Le mercure voit rouge. Les incendies dévorent les forêts. Les cyclones tabassent les mers. Le désert ronge la savane. L’Antarctique se déglingue. Le permafrost se désagrège. La sécheresse carbonise les sols. Les pluies s’abattent en torrents. La montée des eaux menace. Même les El Niño, Gulf Stream et autres anticyclones des Açores ne sont plus ce qu’ils étaient. L’époque est tellurique, diluvienne, enragée.
Tout suffocant, au vent mauvais, le monde d’abondance n’a plus de marge à l’arrière-ban pour contenir les bouleversements sur une planète asphyxiée. En sanctionnant notre frénésie commerciale et industrielle et notre façon prédatrice et carnassière d’habiter le monde, la nature est en train de faire violemment redescendre l’humanité sur terre.
Les pièces à conviction s’accumulent et les rapports d’enquête pourraient bientôt remplir la bibliothèque d’Alexandrie. Émissions de combustibles fossiles à la barre, plaidez-vous coupables ?
Longtemps passager clandestin des politiques sur le climat, le transport maritime n’échappera pas cette fois au régime énergétique sec. Le choix de la motorisation est actuellement le chemin de croix des armateurs, les énergies nouvelles censées catapulter le dogme fossile n’étant pas prêtes.
À n’en pas douter, l’époque du carburant unique, simple et standardisé est bien révolue et un boulevard multicombustible complexe s’ouvre sur l’inconnu alors que les réglementations hésitent encore face à ces multiples transitions énergétiques évoluant à des rythmes différents.
Le passage au bas carbone à l’échelle industrielle ne fera pas l’économie d’investissements conséquents en « well to tank » et en « tank to wheel » dans un environnement où les capitaux sont aussi rares que les matériaux et les énergies.
Pendant ce temps, à l’OMI, où se joue la politique climatique du shipping, les États ayant voix au chapitre établissent un ordre du jour toujours plus roboratif et touchent à peine au plat de résistance en séance. Au sein de ce royaume où le compromis politique est une préférence établie entre les 175 membres aux intérêts divergents, l’union internationale se fracture rapidement sur les propositions clivantes.
Or obtenir le consensus prend nécessairement du temps, à une cadence qui n’est ni celle de l’économique et encore moins celle de l’urgence climatique.
Ainsi, les derniers comités de protection du milieu marin (MEPC) ont souvent donné l’impression de se solder par des options molles quand ce ne sont pas des abdications. Mais jamais assumées comme telles car, dans ces instances internationales, les éléments de langage y sont la première langue parlée.
Il est pourtant grand temps de redonner de l’air à une planète abîmée par des Terriens qui se sont laissé polluer par le grand discours sur le progrès, longtemps indifférent au vandale CO2...
■ Adeline Descamps
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