Pétroliers : des signes d'un redressement plus certain

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Les pétroliers sont loin d'être sortis d'affaire. Mais les données croisées entre la demande mondiale, les taux d’affrètement et le suivi AIS des navires indiquent une reprise lente mais constante. Le pétrole vient d’atteindre son plus haut niveau depuis plus de deux ans. Le surplus de pétrole accumulé pendant la pandémie a presque disparu et les stocks devraient diminuer rapidement au cours du second semestre. La demande de transport ne devrait que mieux s’en porter. 

Le pétrole, dont le cours a grimpé plus de 30 % en 2021, poursuit sa remontée. Le brut West Texas WTI pour livraison en juillet a encore gagné 1,4 $ ces dernières heures pour s'établir à 67,72 $ le baril tandis que le Brent pour livraison en août a grignoté 93 cents dépassant de quelques cents la barre des 70 $ le baril, son plus haut depuis mai 2019. 

L'Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés (OPEP+) a décidé en avril de remettre sur le marché 2,1 millions de barils par jour (Mb/j) de mai à juillet, prévoyant que la demande mondiale augmenterait malgré la recrudescence des cas de coronavirus en Inde. 

Taux de fret affecté par le retour de l’Iran

Néanmoins, la relance de l’accord nucléaire avec l'Iran reste dans le champ des possibles alors que les négociations progressent entre les puissances mondiales. Et la perspective d'une augmentation de la production iranienne ne permet pas aux producteurs de pétrole d’être totalement sereins. Des sources de l'industrie pétrolière soutiennent que les exportations de pétrole iranien sont en réalité en hausse depuis fin 2020. Elle peut potentiellement ajouter entre 1 et 2 Mb/j, estiment les analystes. En entraînant une hausse du nombre des navires disponibles, la levée des sanctions contre les pétroliers iraniens pourrait affecter les taux de fret. 

Parallèlement, un fort ralentissement de la demande pourrait également entraver les plans de l'OPEP+. Mais pour l'instant, le cartel prévoit toujours un rebond de 6 Mb/j de la demande mondiale de pétrole en 2021 sur le second semestre. L’Organisation, qui a réduit sa production d'un niveau record de 9,7 millions de bpj l'année dernière en raison de l'effondrement de la demande, a décidé le 2 juin d’ajouter 700 000 barils par jour en juin et 841 000 barils par jour en juillet, après les hausses de mai et juin. Une reprise économique vigoureuse aux États-Unis et en Europe a donné aux pays exportateurs de pétrole et à ses alliés la certitude que les marchés peuvent absorber des barils supplémentaires.  

Les armateurs de tankers font indécemment fortune

Surplus de pétrole atténué

Selon une évaluation du marché effectuée par un comité de l'OPEP+, le surplus de pétrole accumulé pendant la pandémie a presque disparu et les stocks vont diminuer rapidement au cours du second semestre de l'année À l'avant-garde de la reprise de la demande mondiale, les États-Unis ont envoyé des signaux positifs avant même le début de la traditionnelle période de pointe de consommation de carburant. La demande américaine d'essence au cours de la semaine close le 28 mai a atteint le niveau le plus élevé depuis le début de la pandémie, soit 9,534 Mb/j

La demande de transport pourrait enfin frémir mais l'impact du Covid sur le marché des pétroliers ne semble pas encore totalement absorbé. La force motrice des importations et exportations est encore sujette à de la volatilité. Après une légère reprise vers la fin du mois de mars, les taux des VLCC ont de nouveau chuté au début du mois de mai pour se situer en dessous du seuil d’exploitation d’après VesselsValue Trade qui a évalué l'état actuel du marché des pétroliers en utilisant les données de l'AIS des navires.

« Parallèlement à la faiblesse des revenus, la demande de pétroliers bruts montre également peu de signes de reprise », ajoute le consultant. En début d’année, la réduction de la demande soutenait en fait le marché des pétroliers, intensifiant encore le besoin de stockage flottant alors que le raffinage diminuait et que le stockage à terre atteignait sa capacité. 

La demande en tonnes-km – qui croise les distances réelles parcourues par chaque navire et les estimations des volumes – est restée constante pour les transporteurs de brut entre janvier et mars jusqu'à ce qu'elles subissent un nouveau coup dur à la mi-avril. 

Pétroliers : l'inespéré coup du sort

Déséquilibre actuel entre l'offre et la demande

« Malgré un grand nombre de candidats à la casse, la faiblesse de la demande de milles associée à un carnet de commandes de VLCC bondé devrait prolonger le déséquilibre actuel entre l'offre et la demande, bien au-delà de 2021 car l'offre excédentaire de navires disponibles se poursuit. Et le calendrier de reprise de la demande reste inconnu », indiquent encore les analystes de VesselsValue.

La demande mondiale de brut reste portée par l’Asie du Sud-Est, la Chine en principal consommateur. En croissance confiante au cours des trois premiers mois de cette année (+ 42 %), elle a commencé à baisser en mai, chutant de 34 % entre la mi-mars et mai.

Les espoirs placés en Inde, important importateur de pétrole avec près de 500 trajets de VLCC l'année dernière à destination du pays, sont ruinés par la résurgence de l’épidémie. Les distances parcourues à destination de l'Inde ont connu une croissance impressionnante de 81 % entre fin novembre et mi-décembre 2020 alors que le nombre de cas de Covid avait diminué. Depuis lors et jusqu’en mai, les tonnes-km ont à nouveau diminué de 20 %, le nombre de cas de Covid ayant bondi ces derniers mois.  

Extrême réactivité aux événements

« Ces derniers temps, nous avons une fois de plus constaté la rapidité avec laquelle les conditions peuvent fluctuer sur le marché en raison de changements dans les flux d'approvisionnement ou de transport du pétrole ». VesselsValue a sans doute en tête le blocage de l'Ever Given dans le canal de Suez ou la cyberattaque du Colonial Pipeline. Les deux événements ont eu pour effet de faire monter en flèche les prix du pétrole et les tarifs des pétroliers. 

La fermeture de l’ensemble du réseau de l’oléoduc qui joue un rôle majeur dans l’approvisionnement de diesel, d’essence et de kérosène de la côte est des États-Unis (2,5 millions de barils par jour), reliant les raffineries du Golfe du Mexique aux centres de distribution de la côte est, a eu un impact immédiat sur les stocks, les taux et les contrats à terme des pétroliers. Les raffineurs américains et les négociants se sont rués sur les MR, les premiers pour stocker du carburant en anticipation d’une pénurie et les seconds pour expédier des produits raffinés depuis l'Europe. En l'espace de quelques jours seulement, le marché atlantique des transporteurs de produits pétroliers a augmenté de près de 100 % pour retomber peu après.  

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Vers un marché mieux équilibré ? 

À court ou long terme, de façon irrémédiable, l'un des principaux moteurs reste la hausse de la consommation de pétrole. Selon VesselsValue, le monde consomme actuellement environ 96 Mb/j mais n’en produit que quelque 94 millions. C’est-à-dire au niveau moyen des stocks des cinq dernières années. Pour éviter une nouvelle diminution, la production doit maintenant augmenter d'environ 2 Mb/j, ce que l'OPEP+ mettra en pratique au cours des trois prochains mois. 

Le retour progressif à une consommation de pétrole normalisée est toutefois tributaire de paramètres extérieurs : la vaccination de masse de façon à permettre un retour à la mobilité, à la consommation et à la production industrielle. 

« Bien sûr, il y a des nuages d'inquiétude. En plus de causer de grandes souffrances humaines, le développement de la pandémie en Inde entrave également la reprise de la demande de pétrole du pays. En outre, les tensions croissantes au Moyen-Orient sont une autre source d'incertitude », souligne Kim Ullman le PDG de VesselsValue qui planifie une véritable reprise en 2022 avec une demande de pétrole brut et de produits pétroliers en hausse de 4 à 5 %. Le marché sera alors revenu juste au-dessus des niveaux de 2019.  

Dans le même temps, la croissance de la flotte de pétroliers devrait être faible, les commandes notamment de porte-conteneurs affluant sur les chantiers, ce qui limite la disponibilité pour les autres catégories de navires et allonge les délais de livraison. Alors qu’il faut en temps normal un an et demi pour qu'un navire soit livré (après la commande), il faut compter cette année au moins une année de plus pour espérer être livré.

Adeline Descamps

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