La dette au cœur du différend entre Gazprom et le gouvernement Moldave, révélé en septembre 2023 refait surface à quelques jours de l'arrêt des livraisons de Gazprom à la Moldavie, ex-république soviétique de 2,6 millions d'habitants, candidate à l'UE depuis juin 2022. Moldovagaz, compagnie détenue à 50 % par Gazprom et à 36,6 % par le gouvernement moldave, avait alors proposé à son actionnaire principal de lui régler 8,6 M$, somme estimée pour sa dette par les deux cabinets occidentaux mandatés pour un audit alors que Gapzprom exigeait 709 M$.
Ce différend entre Moscou et Chișinău est antérieur à l'arrivée des premiers chars sur le territoire ukrainien le 24 février 2022 et résulte d'une hausse brutale des tarifs décidée par Moscou en 2021. Voisine de l'Ukraine et de la Roumanie, la Moldavie, qui vient de réélire une présidente pro-européenne, recevait avant la guerre du gaz russe transitant par l'Ukraine, via la centrale thermique de la région séparatiste prorusse de Transnistrie, qui continue d'être alimentée et de fournir jusqu'à 30% de l'électricité consommée par tout le pays.
En octobre 2021, le contrat gazier avec Gazprom avait été prolongé de cinq ans après une longue négociation sur la hausse des tarifs du gaz. Il arrive à terme le 1er janvier. « Gazprom va introduire une réduction à zéro m3 par jour de ses livraisons de gaz naturel à la Moldavie, à compter du 1er janvier 2025 à 05H00 GMT », indique un communiqué de Gazprom. Le groupe russe, qui n'est pas à la première utilisation de son énergie en arme politique, n'exclue pas d'autres actions pour forcer la partie moldave à « régler ses dettes ».
État d'urgence énergétique
Le Premier ministre moldave Dorin Recean, qui a dénoncé sur les réseaux sociaux cette militarisation du gaz, a néanmoins assuré que son pays était « prêt à faire face », évoquant d'autres sources d’approvisionnement. Le Parlement moldave a néanmoins validé le 16 décembre un état d'urgence de 60 jours – avec des mesures drastiques d'économie d'énergie à la clé (limiter les éclairages, décaler les horaires de production industrielle et réguler les heures de consommation des ménages) –, dans la perspective de cette interruption (attendue) des livraisons.
Parallèlement et sans lien, l'Ukraine a annoncé de son côté le non-renouvellement du contrat quinquennal la liant jusqu'au 31 décembre à la Russie pour faire transiter son gaz via le gazoduc TurkStream. Ce flux représente peu ou prou la moitié des exportations totales de gaz russe vers l'Europe. Cette décision devrait affecter l'Italie, l'Autriche et la République tchèque mais plus encore la Slovaquie et la Hongrie. Les deux pays proches du Kremlin ne comptaient pas se passer du gaz de leur grand voisin.
Selon un porte-parole de la Slovaquie, dont le chef de gouvernement Robert Fico a récemment rencontré Vladimir Poutine, la perte des approvisionnements n'affecterait pas sa consommation, le pays ayant diversifié ses contrats d'approvisionnement, mais augmenterait ses coûts.
Adeline Descamps
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