Comme le constate Jean-Marie Salva, président de la Commission Douane et facilitation du commerce, ICC France, dans le contexte du Brexit, les péripéties n’ont pas cessé. Dernière en date, un décalage de six mois de façon unilatérale des contrôles sur les importations pour le Royaume-Uni et l'Irlande du Nord qui a donné suite à deux procédures, immédiatement engagées par l’Union européenne.
Le défi lié au Brexit est à la fois logistique, commercial et douanier. Sur ce plan, les administrations européennes ont tout fait pour préparer les administrations françaises au changement. Mais les risques logistiques et commerciaux ne sont pas tous liés aux problématiques douanières, et le but est d’aider à les appréhender. La nouvelle version des incoterms, entrée en vigueur début 2020, a anticipé les difficultés liées au Brexit. Le choix de l’incoterm étant une composante essentielle d’un accord commercial entre acheteur et vendeur, ça l’est plus que jamais dans ce contexte.
Incoterms : rappel des principes
"Heureusement, les vendeurs et acheteurs français et anglais utilisent la même langue, sinon le Brexit serait encore plus compliqué à gérer. Il s’agit de la langue du commerce international, les incoterms, qui se doit d’être maniée avec rigueur. Les incoterms sont utilisés et compris partout, par les entreprises, les partenaires et les responsables en douane", explique Christoph-Martin Radtke, président de la Commission Droit et pratiques du commerce international, ICC France, avocat spécialisé en droit européen, international et en droit de l’arbitrage, coprésident du groupe ICC monde sur les Incoterms.
"Ce que l’on comprend au travers des 1 500 pages de l’accord de Noël sur le Brexit, est que le Royaume-Uni ne faisant plus partie de l’Union européenne, ce n’est plus le droit européen qui s’applique mais celui du commerce international, entre toute entreprise française et anglaise. C'est une raison de plus de vérifier les incoterms dans les contrats de vente", poursuit Me Radtke.
Même si les incoterms ne règlent pas toutes les questions et obligations du vendeur et de l’acheteur, elles ont pour avantage de déterminer qui fait quoi quand il s’agit de charger et décharger la marchandise, la transporter d’un endroit à l’autre, et surtout qui s’occupe des formalités d’exportation et d’importation. La logique de l’ICC, dans la rédaction de ces règles, est assez simple : celui qui est le mieux placé pour le faire assume l’obligation. Le vendeur doit charger la marchandise au départ, l’acheteur la décharger à l’arrivée. Le vendeur doit s’occuper des formalités d’exportation, l’acheteur des formalités d’importation dans le pays de destination.
Retour d’expérience : les pratiques des chargeurs
Approche pratique : le groupe Sterne est un groupe de transport urgent et sur mesure, à la fois transporteur, commissionnaire routier, aérien, maritime, ferroviaire, et déclarant en douane, représentant en douane enregistré (RDE), ce qui donne une bonne vision du schéma et des flux actuels sur le Royaume-Uni. Loïc Chavaroche, Chief Officer Brexit, directeur des opérations Europe, fait part de ses constatations, mises en gardes, et rappelle certaines règles et les rôles de chacun dans la chaîne logistique. Et pourquoi il n’est pas opportun d’utiliser les règles EXW et DDP.
Pour commencer, Loïc Chavaroche rappelle que le transporteur est un prestataire de service exécutant un contrat ou une prestation dont l’objet principal est le déplacement de marchandises. Le commissionnaire de transport est un prestataire de services qui organise librement et fait exécuter, sous sa responsabilité et en son nom propre, le déplacement des marchandises d’un lieu à un autre, selon les modes et les moyens de son choix. Rappel de trois points importants concernant leur rôle :
- ils présentent les documents fournis par leurs clients lors du passage aux frontières. Ils ne sont pas tenus responsables vis-à-vis de l’administration douanière des erreurs ou omissions présentes dans les documents douaniers émis par le chargeur ou son représentant, le RDE ;
- ils ne peuvent représenter le client lors d’un contrôle douanier ;
- ils ne sont pas responsables du choix de l’incoterm.
La représentation est de l’autorité d’un commis en douane qui est nommé soit par le RDE, soit par le chargeur s’il gère lui-même sa douane, mais le chauffeur n’a pas la délégation pour ces opérations.
Méconnaissance et méprises, sources d’erreurs
Le choix de l’incoterm étant issu d’une négociation commerciale, la réalisation des opérations de dédouanement et le paiement des coûts de transport ne sont qu’une petite composante de cette négociation. Beaucoup d’entreprises négocient un incoterm sans connaître les conséquences douanières et fiscales. Ce qui cause un véritable problème.
D’autre part, ce que constate Loïc Chavaroche est, contrairement à ce qui aurait été souhaité, un usage massif des EXW et des DDP dans les échanges avec le Royaume-Uni. Cela concerne des entreprises qui découvrent les échanges avec les pays tiers, primo-importateurs ou primo-exportateurs, ce qui complique encore le rassemblement et la fourniture de certaines données, ralentit les flux de données et de déclaration, entraînant des erreurs lors des contrôles obligatoires au point de passage.
"On voit finalement que les deux règles qui sont le moins propices aux échanges bilatéraux sont celles qui sont les plus utilisées. Cela prouve que l’effort de communication, de pédagogie, de sensibilisation doit vraiment continuer à être mené avec tous les partenaires", constate Emmanuelle Butaud-Stubbs. La déléguée général d’ICC France rappelle que l’organisme propose depuis 2019 des formations aux règles incoterms, avec dix-huit formateurs accrédités et la mise à disposition des stagiaires des publications officielles ICC en français et en anglais. Elle attire enfin l’attention sur l’importance d’utiliser les publications officielles.
> Lire l'intégralité de l'article dans l'Officiel des transporteurs n° 3060 du 26 mars 2021
Rôle du Représentant en Douane Enregistré
Le Représentant en Douane Enregistré (RDE) est un professionnel du dédouanement de marchandises. Il peut accompagner dans le choix des incoterms exclusivement pour la partie transport, logistique et formalités douanières. Ce choix relève exclusivement de la négociation commerciale entre un acheteur et son vendeur à laquelle le RDE ne participe pas. L’article 18 du Code des Douane de l’Union (CDU) précise que toute personne peut désigner un représentant en douane. En tant qu’intermédiaire entre l’exportateur, l’importateur et l’Administration douanière, le RDE :
- vérifie que les documents transmis par le client correspondent à ceux exigés par la règlementation douanière ;
- réalise la procédure d’importation ou d’exportation et transmet ces informations aux autorités douanières ;
- applique les droits et taxes en fonction des marchandises, des provenances et/ou des destinations ;
- effectue ou fait exécuter, par une personne habilitée, les contrôles documentaires et physiques des marchandises.