Benoît Rochet à la tête d'Haropa Port, les chantiers qui l'attendent

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François Durovray, alors ministre des Transports, et Benoît Rochet (à droite) lors de la conférence annuelle de l'Espo, la fédération européenne des autorités portuaires.

Crédit photo ©Espo
La nomination de Benoît Rochet, le directeur des ports de Calais et de Boulogne et vice-président de l'UPF, a été publiée au JO le 26 février mais son arrivée à la tête du premier port français, précédée par la rumeur. Le dirigeant passe à l'échelle supérieure bien que Calais, premier port français décentralisé challenge dangereusement certains des Grands Ports maritimes.

La fumée blanche s’est échappée un peu plus vite que prévu. L’identité du patron du premier port français qui s’étend de Paris à Rouen en passant par le Havre, ne devait pas être connue avant au moins le mois de mars. Fin janvier la proposition gouvernementale avait été soumise aux deux régions membres du conseil de surveillance, la Normandie et Ile-de-France, qui devait le valider. Le conseil de surveillance devait ensuite se réunir et entériner.

« Alors que je quitte le Port Boulogne Calais ce soir, je voulais remercier l’ensemble des collaborateurs, mais aussi les membres de la communauté portuaire et les élus pour leur soutien sans faille, notamment par gros temps (Covid et Brexit notamment). Les projets portés tant à Calais, avec la construction d’un nouveau port, qu’à Boulogne avec un programme de rénovation inédit, ont été particulièrement enthousiasmants », a indiqué sur son réseau LinkedIn Benoît Rochet le 26 février, alors que le décret annonçant officiellement sa nomination à la direction générale d’Haropa Port en date du 24 février est paru au JO ce jour-là.

Le poste était vacant depuis le départ en septembre de Stéphane Raison, l’homme-orchestre de la fusion des trois ports de l’axe Seine (Le Havre, Royen Paris), pour EDF. L’intérim était assuré par Christophe Berthelin, le directeur financier, avec les membres du directoire, le directeur général adjoint en charge du développement, Kris Danaradjou (possible candidat au poste) et les directeurs délégués dans les territoires, au Havre (Florian Weyer), à Rouen (Dominique Ritz) et à Paris (Antoine Berbain).

Parmi les quelques personnalités que notifie l'ex-patron des ports de Calais et de Boulogne à l’issue de son message figurent Xavier Bertrand (président de Région Hauts-de-France à la notoriété politique débordant du cadre territorial qui a sans doute pesé dans le choix final), Frédéric Cuvillier, que l’on connaît davantage en tant que ministre des transports et de la Pêche (quand la SNCM vivait ses dernières heures) que comme maire de Boulogne-sur-Mer et président de l'agglomération, Natacha Bouchard, maire de Calais, très médiatisée en raison des flux migratoires, et Philippe Hourdain, indéracinable président de la CCI du département depuis une décennie.

Trois ans aux commandes de Calais et de Boulogne

Après dix ans passés dans la région des Hauts de France, dont près de trois années (août 2022) en tant que directeur général de la Société d’exploitation des ports du détroit (SEPD), le quadra se retrouve à la tête d’un vaste empire portuaire à trois têtes (Le Havre, Rouen, Paris) s’étendant sur deux régions, Normandie et Ile-de-France, et desservant un vaste hinterland le long de la Seine avec comme cœur battant, la région parisienne et ses 25 millions de consommateurs.

Le dirigeant passe à l'échelle supérieure bien que Calais, premier port français décentralisé, non classé parmi les grands ports maritimes, affiche des tonnages (43,3 Mt en 2024) qui challengent dangereusement certains d’entre eux grâce à sa localisation stratégique qui le rend incontournable dans les échanges entre l'Europe et le Royaume-Uni. Son seul trafic roulier totalise 1,4 million de véhicules et plus d’un camion sur deux passe par le port de Calais.

Haropa Port est la première place portuaire nationale à la fois pour les conteneurs (et plus petit port à conteneurs du range nord-européen) avec 3,1 MEVP en 2024, et le tonnage (83,2 Mt et 18 Mt en fluvial), tandis qu’il est le leader ouest-européen pour les exportations de céréales. En tant que société, il représente un chiffre d’affaires de 437 M€, emploie 160 000 personnes et comme tous les ports, avec un enjeu de ruissellement sur le territoire, estimé dans son cas à 7,3 Md€.

Short list rajeunie

Ingénieur en chef des ponts, des eaux et des forêts, le dirigeant déroule le cursus typique des directeurs de port, à commencer par sa formation initiale (Polytechique et Ponts). Il a démarré sa carrière au Pôle technique du Conseil général de Vendée avant de rejoindre la direction territoriale Nord-Pas-de-Calais des Voies Navigables de France entre 2015 à 2017. Une passerelle vers la direction du Port de Boulogne Calais en septembre de cette même année. Il a donc contribué à l’adaptation des ports du Détroit au Brexit ainsi qu’au chantier et à la mise en service du nouveau port de Calais.  

La short-list pour le poste a finalement retenu deux jeunes profils. Outre le vice-président de l’UPF. Florian Weyer, l’actuel directeur territorial d’Haropa Le Havre, était sur les rangs. Parmi les soutiens connus du premier, François Durovray, l’ex-ministre éphémère des Transports dans le gouvernement Barnier et président du conseil départemental de l'Essonne, que Benoît Rochet avait « interviewé » dans le cadre de la 20e édition du rendez-vous annuel de l’Espo (European sea ports organisation, fédération des ports européens), qui s’est tenu l’an dernier en France à Paris.

Il est inutile de rappeler qu’un candidat, qui n'ait été adoubé par le puissant maire du Havre, Édouard Philippe (et membre du conseil de surveillance d’Haropa), ait une quelconque chance de passer les épreuves de la sélection.

Faits d'arme

Parmi ses marqueurs, le chantier au long cours de « Calais Port 2015 », excroissance pensée à partir du début des années 2000 « pour anticiper et s’adapter à l’évolution du trafic sur le Transmanche, aux navires de nouvelle génération [ferries de plus de 220 m de long qui requièrent des quais d’accostage plus longs et dont les manœuvres nécessitent des bassins plus larges, NDLR] et aux besoins logistiques et industriels de demain », selon les termes de SEPD).. Un investissement au total de 863 M€ dont le financement repose sur un montage public-privé.

Il a également été un fer de lance de la transition énergétique du transmanche en préparant notamment le branchement à quai et en s’investissant dans le projet de création d'ici 2030 d’un corridor vert avec des ferries alimentés par batteries et des installations de recharge dans les ports. Depuis juin 2023 la compagnie britannique P&O déploie deux ferries à propulsion diesel-électrique entre Calais et Douvres. L'autre grande compagnie desservant l'outre-Manche, la danoise DFDS, compte déployer d'ici 2030 une flotte de six navires à propulsion électrique dont deux dans le détroit de Calais.

La connexion électrique a ceci de particulier à Calais que les escales durent 45 minutes et le besoin de puissance nécessite six prises de 20 MW, soit 120 MW de capacité, quarante fois plus que ce que le port consomme actuellement en période de pointe. Le projet Tides (Terminal integration to deliver electricity to ships) a été budgété entre 30 et 40 M€. Un premier contrat de 6,7 M€ a été signé le 9 janvier avec le réseau de transport d’électricité français RTE pour l’acheminement d’une puissance électrique de 100 MW le 9 janvier.

Les chantiers qui l'attendent

Benoît Rocher arrive à un moment stimulant dans le parcours du port fluvio-maritime. Si Haropa a enregistré une modeste croissance de ses trafics maritimes en 2024 (83,19 Mt, + 2,4 %), le premier touché à l’import et dernier à l’export a explosé sur le conteneur (+ 18,7 %). Et toutes ses perspectives sont confortées par le milliard d'euros d'investissement de MSC via Til, sa filiale portuaire.

Les développements du leader mondial dans le transport maritime de conteneurs marqueront la montée en puissance de Port 2000 et la finalisation de ce grand programme structurant pour la filière conteneur. Après avoir terminé en 2023 les travaux sur les postes 11 et 12 qui vont ajouter 700 m de plus pour totaliser 4,2 km de quai, l’aménagement final des terre-pleins et l’acquisition des outillages nécessaires à leur exploitation relèvent maintenant du concessionnaire. Après Générale Manutention portuaire (GMP, JV entre Terminal Link dont est actionnaire CMA CGM et Icon), qui s'est appareillé en grands outillages en 2020-2021, le Terminal de Normandie (TNMSC) et le Terminal Porte Océane (TPO) de TiL/MSC vont aussi s'équiper en méga-portiques dont les deux premiers sont arrivés le 11 novembre. Trois ont suivi en février et les quatre autres sont attendus en mai.

Chatière à finaliser

Parmi les autres chantiers qui attendent le nouveau patron, Il reste celui de la chatière, cette célèbre digue d'1,8 km à construire pour permettre l’accès direct des barges fluviales aux terminaux à conteneurs de Port 2000. Une pièce non dispensable au développement du fluvial pour éviter les ruptures de charge. Les travaux sont partis pour 30 mois moyennant 197 M€. La mise à disposition des opérateurs est prévue sur le premier semestre 2027, de façon à coller avec la concrétisation des engagements financiers de MSC, qui a promis un triplement de ses flux de conteneurs.

Grand port tri-modal, autre opération lancée

La grande opération consiste désormais à aménager un port tri-modal (fluvial, ferroviaire et routier) d’environ 100 ha à la confluence de la Seine et de l'Oise. Ce sera une première depuis l’ouverture dans les années 70 de Limay (un port fluviomaritime à mi-distance de Paris et de Rouen où Ikea va mettre en service en 2026 un entrepôt logistique de 72 000 m² pour y recevoir des conteneurs maritimes et préparer la livraison de ses clients parisiens). « C'est un projet important de 122 M€ pour étendre notre hinterland naturel qui nous engage jusqu’en 2040 dans la mesure où le site sera aménagé au fur et à mesure que nous récupérons les terrains », avait expliqué Kris Danaradjou dans un entretien au JMM en septembre.

Destiné notamment à accueillir les activités en lien avec le secteur du BTP, il répond au souci de rééquilibrage des plateformes logistiques à l’Ouest de Paris. L’opération prévoit la création d'une darse (bassin intérieur), de quais (dont un public), d'une connexion ferroviaire, de voies d’accès routier et l’accueil d’entreprises sur environ 50 ha de foncier.

Cimenter les implantations industrielles

Il s’agira aussi de conforter les implantations industrielles qui tirent vers le haut ses revenus fonciers (60 % de ses revenus). En novembre dernier, l’autorité portuaire a annoncé un investissement entre 2,5 et 2,7 Md€ porté par trois entreprises dans le cadre de l'affectation de 60 ha sur l'un de ses cinq labellisés « France 2030 » [Détails ici : Lithium, hydrogène et e-carburants : zoom sur les trois projets annoncés sur le port du Havre]. L'issue de l'appel à projets en cours, portant sur 25 ha à l'est de l’A29, devrait être connue au cours de ce premier trimestre.

Plus qu'accompagner les implantations industrielles, il faudra aussi et surtout les cimenter. Plusieurs porteurs de ces projets, y compris les plus solides, ont fait marche arrière dernièrement, à l'instar d'Engie avec son projet de production de biométhane au Havre. Benoît Rochet ne devrait donc pas s’y ennuyer.

Adeline Descamps

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