Hapag-Lloyd investit 1 Md$ pour un opérateur sud-américain de terminaux

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Le transporteur maritime allemand poursuit sa stratégie d’acquisition dans la manutention portuaire, secteur dans lequel il accuse du retard par rapport à ses concurrents. Il met sur la table une somme conséquente pour acquérir un groupe chilien qui exploite dix terminaux, principalement en Amérique du Sud et centrale. Non sans risques dans des pays en proie à une instabilité chronique.

Le marché s’est retourné pour les compagnies de la ligne régulière qui ne pourront peut-être même plus compter sur les taux contractuels en relais de croissance à ceux du spot. Après avoir pris des trajectoires différentes, le premier en hausse, le second en baisse, les deux types de contrats pointent désormais tous deux vers le bas. Mais les compagnies continuent de placer les substantiels profits engrangés ces deux dernières années. En l’occurrence pour Hapag-Lloyd, le premier semestre s’est terminé sur un résultat d'exploitation de 10 Md€ et un bénéfice net de 8,7 Md€.

Après avoir annoncé mi-septembre son intention de prendre une participation dans le groupe italien de logistique Spinelli qui exploite notamment le Genoa Port Terminal (580 000 EVP/an) et d’autres terminaux dans les ports italiens, l’armateur allemand jette cette fois son dévolu sur l'ensemble des activités portuaires et logistiques du groupe SAAM (filiales Ports et Logistics). Une opération de près de 1 Md$ avec les entrepôts sous douane et les assets liés à l'activité logistique.

Un groupe de 4 300 personnes 

Basé au Chili depuis 1960, coté à la bourse de Santiago depuis 2012, l’opérateur de terminaux est implanté sur le continent américain, notamment centrale et du Sud, où il exploite 10 terminaux ayant traité 41 Mt et 3,3 MEVP en 2021. La société détient une part de marché importante au Chili, au Costa Rica et en Équateur (Guayaquil). Aux États-Unis, au Mexique et en Colombie, elle exploite des ports de taille moyenne comme à Port Everglades et Mazatlán. La transaction comprend les services logistiques connexes à l'activité portuaire (cinq sites au Chili) mais exclue les entreprises de services de remorquage et la logistique aéroportuaire.

Sous réserve du feu vert des autorités de la concurrence, Hapag-Lloyd absorberait ainsi un groupe de quelques 4 300 employés. Au cours du premier semestre, selon son rapport d’activité, le groupe chilien a enregistré un bénéfice net de 43,5 M$, en hausse de 19 % par rapport à la même période de l’année précédente, qu’il doit principalement aux divisions Terminaux portuaires et Logistique. L'Ebitda s’est établi à 139 M$, en hausse de 5 %, et ses recettes se sont élevées à 410 M$, en croissance de 15 % sur un an. Le volume de conteneurs manutentionnés a baissé de 5 % en raison d'une diminution du nombre d’escales et du nombre de conteneurs par navire, « le tout étant dû à la congestion du terminal après la fermeture de Shanghai », fait-il valoir.

Carte des terminaux du groupe SAAM

Opération risquée

Du fait de son exposition géographique, l’acquisition de Hapag-Lloyd n’est pas sans risques. Près d’un quart des revenus de SAAM tirés de services chiliens, ses performances commerciales et sa marge de manœuvre dépendent donc en partie des conditions économiques du pays. « L'État chilien a eu et continue d'avoir une influence substantielle sur de nombreux aspects du secteur privé et, dans le passé, ses modifications des réglementations monétaires, fiscales et autres ont affecté l'économie », a indiqué la société à ses actionnaires à l’occasion de la présentation des résultats financiers en août.

En outre, SAAM opère en Amérique centrale, où plusieurs pays ont connu des périodes d'instabilité politique et économique au cours des dernières décennies. « Les gouvernements sont intervenus dans les affaires commerciales et financières. Il ne peut être affirmé que ces situations ne se reproduiront pas à l'avenir », indique la société dans la partie « risques » de son rapport d’activité, d’autant plus qu’elle est tributaire du renouvellement des concessions, cependant toutes reconduites à ce jour. 

Cap sur les terminaux

« L'investissement dans les infrastructures de terminaux est un élément clé de notre programme stratégique, et l'Amérique latine est l'un de nos marchés forts. Cette acquisition nous aidera à renforcer notre activité tout en constituant un portefeuille de terminaux solide et attractif », justifie, en éléments de langage, Rolf Habben Jansen, PDG de Hapag-Lloyd.

Contrairement à CMA CGM et à Maersk qui ont fait du « air-mer-terre » la nouvelle frontière de leur développement, investissant des milliards pour acquérir des`entreprises de logistique et des avions (CMA CGM avec sa compagnie Air CargoMaersk avec Star Air), Hapag-Lloyd semble vouloir rattraper son retard dans la manutention portuaire. En témoigne sa prise de participation de 30 % dans le terminal de Jade Weser à Wilhelmshaven, aux côtés du manutentionnaire allemand Eurogate.

Il réalisait alors sa troisième prise de participation dans les terminaux portuaires où, contrairement à ses pairs, il a limité sa présence. Il détenait jusqu’alors une participation minoritaire de 25,1 % dans le Container Terminal Altenwerder (CTA), l’un des trois terminaux de Hambourg qu’exploite l’autre manutentionnaire allemand HHLA. Hapag-Lloyd contrôle aussi, depuis novembre 2019, 10 % du terminal Tanger Alliance (TC3), le quatrième terminal de Tanger Med, aux côtés de Marsa Maroc (50 % plus une action) et d’Eurogate/Contship (40 %).

« Nous avons appris au cours de la pandémie à quel point il est important d'avoir un réseau robuste autour de quelques terminaux, où il nous semble nécessaire d’avoir le contrôle », avait placé Rolf Habben-Jansen, le directeur général du transporteur à l’occasion d’une présentation de ses résultats trimestriels. Il avait fait part de son intention de consolider son transbordement dans une quinzaine de terminaux. « Et il ne serait pas illogique d’investir dans la moitié d’entre eux », avait-il ajouté.

Participation dans les terminaux encore limitée

En mai, l’armateur allemand, associé au groupe portuaire allemand Eurogate/Contship, ont été retenus pour exploiter et gérer pendant trente ans un terminal à Damiette d’une capacité de 3,3 MEVP. La mise en service est prévue en 2024.

À cette fin, une coentreprise – Damietta Alliance Container Terminal –, a été créée dont le capital sera détenu par Hapag-Lloyd (39 %), Eurogate et sa filiale Conship Italia (29,5 % chacun) tandis que deux autres partenaires, Middle East Logistics & Consultants et Ship & C.R.E.W. Egypt, détiendront 1 % chacun. 

L'emplacement du nouveau terminal le placera en concurrence directe avec le terminal à conteneurs Suez Canal Container Terminal (SCCT), en service depuis 17 ans, dans lequel APM Terminals, filiale de Maersk, détient 55 % du capital aux côtés de Cosco (20 %), entre autres. Le terminal d’une capacité de 5 MEVP vient de finaliser une seconde phase d’investissements qui lui permet de traiter les plus grands porte-conteneurs actuellement en service.

Outre son intérêt pour la manutention, Hapag-Lloyd a également manifesté son attrait pour le marché africain, ayant acquis l’an dernier, la société néerlandaise Nile Dutch, l'un des spécialistes du transport de conteneurs à destination et en provenance d'Afrique de l'Ouest, opération complétée avec les activités conteneurs de Deutsche Afrika Linien qui opère avec quatre services de ligne entre l'Europe, l'Afrique du Sud et l'océan Indien.

Adeline Descamps

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