Fidèle à sa réputation de constance dans ses performances, la société française, dont la technologie permet de maintenir le gaz naturel liquéfié (GNL) à une température de - 163°C afin qu'il reste liquide durant son transport, a réalisé un exercice 2024 aux contours enviables. Et de surcroît dans la fourchette haute des prévisions qu'elle avait établies en début d’année dernière. Le groupe s’attendait à un chiffre d’affaires consolidé compris entre 600 à 640 M€ et un Ebitda de l'ordre de 345 à 385 M€. Finalement, ses revenus, composés aux 9/10e de redevances, ont doublé par rapport à 2023 (à 641 M€) bien qu’en perte de vitesse par rapport à ce que laissait augurer un premier semestre très bien disposé (+ 65,8 %) et un premier trimestre encore mieux orienté, notamment avec des ventes en hausse de plus de 80 %.
Le résultat opérationnel avant dotations aux amortissements sur immobilisations (Ebitda) est à l’avenant, en progression de 65 %, à 388 M€. Avec 374,4 M€ de résultat d'exploitation (Ebit), la société dispose d’une marge d'exploitation de 58,4 %, tandis que son résultat net, à 347,8 M€, a bondi de 72,7 % par rapport à l'année précédente.
Boom du nombre de méthaniers en construction
Sur son cœur de métier, l’entreprise francilienne a bénéficié du boom de construction des méthaniers (en hausse de 34 % selon Clarksons, à 77 unités) sachant qu'entre 80 et 90 % des méthaniers en circulation dans le monde sont équipés de ses cuves en alliage spécifique qui ne plombent pas le navire. Sa technologie a pour seules rivales les cuves japonaises Moss.
GTT a engrangé les commandes pour 72 méthaniers, dont 18 tde très grande capacité (271 000 m3), une tendance de plus en plus marquée, pour une livraison prévue entre 2026 et 2031. L’augmentation des contrats pour des éthaniers (12 en 2024 dont six de très grande capacité) est à noter car la société fait figure de pionnière sur ce segment. Et le début d'année a bien démarré. Depuis janvier, la spécialiste a déjà engrangé trois autres contrats pour de « très gros méthaniers éthaniers ».
Ses autres ventes concernent deux unités de regazéification (FSRU, floating storage and regasification unit) et une unité flottante de liquéfaction de GNL (FLNG). À quelques nuances près (dix éthaniers de plus, un méthanier de moins), elle égale sa performance commerciale de 2023, qui avait été de ce point de vue record. Elle encaisse ainsi des royalties pour un total 552,5 M€ (+ 56,4 % en valeur) rien que pour les méthaniers et des transporteurs d'éthane.
Un carnet de commandes de près de 2 Md€
Au final, son carnet de commandes, qui dépasse les 1,9 Md€ au 31 décembre 2024, compte désormais 332 unités, dont 306 méthaniers et 16 éthaniers. Avec une visibilité jusqu’à 2028 : 675 M€ en 2025, 586 millions en 2026, 395 millions en 2027 et 247 millions en 2028.
« La demande croissante de GNL entraîne une augmentation des besoins en méthaniers, soutenue par des investissements continus dans les usines de liquéfaction et une augmentation de la capacité de construction des chantiers navals. En outre, de nouveaux projets de liquéfaction sont prévus aux États-Unis d'ici fin 2025, et le marché du remplacement devrait s'accélérer, sous l'effet du vieillissement de la flotte et du durcissement des réglementations environnementales », commente très confiant Philippe Berterottière, président du conseil d'administration et directeur général de GTT « par intérim », Jean-Baptiste Choimet ayant démissionné, apprend-on à cette occasion, sans autre explication.
Ce polytechnicien de formation avait été nommé à la direction de l’entreprise le 12 mai 2024 dans le cadre de la dissociation des fonctions de président et de directeur général. Aux manettes depuis 2009, Philippe Berterottière, le PDG du groupe, a été renouvelé en 2018 pour un mandat de quatre ans, puis pour deux ans supplémentaires (décision de l'assemblée générale annuelle du 31 mai 2022), et à nouveau en 2024 jusqu’à la fin de son mandat d’administrateur (sans précision sur la date).
Un marché qui déçoit
Avant sa nomination, Jean-Baptise Choimet dirigeait Elogen, la société spécialisée dans la conception et la fabrication d’électrolyseurs acquise en 2020 par GTT avec l’ambition d’en faire « un acteur technologique de premier plan de la chaîne de valeur de l’hydrogène vert ». Une transaction témoignant par ailleurs des développements du groupe « très GNL » dans les métiers adjacents à son cœur de métier. Les perspectives se présentent attrayantes. Selon le scénario de l’Agence internationale de l'énergie (AIE), pas moins de 55 GW de capacités seront nécessaires d’ici 2030 contre 1 à 2 GW de capacités d’électrolyses installées dans le monde alors que 90 Mt d’hydrogène sont consommées actuellement et pour l’essentiel d’origine fossile.
Or, comme toute transition, elle est peu évidente. La filiale a généré un chiffre d'affaires de 11,4 M€, en hausse de 12,7 % par rapport à 2023, mais ses pertes opérationnelles se sont creusées de 13 M€ pour s’établir à 33,3 M€. « Le marché de l'hydrogène vert est difficile, avec de nombreux projets reportés ou annulés et une concurrence accrue », justifie la direction alors que sa filiale n'a pas obtenu de commandes significatives au cours de l'année.
Plan social et abandon de son projet de gigafactory
Il y a quelques jours, un communiqué de l’entreprise faisait part de sa décision, à la suite d’une revue stratégique, de repositionner le modèle économique de cette spécialiste des électrolyseurs PEM en se concentrant sur la R&D « pour tirer parti de ses atouts technologiques ». Avec à la clé, des suppressions de 110 postes qui pourraient conduire, sous réserve des procédures d'information et de consultation des instances représentatives du personnel, à des licenciements secs si les départs volontaires ne sont pas suffisants.
Aussi, le groupe de Saint-Rémy-lès-Chevreuse suspend son grand projet de gigafactory dont le chantier avait démarré en janvier 2024 à Vendôme pour une mise en service programmée pour la fin de cette année. Il était question de produire à grande échelle des stacks (réacteurs de ses électrolyseurs). Les options pour l'avenir du site sont en cours et en concertation avec les autorités locales, fait valoir la direction.
Douze commandes dans son activité GNL carburant
Concernant le GNL comme carburant, GTT a enregistré des commandes pour la conception des cuves cryogéniques d’un souteur (celui opéré par le groupe espagnol Ibaizabal pour TotalEnergies) et de 12 très grands porte-conteneurs propulsés au GNL (confiés au groupe sud-coréen KSOE) pour le compte de CMA CGM (. La livraison de ces navires est prévue entre les deuxième trimestre 2027 et 2028.
La spécialiste, portée par le boom des contrats pour des navires propulsés au GNL, disposait au 31 décembre d'une pipeline de 50 unités. Les redevances générées par cette activité (30,9 M€) sont stables par rapport à 2023, reflétant le nombre important de commandes reçues en 2021 et 2022.
Des perspectives bien orientées
La trésorerie nette positive de 343,3 M€, en augmentation de 28,3 % sur un an, lui donne de l'allant. La générosité à l'égard des actionnaires (dont Engie, encore au capital à hauteur de 28 %) peut s'exprimer. Le conseil d'administration a proposé de verser un dividende de 7,50 € par action au titre de l'exercice 2024, soit 72 % de plus qu'en 2023.
« En l'absence de retards ou d'annulations de commandes significatifs », GTT anticipe un chiffre d'affaires consolidé compris entre 750 et 800 M€ en 2025 et un bénéfice au pis de 490 M€ et au mieux de 540 M€. En toute constance donc.
Adeline Descamps
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