À l’occasion de son congrès organisé le 13 novembre, l’OTRE est revenu sur les difficultés rencontrées par les entreprises du TRM. D’abord à travers les mesures prévues par les PLF et PLFSS 2025 qui comprennent la suppression brutale de la déduction forfaitaire spécifique (DFS), la modification des exonérations de charges sur les salaires mais aussi les contraintes financières sur le verdissement des flottes de plus de 100 véhicules du transport léger. Alexis Gibergues, président de l’OTRE, a par ailleurs rappelé devant le ministre des Transports François Durovray, que d’autres mesures vont déjà impacter le secteur, comme la baisse progressive du remboursement partiel de TICPE et l’Ecotaxe Régionale : « Si nos entreprises ont conscience des efforts qu’elles devront fournir en raison de la situation des finances publiques, elles n’accepteront pas des mesures dont les impacts seraient dévastateurs », prévient-il. En réponse, le ministre a indiqué que, concernant la DFS, après s’être entretenu avec la ministre du Travail, il avait « bon espoir » que le dispositif puisse être revu mais que « des précautions sur ce point sont encore de mise ». Rappelant que, cette année encore, la réduction de remboursement partiel de TICPE ne serait pas incluse dans le PLF 2025, il a en revanche laissé peu de doute planer quant à son intention de ne pas revenir sur l’Ecotaxe, qui « est désormais dans la loi ». Pour le ministre, si le TRM a la souplesse comme atout, la décarbonation reste la faiblesse de ce mode de transport. « La technologie devrait permettre de pallier ce désavantage d’ici 10 à 15 ans, assure-t-il, en précisant qu’il faut « mettre des dispositifs pour que la transition puisse se faire ». En 2024, 130M€ ont été alloués à la mobilité, « une somme insuffisante face à l’enjeu de l’électrification des poids lourds », concède-t-il. Il s’engage à travailler avec la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher sur une évolution de la répartition des recettes des contrats d’économie d’énergie. Sur les 6Mds€ récoltés, seulement 6% sont allés cette année à la mobilité, tous modes confondus.
Relations avec les donneurs d’ordre
Mais le président de l’OTRE a aussi insisté sur la souveraineté et la compétitivité des TPE et PME du secteur et la « juste répartition de la valeur » : « Cela doit se traduire, par une juste revalorisation des opérations de transports, y compris des opérations de sous-traitance, une claire application de l’indexation gazole en pied de facture, un strict respect des délais de paiement », souligne-t-il, en ajoutant également la lutte contre les prix abusivement bas. Dans ce sens, il rappelle que la fédération a formulé 22 propositions pour le TRM qui sont, pour la plupart, « à coût zéro pour les finances publiques ». Parmi ces mesures se trouvent notamment le renforcement du code des transports et des pouvoirs de la DGCCRF, afin de lutter contre les pratiques déloyales, la garantie de la transparence des prix proposés par les opérateurs de service numérique de mise en relation commerciale de TRM et ainsi les responsabiliser pour mieux lutter contre les prix abusivement bas, l’obligation d’affichage des prix sur les bourses de fret… « Je crois que nous devons œuvrer collectivement à la limitation et, idéalement, à la disparition, des prestations de transport non-valorisées », ajoute Alexis Gibergues.
La piste de l’encadrement des relations avec les donneurs d’ordre a semblé intéresser François Durovray qui note les préoccupations des transporteurs sur « les déséquilibres, les marges très faibles dans le TRM et la lutte contre les prix bas ». Il s’engage notamment à regarder comment faire évoluer l’idée de l’affichage de prix et comment établir un plan d’actions pour renforcer l’encadrement des pratiques dans le TRM, comme le contrôle de pavillons étrangers ou le tonnage de véhicules. Il se penchera également sur la question d’une plus grande rapidité pour pouvoir réviser les contrats selon l’évolution de l’indexation carburant.
Comment partager le surcoût de la transition énergétique ?
Un encadrement des relations avec les donneurs d’ordre pourrait être l’un des leviers à actionner pour apporter au TRM davantage de compétitivité. Et c’est aussi une piste qui permettrait d’augmenter les chances d’un succès pour la transition énergétique. Cette piste a fait l’objet d’une table ronde au cours du congrès de l’OTRE. Sur le thème de l’environnement, les chargeurs n’ont pas attendu les normes réglementaires pour commencer à décarboner soutient Denis Dewerdt, président de la commission route de l’AUTF. « Ils décarbonent depuis des décennies par des techniques de « grands-pères », comme celle d’optimiser les taux de chargement ou d’éviter les retours à vide, explique-t-il. L’avantage est en effet que l’économie de CO2 permet aussi des économies de coûts, ça va dans le même sens. » Si les carburants alternatifs se développent progressivement dans les offres, la feuille de route décarbonation, qui ne considère que l’électrique et l’hydrogène au détriment d’autres énergies moins onéreuses et déjà disponibles, reste en revanche plus compliquée à suivre. Néanmoins, concède Denis Dewerdt, le chargeur a un intérêt à être prescripteur dans le choix des énergies : « Ils ont les mêmes contraintes que les transporteurs. C’est une équation économique : s’il y a un intérêt commercial, ils seront motivés sur le choix des solutions ».
Répercussion
La transition énergétique représente des investissements colossaux pour les transporteurs qui ne peuvent supporter seuls les coûts. L’implication de l’ensemble de la chaîne, notamment les chargeurs, ressort comme l’une des solutions pour faire face au mur de dépenses. Mais la répercussion est encore loin d’être automatique. « Concernant le prix du transport, plutôt que de répercuter la différence de coût, les chargeurs ont tendance à privilégier les engagements dans la durée avec un transporteur », indique Denis Dewerdt. « C’est un secteur très concurrentiel, à l’arrivée c’est le TCO qui compte, ce n’est pas un monde de bisounours, souligne Pierre-Jean Rochette, sénateur de la Loire. Et les donneurs d’ordre ont souvent le dernier mot… »
Garder de bonnes relations avec le transporteur reste toutefois souvent bénéfique et plus rentable pour le chargeur. « C’est un marché de pénuries, à la fois de conducteurs et de matériels, souligne Denis Dewerdt. On cherche donc une stabilité avec le prestataire, d’autant que, lorsque ça se passe mal, ça coûte plus cher au chargeur. » Un point qui a fait réagir Christophe Dicostanzo, président du conseil de métier Transport de marchandises à l’OTRE, qui a rappelé que « des adhérents font part de dénonciations de contrats et de recherche systématique de la part des chargeurs de prix toujours plus bas ».