrait une simplification sur certaines énergies renouvelables, « notamment au niveau de la réglementation, par exemple sur les méthaniseurs ». Revenant sur les déclarations de Bruno Le Maire qui avaient alerté les trois fédérations concernant la TICPE, insinuant que des efforts supplémentaires devaient être réalisés par le secteur, le ministre des Transports a précisé que des discussions devaient encore avoir lieu ces prochaines semaines : « Un effort devra être fait d’ici 2030 mais nous ferons cette trajectoire avec vous ».
Compétitivité
Outre la transition énergétique qui pose un risque de perte de compétitivité, Éric Hémar a rappelé trois autres sujets qui appellent à la prudence. Face à plusieurs grosses fusions-acquisitions ces derniers mois, « il faut être vigilant que ça ne conduise pas à un monopole. Fret SNCF également doit respecter les conditions de concurrence. Et, au niveau européen, on a des accords : il ne faut pas que la France se trouve dans des situations concurrentielles défavorables ». Sur ce point, Bruno Neveu, président du SNTL, a par exemple mis en évidence une « incohérence réglementaire » sur le sujet de l’autoentrepreneuriat : « Un texte européen est paru contre cette pratique mais une exemption a été mise en place en France. Ce règlement ne s’applique donc pas dans l’Hexagone… », déplore-t-il.
ZFE
Les ZFE, déployées de façon hétérogène selon les agglomérations, constituent toujours un casse-tête pour les transporteurs. Clément Beaune a reconnu la difficulté des règles éparses. « On doit aussi s’adapter à la logistique. En juillet, la fin des travaux autour des ZFE nous permettra de regarder les solutions de coordination entre agglomérations ».
Sur le calendrier des étapes des ZFE, Bruno Neveu, président du SNTL, note un « véritable problème qui se posera surtout à l’étape suivante », soit en 2028, lorsque les Euro2 seront également interdits : « Pour les VUL, les Crit’Air 1 (véhicules gaz et véhicules hybrides rechargeables, ou véhicules essence Euro 5 et 6) sont quasi inexistants, il faudra passer directement au Crit’Air 0, avec le tout électrique ».
Volet social
Sur le volet social, le ministre a tenu à féliciter le dialogue social dans la branche qui a permis de parvenir à un accord sur le congé de fin d’activité, paraphé justement le 29 juin par l’ensemble des fédérations patronales et par la CFDT, la CFTC et FO. Seule la CGT ne l’a pas signée. « Le CFA est un élément participant à l’attractivité du secteur », a souligné le ministre, rappelant que des discussions sur le chargement-déchargement sont aussi en cours. Toutefois, sur ce sujet, TLF s’est clairement positionnée contre une loi similaire à celle instaurée en Espagne et au Portugal. « En Espagne, la loi semble bien sur le papier mais, dans la réalité, il y a une multitude d’exceptions. Chez TLF, nous sommes attachés à la liberté du chef d’entreprise avec ses salariés, avec ses clients. Se pose aussi la question de la faisabilité, alors que des conducteurs sont formés aux matières dangereuses, à la grue ou encore la messagerie. Comment optimiser sa tournée, par exemple ? Sans oublier que des primes et le temps de travail sont calculés en fonction de ces tâches. Et, comme la main-d’œuvre se fait rare, comment trouver des personnes supplémentaires pour ces fonctions ? ».
Éric Hémar a interpellé le ministre des Transports sur le bonus-malus sur les contrats courts, alors que la 2e période d’observation s’achève ce 30 juin. Ce dispositif qui concerne le transport et la logistique comme six autres secteurs, ne fonctionne pas, avec des inconnues sur le détail des calculs, et pénalise les entreprises du secteur, soutient-il. Une requête sur laquelle Clément Beaune n’a pas réagi.
Zéro artificialisation nette (ZAN)
Un autre sujet qui empêche le développement de la logistique a été évoqué, la loi ZAN (Zéro artificialisation nette). « J’essaie d’amener des investisseurs étrangers sur des implantations logistiques en France. Or, l’argument positif qui permettait d’attirer, le foncier qui n’était pas cher, on est en train de le perdre. Il faut bouger dès maintenant [sur cette loi], » a soutenu Éric Hémar. Pour Clément Beaune, il faut « regarder les règles du ZAN mais aussi prendre en compte la question du développement portuaire. Une proposition de loi est en cours, qui concerne les ports en particulier. C’est un des atouts pour une compétitivité majeure. »