Construction navale : 2024 a engrangé le plus grand nombre de commandes depuis 17 ans

En 2024, il s'est placé 204 milliards de dollars dans les cales des constructeurs de navires. A vrai dire dans les caisses principalement des chantiers de la Chine et de la Corée du Sud, dont la plupart avaient rempli leurs objectifs annuels avec un à deux mois d'avance. La Chine a consolidé sa position de leader, s’arrogeant deux tiers des commandes.

« Avec le plus grand nombre de commandes jamais enregistré depuis 17 ans, 2024 a été une année incroyablement active pour l'industrie mondiale de la construction navale, avec des contrats totalisant 66 millions de TBC [tonnes brutes compensées), NDLR] et 204 Md$ placés », indique Clarksons dans son rapport annuel pour l'année 2024 (disponible sur sa plateforme de données World Fleet Register). Les porte-conteneurs (pour l’équivalent de 4,4 MEVP), les méthaniers/gaziers (25,9 millions de m3) et les pétroliers (53,9 millions de tpl) demeurent les segments les plus sollicités. La Chine a consolidé sa position de leader, s’arrogeant deux tiers des commandes et a atteint des positions de leader dans tous les principaux secteurs, à l'exception du gaz.

La seconde puissance économique mondiale est aussi le seul pays à avoir augmenté sa capacité l’an dernier. La poussée des commandes dans le conteneur a été telle que plusieurs chantiers chinois se sont lancés dans les extensions de capacité à l’instar de New Times Shipyard et de Yangzijiang. Le groupe CSSC a été, de son côté, contraint de confier des unités à certains de ses sites non spécialisés dans ce domaine comme Guangzhou tandis que d’autres, comme DISC Dalian, se sont délestés auprès de « chantiers-frères ».

Le marché est propice, signifie le groupe de courtage. Le fret est tiré vers le haut par le réacheminement de la mer Rouge tandis que les échéances réglementaires poussent au renouvellement de la flotte.

38 Md$ dans de futures constructions

Les compagnies de la ligne régulière ont été exceptionnellement actives en engageant plus de 38 Md$ dans de futures constructions. Plus notable, la hausse de 34 % de la demande pour de nouveaux transporteurs de gaz, soit 77 grands méthaniers et 78 VLGC (gaz)/VLEC (éthaniers)/VLAC (ammoniac). Les commandes de pétroliers sont également en forte augmentation (+ 41 % en termes de tpl). En outre, « il y a eu un flux régulier pour des vraquiers et quelques niches actives », ajoute Clarksons, à l’exemple des transporteurs de voitures (69 unités) ou des navires de service SOV, tirés par les projets autour de l’éolien offshore (19) ou encore des unités flottantes de production, de stockage et de déchargement (6 FPSO).

Le carnet de commandes global atteint désormais 364,5 millions de tpl et 15 % de la flotte en exploitation. Ce ratio, indicateur témoin de l’équilibre entre l’offre et la demande, reste modéré si on le compare au pic de 2008 quand les 628,8 Mtpl dans le pipeline représentait 52 % du bataillon en service.
Néanmoins, il cache de grandes disparités : il approche les 30 % pour les porte-conteneurs mais seulement 11 % pour les vraquiers et 14 % pour les pétroliers

Production en hausse de 13 %

La production mondiale des chantiers navals s’est accrue de 13 % en 2024. La Chine a vu, selon Clarksons, ses activités renforcées de 18 %, s’arrogeant 53 % de part de marché. La Corée du Sud, dont la production a cru de 22 %, détient 28 % de part de marché tandis que les chantiers nippons, troisième grand pays constructeur avec 12 % du marché mondial principalement grâce à ses sites phares, JMU et Imabari, sont en repli de 3 %.

L’Europe, qui a cédé sur cette industrie il y a des décennies, assure (encore) 4 % du total. Outre-Atlantique, il se construirait moins de 10 navires par an.
Depuis que les subventions ont été supprimées dans les années 1980, la contribution des États-Unis à la production mondiale est passée de 0,50 % à environ 0,05 %, selon un rapport de l'US Naval Institute.

La construction coréenne a touché le point le plus bas observé depuis 2016 mais elle conserve ses « avantages concurrentiels » dans les navires de grande valeur comme les méthaniers ou encore les transporteurs de GPL (gaz de pétrole liquéfié), fait valoir ING Think, la branche de recherche économique de la banque d'affaires néerlandaise, dans son rapport Asia's Shipbuilding Renaissance, publié le 16 décembre. Selon ING, la Corée du Sud a le taux d'utilisation de ses chantiers le plus élevé des trois pays asiatiques, avec 70,9 commandes par chantier naval, contre 21,3 pour la Chine et 13,3 pour le Japon. Et engrange des contrats « rentables et fiables » avec des clients internationaux quand la Chine remplirait d’abord ses cales avec des sociétés nationales.

Malgré l'augmentation des commandes de méthaniers de la Chine pour combler l'écart avec la Corée du Sud, les experts estiment qu'il lui faudra du temps pour égaler les compétences de son challenger

Match plié dans le conteneur

À la fin de 2024, le carnet de commandes de porte-conteneurs s'élevait à 8,3 MEVP contre 7,8 MEVP début de 2023, selon les données du Bimco. Comme 4,4 MEVP ont été contractés en 2024, le carnet de commandes s’est encore étoffé malgré des livraisons pour l’équivalent de 2,9 MEVP. 99 % du pipeline devra être livré au cours de la période 2025-2029 (0,7 MEVP en 2029, puis une moyenne de 1,9 MEVP entre 2025 et 2028, avec un pic de 2,2 MEVP en 2027).

L’envoi à la casse (limité à 166 navires et 256 000 EVP) ayant été freinée ces quatre dernières années par le boom d’activité, les navires âgés de 20 ans ou plus représentent désormais 11 % de la flotte.

« Tant que les navires ne pourront pas retourner entièrement en mer Rouge, le recyclage restera probablement faible et, dans le même temps, les segments de navires plus petits ont tendance à être recyclés plus tard que la moyenne », souligne Niels Rasmussen, analyste en chef qui a produit ces données pour le Bimco.

Les chantiers navals chinois ont le plus bénéficié du boom des contrats au cours des quatre dernières années, détenant actuellement 72 % des 8,3 MEVP contre 22 % pour les constructeurs coréens et 5 % pour les sites japonais.
Et en 2024, ils ont fait leur fortune avec 46 Md$. En nombre, ce sont les pétroliers qui ont occupé les cales chinoises en 2024, avec 526 commandes, rapportant 27,4 Md$, devant les vraquiers (430 unités) pour 17,7 Md$.

Les constructeurs chinois reviennent de loin. Ils ont raflé la plus grande part des commandes de porte-conteneurs pour la première fois en 2015, puis à nouveau en 2016. Ces deux années n'étaient toutefois pas particulièrement représentatives, car l'activité de commande était globalement très faible (0,9 MEVP engrangé par la Chine). Lorsque les commandes de navires ont repris, bien qu'à un niveau modéré, la Corée a restauré son avance en 2017, 2018 et 2019 avant de céder à nouveau en 2020.

Des prix de construction à leur plus haut

Les prix sont à leur plus haut niveau depuis 2009, confirme de son côté Veson Nautical (ex-VesselsValue), « en raison des prix élevés de l'acier, du manque de disponibilité des chantiers et du boom de la demande ». Cette dernière a été particulièrement marquée, selon lui, pour des porte-conteneurs (334 unités, + 88 % p/r à 2023), des pétroliers (689, + 53 %) et les méthaniers (109, un quart de des commandes de l’année précédente).

Adeline Descamps

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