De façon quasi simultanée, MSC a obtenu le feu vert pour deux de ses grandes opérations en cours : les controversés 49,9 % pris dans le capital du manutentionnaire allemand HHLA et l'acquisition du transitaire français Clasquin.
La Commission européenne a estimé que l'entrée du leader mondial de la ligne régulière dans le capital du plus grand manutentionnaire allemand, qui gère trois des quatre terminaux à conteneurs de Hambourg, « ne soulèverait pas de problèmes de concurrence, compte tenu de son impact limité sur les marchés sur lesquels les entreprises sont actives ». Il n'y a pas de risque de position dominante ou d'autres problèmes de concurrence, signifie Bruxelles, « car il y a suffisamment de concurrents pour garantir l'accès aux services concernés et aux ports d'Europe du Nord ». Selon des médias allemands, l'examen aurait été effectué dans le cadre de la procédure normale de contrôle des concentrations. Mais la Commission ne le précise pas alors qu'elle le fait quand c'est le cas.
Barrières levées
Plus rien ne s'oppose désormais à cette opération, portée par le Sénat rouge-vert de Hambourg, qui cherche à redonner de la puissance au port de Hambourg, en difficulté et à contre-courant des ports sur le range nord-européen, et à stabiliser la logistique cyclique de HHLA. L'opération voit ainsi la ville de Hambourg céder un peu de moins de 20 %, ses participations désormais ramenées à 50,1 %.
En dépit des vives protestations, réactions en chaîne et indignation des salariés de HLLA, un accord avait été finalisé fin décembre entre les deux futurs actionnaires, MSC et la Ville de Hambourg. « Avec le feu vert de la Commission européenne et l'approbation du Parlement de Hambourg [le 4 septembre, non sans difficultés, NLDR], deux étapes importantes ont été franchies, a réagi la sénatrice Melanie Leonhard (SPD). Le Sénat estime ainsi être sur la bonne voie en ce qui concerne l'avenir du port.
Une fois l'approbation par les autorités de la concurrence ukrainiennes actée – HHLA exploite un terminal à conteneurs à Odessa –, le closing pourra être finalisé.
Des gages concédés
Pour emporter la partie, MSC a accepté de rester un actionnaire minoritaire (d'autres soumissionnaires ne sont pas allés plus loin pour cette raison). L'armateur de porte-conteneurs s'est engagé à apporter au port allemand plus d'1 MEVP à partir de 2030 (grâce à la croissance du transbordement), à y relocaliser le siège social allemand pour ses opérations maritimes (actuellement à Brême) et à y transférer celui de la croisière (logé à Munich). Enfin, il s'est engagé à ce que les terminaux resteront à usage commun (dans son intérêt à ce niveau). Les deux « propriétaires » vont en outre augmenter les fonds propres de HHLA de 450 M€. En contrepartie, MSC devrait obtenir autant de sièges au conseil de surveillance et au directoire de HHLA que la ville en possédera. Un point qui a clivé.
Pour le puissant syndicat Ver.di, cette opération est une « erreur politique » et une menace pour les emplois, pas seulement ceux de HHLA mais aussi ceux d'autres entreprises portuaires comme Gesamthafenbetrieb (GHB) et Lasch-Betrieben.
À Bremerhaven, alors que MSC vient pourtant de prolonger de 25 ans la concession qu'il opère avec le deuxième manutentionnaire allemand Eurogate, on redoute la fuite des volumes vers le premier port allemand.
Clasquin validé
Bruxelles ne considère pas non plus que le contrôle exclusif de Clasquin par MSC contrevient au règlement européen sur les concentrations. « La concentration envisagée », qui concerne principalement les marchés du transport maritime régulier par conteneurs et de la commission de transport par voie maritime, « ne soulèvera pas de problème de concurrence, compte tenu de son impact limité sur les marchés où les entreprises sont actives », répète la commission. L'examen s'est bien effectué dans le cadre de la procédure normale du contrôle des concentrations.
L'accord entre le bloc de contrôle (le président du conseil d'administration Yves Revol et sa holding Olymp) et Shipping Agencies Services (SAS), le véhicule financier de MSC, a été conclu en mars. Yves Revol et d'autres actionnaires ont accepté de céder leur participation de 42,06 % au prix de 142,03 € l’action (153,86 $). Cette proposition valorise Clasquin à 325 M€, légèrement en deçà de sa valorisation boursière estimée à 338,8 M€.
La transaction, qui doit encore être soumise à l’approbation des autorités réglementaires, devrait être finalisée d'ici à la fin de l'année. Après l'acquisition, MSC devra déposer auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF) une OPA portant sur le solde des actions (44,5 % en flottant) à un prix identique par action. Le groupe lyonnais devra alors se retirer de la côte où il a été introduit en 2006.
Une fois toutes les étapes de procédure ficelées, MSC mettra la main sur l’une des rares ETI dans le secteur du freight forwarding en France, à être coté en bourse et avec une portée mondiale. Elle lui offrirait une mise à l’échelle rapide et à coûts limités. Clasquin dispose d’une soixantaine de bureaux implantés en Europe (30), en Asie-Pacifique (22), en Amérique (9) et en Afrique (5).
Le groupe a réalisé l’an dernier 56,8 % de sa marge commerciale brute (143,1 M€ en 2023, + 2,2 %) avec le fret maritime et 28,1 % avec l’aérien tandis que la France représente encore la moitié de ses revenus (Europe-Moyen Orient-Afrique, 15,3%, Asie-Pacifique, 18,8 % et Amériques, 17,9 %).
En 2023, la française, réputée pour tenir en respect ses ratios financiers, a cédé face à la conjoncture oblique, ayant enregistré un chiffre d’affaires de 562,1 M€ (- 35,9 % par rapport à 2022), pour un résultat net en repli de 16,1 % (18,3 M€) et un excédent brut d'exploitation (36,1 M€) de 10,4 %.
Dans la logistique à terre, Maersk et CMA CGM qui ont les coudées plus franches. Toutefois, MSC multiplie les opérations. Medlog, la branche logistique du groupe, a racheté en septembre l'entreprise de logistique britannique Maritime Group (3 000 employés), positionnée sur le fret routier et ferroviaire outre-Manche où elle dispose de 41 sites.
Adeline Descamps
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