Canal de Panama : le gouvernement panaméen modifiera la concession à Hutchison le cas échéant

Après les « sorties » impérialistes de Donald Trump sur le canal de Panama, la visite au Panama du secrétaire d'État américain, Marco Rubio, s'est soldée par de nouvelles menaces en l'absence de « changements immédiats » sur la gestion du canal. Dans le viseur, une supposée influence chinoise. Coté en bourse et pas à proprement lié financièrement au gouvernement chinois, le manutentionnaire hongkongais Hutchison Port exploite depuis plus de vingt ans les terminaux à l'entrée du canal.    

« Nous sommes partis pendant quatre ans à commenter des déclarations politiques qui n’en sont pas vraiment et d’apporter des demi-réponses à des propos dont on sait qu’ils auront une durée de vie limitée », réagit un économiste, spécialiste du fait maritime, aux dernières « sorties » impérialistes de Donald Trump sur le canal de Panama.

Le président américain républicain, en poste depuis à peine quinze jours, est en forme. Il s’est déjà prononcé (avant d’annoncer tout aussi rapidement un sursis d’un mois moyennant des concessions) sur les droits de douane envers ses trois principaux partenaires (40 % des importations des États-Unis), le Mexique et le Canada (25 %) et 10 % supplémentaires à l’endroit de la Chine (qui a déjà répliqué avec une enquête contre Google et une hausse des taxes sur les importations d'hydrocarbures). Après ses velléités sur le Groenland, il a indiqué ces dernières heures la prise de contrôle de Gaza lors d'une conférence de presse conjointe avec le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, en visite à la Maison Blanche. Il a menacé Pretoria de couper tout financement à l'Afrique du Sud en mettant en cause sa politique foncière et notamment la récente promulgation d’une loi d’expropriation.

Et il a poursuivi son narratif sur le canal de Panama entamé à la veille de Noël. En pleine trêve des confiseurs, élu mais pas encore intronisé, il s’en était pris aux droits de passage auxquels sont astreints les navires américains empruntant le canal de Panama sans préciser de quels navires il s’agissait exactement (en l’occurrence, ils seraient moins de 5 000 unités). Avec une solution pour y remédier : reprendre le contrôle de cette voie de la navigation devenue royale à la faveur de la mondialisation des échanges. Entre 5 et 6 % du commerce maritime mondial passent par ses écluses mais une grande part du trafic de conteneurs américain (40 % selon certaines sources non corroborées).

Souveraineté d'État en jeu

Construit par les États-Unis au début des années 1900 pour faciliter le transit des navires commerciaux et militaires entre leurs côtes, le passage de 80 km, qui permet un raccourci avantageux entre Asie et la côte est des États-Unis en faisant l’économie du passage par les eaux agitées du cap Horn, a été rétrocédé par les Américains le 31 décembre 1999 en vertu d’un accord négocié sous la présidence du démocrate Jimmy Carter en 1977. Sur son réseau Truth Social, le président républicain évoquait en outre une mainmise de Pékin. Depuis sa reconnaissance diplomatique par le Panama en 2017, la seconde puissance économique mondiale a investi dans des projets d'infrastructure à proximité du canal. Le manutentionnaire hongkongais Hutchison Port exploite notamment depuis plus de vingt ans les ports situés à l'entrée du canal, les terminaux de Balboa sur la rive pacifique du canal et le port de Balboa sur la rive atlantique.
Mais cotée en bourse, Hutchison Ports n'est pas à proprement lié financièrement au gouvernement chinois, bien que les entreprises de Hong Kong soient soumises à la surveillance de l’exécutif chinois.

« Le canal n'est contrôlé, directement ou indirectement, ni par la Chine, ni par la Communauté européenne, ni par les États-Unis ni tout autre puissance. En tant que Panaméen, je rejette fermement toute expression qui déforme cette réalité », avait réagi promptement en décembre le président du Panama, Jose Raul via son compte X, rappelant que « chaque mètre carré du canal de Panama et de ses zones adjacentes appartient au Panama et continuera à lui appartenir ».

Influence chinoise dérangeante

Dans son discours d'investiture le 20 janvier, le président américain avait réitéré son intention de « reprendre » le contrôle du canal pour contrer l'influence de la Chine. En visite le 2 février au Panama pour son premier déplacement à l’étranger, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a menacé le pays de prendre des « mesures » en l'absence de « changements immédiats » sur la gestion du canal.

Aux termes de ses échanges avec l’émissaire de Donald Trump, José Raúl Mulino a finalement annoncé ne pas renouveler sa participation au gigantesque projet d’infrastructures des nouvelles routes de la soie.

Louis Sola, nouvellement nommé à la tête de la Commission maritime fédérale (FMC) par le président Donald Trump a indiqué à la presse américaine avoir reçu des plaintes selon lesquelles certaines entreprises chinoises sont remboursées pour les transits dans le canal. D'autres questions concernent les contrats sans appel d'offres de la Chine pour l'exploitation de deux ports de part et d'autre du canal, ainsi que d'autres projets d'infrastructure du canal. « Après avoir refusé de payer pendant 20 ans, ils ont renouvelé le contrat et paient 7 M$ par an pour les deux ports. Ces actifs valent certainement entre 5 et 7 Md$ », a assuré le président de la FMC, qui a été par ailleurs entendu par le Sénat américain dans le cadre d’une audition sur les questions de commerce et de sécurité du canal. Washington craint surtout que cette région riche en ressources ne penche vers les intérêts chinois dont l'influence économique est croissante en Amérique latine depuis 2017.

En vertu de la loi de 1920 sur la marine marchande (Merchant Marine Act), la FMC a la capacité d'infliger des amendes substantielles à un gouvernement étranger et d'interdire l'entrée de navires battant pavillon étranger dans les ports américains en cas de pratiques préjudiciables au transport maritime américain. Sachant que le pavillon panaméen est le deuxième au monde en termes d’enregistrement en raison de sa politique commerciale agressive (main d'œuvre étrangère moins chère, exonération d'impôts, facilité d’enregistrement…)

En attente d'éléments financiers tangibles

Le Panama attend les résultats d'un audit sur les paiements de CK Hutchinson à l'État, qui, selon les analystes, pourrait faire modifier sa concession avec la société.

Depuis qu'il en a repris la gestion, le Panama a géré son canal de manière efficace. En dépit de la perte d'un tiers de son trafic au cours de son exercice fiscal (octobre 2023-septembre 2024), l'infrastructure a enregistré un résultat net en hausse de 300 M$, à 3,45 Md$, tandis que ses recettes (+ 18 %) ont approché les 5 Md$. Les conditions météorologiques ont pourtant coûté cher en termes de trafic. Moins de 10 000 (9 944 dont 2 856 néo-panamax et 7 088 panamax) passages ont transité par la voie navigable pour un volume de 423 Mt contre 511 Mt pour l’exercice précédent.

Le principal ennemi de l'infrastructure reste le déficit hydrique que le réchauffement climatique a exacerbé ces dernières années, de surcroît aggravé en 2023-2024 par le phénomène de sécheresse intense El Niño, qui se produit tous les sept ans.

Adeline Descamps

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