Ports français : les dockers vont intensifier la pression en mars

À la veille d’une opération « Port mort », prévue ces 26 et 27 février, et aux termes d’un tuilage de débrayages dans les ports cadencés tous les deux à trois jours, la CGT Ports et Docks va amplifier la pression en mars face à un gouvernement sourd aux propositions de sortie de crise avancées par les dockers. Les professionnels demandent une réaction immédiate.

Dans un courrier adressé au  président Emmanuel Macron en date du 25 février, avec copie au premier Ministre, aux ministères du Travail, des Transports et des Affaires sociales, à la direction générale des Infrastructures, des Transports et des Mobilités (DGITM), à l’UPF (Union des ports de France) et à l’UNIM (union des entreprises privées de manutention portuaire), la Fédération nationale des ports et docks (FNPD) rappelle au chef de l’État la « promesse » qu'il avait faite en avril 2022 sur un quai de la Seine. À l’occasion d’un déplacement au Havre, Emmanuel Macron les avait assuré que la réforme des retraites ne s’appliquerait pas aux ouvriers portuaires. Malgré de « multiples tentatives de négociation » et en l'absence de « solutions concrètes proposées par le gouvernement pour résoudre le conflit », le syndicat des dockers lui attribue l’entière responsabilité des 11 jours de débrayage de quatre heures (entre 10 heures et 16 heures) dans les ports organisés en février (huit ont déjà été observés). Soit une vingtaine de grèves perlées depuis fin janvier, au rythme d’une tous les deux à trois jours, et quatre opérations « Port mort ». Deux ont été tenues les 30 et 31 janvier et deux autres sont prévues ces 26 et 27 février.

La Fédération en annonce d’autres pour le mois de mars sur le même principe : non-respect des heures supplémentaires et shifts exceptionnels ; arrêts de travail de quatre heures les mardi 4 mars, jeudi 6 mars, lundi 10 mars, mercredi 12 mars, vendredi 14 mars, lundi 24 mars, mercredi 26 mars et vendredi 28 mars ; et trois jours d’affilée de lock-out (les 18, 19 et 20 mars 2025), avec en point d’orgue une journée morte le 18 mars. Pour « maintenir la pression sur le gouvernement », plaident-ils, et obtenir satisfaction sur la « proposition de sortie de crise », que la CGT Ports et Docks entend remettre en haut de la pile alors que la dissolution de l’Assemblée nationale et la crise politique qui s’en est suivie ont rendu l’exécutif fantôme et démonétisé les interlocuteurs politiques.

Une indemnisation inappropriée

Pour rappel, grâce à un accord de branche, les dockers pouvaient, avant la réforme de 2023, valider leur carrière complète en partant quatre ans avant l'âge légal, à 58 ans donc. Or, la nouvelle loi les oblige à faire deux ans de plus (soit 60 ans). Ils souhaitent s’en affranchir. Le syndicat attend par ailleurs une prise compte de la pénibilité de leurs conditions de travail sous la forme « d’une cinquième année » afin d'obtenir les conditions d’une meilleure retraite anticipée, estimant qu'ils sont soumis aux horaires décalés et aux astreintes. À ce niveau, le gouvernement a proposé de financer six mois de pénibilité, ce que la CGT a rejeté, jugeant cette proposition « inacceptable pour compenser deux années de travail supplémentaire ». Les ouvriers portuaires demandent par ailleurs une reconnaissance « des dates amiante », à laquelle ses membres sont exposés, jusqu’en 2027. « Comme c’est le cas pour de nombreuses entreprises et secteurs d’activité », font-ils valoir. Dans leurs revendications, la question de l'amiante est centrale au point de paraître comme l’une des (la) porte(s) de sortie du conflit.

Au-delà, et sans y voir de contradiction, la Fédération revient sur les 10 Md€ d’investissements qu’elle revendique depuis 2021 pour le développement des ports français et leur permettre de faire face aux mutations générées par la transition énergétique et écologique. Une assemblée générale ,prévue le 25 mars, décidera de la suite à donner au mouvement, menace-t-elle, « si ses revendications ne sont pas satisfaites ».

Une « situation intenable » pour les professionnels

« La situation sur le port de Marseille-Fos devient intenable. Les mouvements sociaux à répétition depuis maintenant deux ans paralysent l’activité, empêchant la sortie des conteneurs et entraînant des surcoûts, découlant des conditions d’accès difficiles au port [modifications d’horaires et de planning, annulations des rendez-vous…NDLR], tandis que les flux de marchandises sont déroutés au profit d’autres ports européens à l’instar de Gênes et Barcelone », dénoncent les commissionnaires de transport du sud-est de la France et de Rhône Alpes (STMRA). Selon TLF Overseas, qui fédère les entreprises de transport et de logistique, « 40 % des conteneurs à destination de la France transitent désormais par les ports concurrents européens ».

Cela fait plusieurs mois que les messages d’alertes des syndicats patronaux se ressemblent s’y méprendre sans se faire entendre. Depuis trois ans, les professionnels auront en effet encaissé 80 jours de grève en 2023, 20 jours en 2024 et une vingtaine déjà en 2025.

Des « mesures immédiates et urgentes »

Dans son communiqué diffusé il y a une semaine – et cosigné par l’AUTF (chargeurs), TLF Overseas, l’OTRE et la FNTR (transporteurs routiers) et le Club Fos Logistique (entreprises de services logistiques installées sur la zone portuaire de Fos) –, les commissionnaires de transport du Sud exigent des « mesures immédiates », à commencer par renouer le dialogue entre les parties prenantes. Et « urgentes » pour fluidifier les opérations portuaires. Les professionnels attendent également un encadrement – « une régulation stricte » – des frais imposés aux chargeurs et transitaires. Une référence aux surestaries, frais de stationnement sur les terminaux et autres pénalités facturés par les transporteurs maritimes et les ports. Même sentiment pour le Syndicat des transitaires havrais (STH) qui appelle aussi les parties concernées à « un sursaut de bon sens ».

Selon TLF Overseas, qui a sondé fin janvier ses membres dans le transport routier, ferroviaire et fluvial sur les perturbations, 23 % (sur la trentaine de répondants) mentionnent des surcoûts opérationnels, 21 % font état de pertes commerciales en janvier tandis qu'un quart d'entre eux anticipent une nouvelle dégradation de leurs chiffres d’affaires en février.

La FNTR rappelle aussi régulièrement « son exaspération » alors que l’économie française n’est pas en état de subir un autre choc, rappelle-t-elle, évoquant un contexte fragile avec une activité au plancher et des défaillances d’entreprises en hausse de 13 %.

La Fédération des Ports et Docks, qui estime avoir fait preuve de « patience et de responsabilité durant les nombreux remaniements gouvernementaux », est au moins à cet égard sur la même ligne que les professionnels qui en subissent les conséquences.

Adeline Descamps

 

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