La deuxième phase du cessez-le-feu doit démarrer le 1er mars, selon les termes de l’accord signé le 15 janvier, au cours de laquelle les 27 derniers otages vivants doivent être libérés et les corps de 35 personnes restitués à leurs proches, en échange d’un retrait total d’Israël de la bande de Gaza et d’un arrêt complet des combats.
La faction houthie armée par l’Iran, qui attaque les navires marchands depuis décembre 2023 en soutien au Hamas palestinien contre Israël, a suspendu ses actions au lendemain de l’accord de trêve, excepté pour les navires liés aux intérêts israéliens. Mais les rebelles, qui disent avoir le doigt « sur la gâchette », ont menacé de faire à nouveau pleuvoir les drones et missiles d’attaques si jamais la trêve était rompue.
Ils s'y préparent visiblement en constituant leurs stocks. Le Commandement central des États-Unis (Centcom) a indiqué que l’Iran continuait d’avitailler le mouvement d’opposition yéménite après que les garde-côtes américains ont intercepté fin janvier une cargaison iranienne (composants pour des missiles balistiques à moyenne portée et de drones marins sans pilote et équipements de communication, entre autres) à bord d’un boutre (banalisé) en mer d’Oman.
Le schéma d’approvisionnement a été mis à jour par le Groupe d'experts des Nations unies. Le matériel destiné aux Houthis est chargé sur des embarcations depuis des entrepôts contrôlés par l'unité 190 de la Force Qods du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) à Chah Bahar et Bandar Abbas notamment. Il est ensuite transbordé sur plusieurs bateaux de pêche (pour diluer le risque des saisies) depuis la côte yéménite, et acheminé clandestinement le long des côtes jusqu'aux zones contrôlées par les Houthis.
Accord fragile
Aucune exaction contre les navires en mer n’a été relevée depuis ces déclarations mais l’accord est précaire face aux deux forces belligérantes, qui s’accusent mutuellement de ne pas respecter les termes de l’accord. Les négociations entre les autorités israéliennes et le Hamas auraient déjà dû démarrer. Les « développements immobiliers » de Donald Trump, qui a déclaré sérieusement vouloir prendre le contrôle de Gaza en expulsant ses habitants vers l’Égypte et la Jordanie, font leur chemin au sein de pays arabes voisins. Aussi fantasques soient ses déclarations.
Dans un discours prononcé à Tabriz à l'occasion du 46e anniversaire de la révolution islamique, le guide suprême iranien Ali Khamenei a fait valoir, de son côté, que la « capacité de l'Iran à contrer les menaces sérieuses est à un excellent niveau » tout en reconnaissant un risque d’attaque accrue.
Reconduction tacite
Dans ce contexte en permanence au bord de la rupture, le Conseil de l’UE a décidé de reconduire pour une année supplémentaire sa mission EUNAVFOR Aspides (« bouclier » en grec ancien) avec un financement de « plus de 17 M€ ».
La « mission de surveillance et patrouille maritime », comme elle est qualifiée,
avait été lancée en février 2024 pour une durée d’un an dans un contexte dans un contexte extrêmement tendu en mer Rouge alors que les attaques des rebelles houthis contre des navires étaient intenses et rapprochées.
La bataille politique avait été âpre pour obtenir le financement nécessaire au déploiement d’une force navale chargée de patrouiller et d’escorter les navires sur une très vaste zone, les détroits de Bab el-Mandeb et d'Ormuz, les eaux internationales de la mer Rouge, du golfe d'Aden, d'Oman et Persique. Le commandement général a été confié à la Grèce et le pilotage opérationnel à l'Italie.
La France avait immédiatement fait valoir qu’elle était prête à mettre à disposition l'une de ses trois frégates multi-missions FREMM présentes en Mer Rouge. Paris, qui avait alors refusé de voter la résolution portée par les États-Unis et le Royaume-Uni au conseil de sécurité de l’ONU avalisant une réponse militaire massive, défend depuis le début du conflit la solution d’une escorte navale et des actions de sécurité régionale.
640 navires assistés
À ce jour, seulement cinq pays européens ont fourni des navires à cette opération, à savoir la France, l’Italie, l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas. Depuis son lancement, plus de 640 navires marchands ont bénéficié de ses services, dont 370 d’une escorte de protection rapprochée tandis que 50 marins ont été secourus. Au total, 18 munitions téléopérées (MTO), 4 missiles balistiques et 2 drones de surface (USV) ont été détruits.
Les missions de l’opération ont été également revues. Elle devra « être en mesure de collecter des informations, en plus des données nécessaires pour protéger les navires, sur le trafic d’armes et les flottes fantômes en vue de les partager avec les États membres, la Commission européenne, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime [ONUDC], l’organisation internationale de la police criminelle [INTERPOL], l’Agence de l’UE pour la coopération des services répressifs [EUROPOL] et l’Organisation maritime internationale ».
Pour l’heure, la plupart des armateurs continuent d’éviter la région et d’emprunter la longue route par le cap de Bonne Espérance. Les quelques passages observés sont le fait de méthaniers.
Collaboration efficace entre les marines
« Toutes les marines du monde doivent actuellement faire face à des conflits terrestres qui débordent en mer et n'ont sans doute jamais dû faire face à autant de menaces tous azimuts, avec des technologies très diverses, des simples drones de surface (skiffs yéménites chargés d'explosifs) aux drones aériens jusqu'aux missiles balistiques ou antinavires, beaucoup plus sophistiqués », avait signifié Nicolas Vaujour, chef d’État-major de la Marine nationale, aux Assises de l’économie de la Mer en novembre dernier.
Au-delà, les deux marines - marchande et nationale –, n'ont sans doute jamais autant collaboré. Le Mica Center (centre français d’analyse et d’évaluation de la situation de sûreté maritime mondiale) en a été une véritable courroie de transmission.
Adeline Descamps
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