MSC et CMA CGM se trouvent en permanence sur les traces l’un de l’autre dès lors qu'il s’agit d’intérêts méditerranéens. Il y a quelques mois à peine CMA CGM, via son bras armé portuaire Terminal Link, et Marsa Maroc, signaient un accord pour l’exploitation conjointe (49/51% au profit de Marsa) du terminal à conteneurs Est (ECT ou TC1) de Nador Nador West Med, dont l'opérateur portuaire marocain a a obtenu en juin 2024 la concession pour une durée de 25 ans.
Cette fois, l'opérateur national, implanté dans 13 terminaux du pays dont trois à conteneurs parmi lesquels Tanger Med 2 (avec Hapag-Lloyd et Contship Italia/Eurogate), contracte avec Terminal Investment Limited (TiL), manutentionaire dont est l'actionnaire majoritaire MSC. Les modalités sont peu ou prou similaires : une participation minoritaire de 50 % (moins une action) pour MSC et 50 % plus une action du capital social et des droits de vote pour Marsa Maroc. L'entreprise, qui domine les opérations dans la plupart des ports de commerce du pays, se porte à l'image des activités portuaires du Royaume : en grande forme, ayant enregistré un chiffre d’affaires consolidé de plus de 5 milliards de dirhams en 2024 (481 M€), en progression de 16 % par rapport à l’année précédente.
Partage à parts égales
Les numéros un et trois mondiaux dans le transport de conteneurs vont donc se partager (à parts égales) les 1 520 mètres linéaires de quai à une profondeur de 18 m, selon les plans prévus, ainsi qu'une zone de stockage de 70 ha.
Une fois achevé, le futur port, construit par un consortium composé du marocain SGTM, du luxembourgeois JDN et du groupe turc STFA, accueillera deux terminaux à conteneurs, provisoirement appelés East Container Terminal (ECT ou TC1) et West Container Terminal (WCT ou TC2), ce dernier de taille plus modeste. La mise en service de la première phase est prévue début 2027, selon Marsa Maroc. Outre le conteneur, l'installation comprendra un terminal de vrac liquide (capacité de 25 Mt), de charbon (sic, de 8 Mt) et de marchandises diverses (3 Mt).
Les investissements de MSC n’ont pas été précisés à ce stade dans la mesure où le Marocain s'est réservé le bénéfice de l'annonce. CMA CGM s’était, lui, engagé à financer huit portiques et 24 RTG électriques et à des investissements à hauteur de 280 M$, « avec comme objectif d’atteindre un volume annuel de 1,2 MEVP ». Soit la moitié des objectifs affichés par le nouveau port programmé pour une capacité de 3,4 MEVP avec 15 portiques de quai (STS) et 45 portiques de parc (RTG) de dernière génération. Au Maroc, le groupe français contrôle jusqu'à présent le terminal à Casablanca et est actionnaire à 40 % d'Eurogate Tanger. Mais avec Nador, il se projette sur les développements autour de la production d’hydrogène vert, Nador ambitionnant de devenir un hub de soutage maritime pour les e-carburants en Méditerranée.
Un projet qui date de 2016
Les travaux d'aménagement de ce port entièrement greenfield, à quelque 250 km plus à l'est de Tanger, devaient démarrer en 2016. Mais des études environnementales et sismiques, la pandémie ensuite et d’autres éléments perturbateurs enfin ont ajourné le chantier.
Quand il a été pensé, son coût était estimé à près d’1 Md€ et pouvait compter sur des financements apportés par l’État marocain, TMSA (Agence spéciale Tanger Med), des bailleurs internationaux dont la Berd qui avait accordé un prêt de 200 M€, la Banque africaine de développement qui s'était engagé à hauteur de 112,8 M€ et le Fonds arabe pour le développement économique et social (177,4 M€). Il est probable que les apports soient révisés.
Valoriser sa vocation atlantique
Porté par l’ascension météorite de Tanger Med (+ 79,4 % entre 2019 et 2023) qui a permis au Maroc de s’inscrire sur la scène internationale de la ligne régulière – quatre terminaux au bord de la saturation, un trafic en avance de quatre ans sur ses objectifs (8,61 MEVP, 19e rang mondial) –, le Royaume compte réitérer l'exploit.
Avec ces nouveaux développements, le pays compte consolider sa position stratégique et faire basculer les flux de la Méditerranée occidentale du Nord au Sud. D’autres infrastructures doivent compléter son architecture portuaire, notamment l’extension de Safi et la mise en service de Dakhla Atlantique, « pour asseoir la vocation atlantique du Maroc », est-il avancé.
Adeline Descamps
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