Alors que l’économie mondiale a sérieusement ralenti au cours du deuxième trimestre (les institutions financières estiment même que tous les critères d’une récession sont réunis), Hapag-Lloyd a toujours ses radars réglés sur la fréquence « performance ». Tout comme Maersk qui l’a précédé de quelques jours dans la présentation des résultats du deuxième trimestre. Les deux armateurs de porte-conteneurs font même mieux qu’au premier trimestre alors que la conjoncture s’y prêtait davantage avec une croissance économique de 4,8 %.
Depuis, les indicateurs économiques se sont dégradés. La croissance économique de la Chine a été entravée par un regain épidémique qui s’est soldé par des confinements en avril et en mai alors que Pékin reste inflexible sur sa politique zéro Covid. Sur le premier semestre, la croissance économique de la Chine n’a été que de 2,5 %, une sous-performance pour la seconde puissance économique mondiale dont le PIB est abonné aux croissance à deux chiffres (+ 12,7 % au premier semestre 2021).
Les grèves portuaires dans plusieurs ports en Europe, en Corée du sud et en Amérique du Nord ainsi que les problèmes persistants de congestion (notamment à Los Angeles/Long Beach) ont par ailleurs bridé la libre circulation des navires.
Lent et progressif affaiblissement du SFCI
Les volumes mondiaux de conteneurs ont ainsi baissé de 2,5 % entre janvier et mai par rapport à la période de l'année précédente selon des données de CTS publiés en juillet. Les flux de l’Asie vers l'Amérique du Nord ont légèrement augmenté tandis qu’ils ont baissé de 3,6 % vers l'Europe. Dans l’autre sens, les volumes depuis l'Amérique du Nord et de l'Europe vers l’Asie ont dévissé, de 14,5 % et 14,6 % respectivement.
L'indice de fret conteneurisé de Shanghai (SCFI), qui suit les taux de fret au comptant sur les principales routes commerciales à partir de Shanghai, s’est affaibli progressivement depuis le début de l’année. Avec une valeur de 4 216 $/EVP à la fin du mois de juin, il était toujours supérieur à celui de l'année précédente (3 785 $/EVP) mais il s'élevait à 5 047 $/EVP à la fin de l'année 2021.
Principaux indicateurs financiers enregistrés par Hapag-Lloyd au cours du premier semestre 2022 (Extrait du rapport financier, ©JMM).
Bénéfices triplés
Pour autant, dans ce contexte, Hapag-Lloyd a conclu les six premiers mois de l’année avec un Ebitda (résultat d'exploitation avant intérêts, impôts et dépréciation et amortissement) de 10 Md€ et un Ebit (résultat d'exploitation avant déduction des charges, des produits d'intérêt et des impôts) de 9,1 Md€. Le bénéfice net s’est établi à 8,7 Md€. Pour chacun de ces trois indicateurs, il a engrangé plus ou moins 6 Md€.
Le chiffre d’affaires a, lui, augmenté de plus de 8 Md€ (+ 93,9 %) pour atteindre 17 Md€. Compte tenu du volume inchangé à 6 MEVP, la performance est bien à mettre au crédit d’un taux de fret moyen qui s’est renchéri de 1 243 $ (+ 77,1 %) par rapport au premier semestre 2021 pour atteindre 2 855 $/EVP. L’armateur a également été aidé, mais dans une moindre mesure, par un dollar américain plus fort.
Dépenses d’exploitation en hausse de 34 %
En revanche, au cours du premier semestre de l'exercice 2022, le compte d’exploitation a été grevé par les coûts de soute (+ 67 %), la manutention des conteneurs (+ 24,3 %) et l’affrètement des navires. La hausse des dépenses d’exploitation de 34 % (1,62 Md€) porte l’ensemble des charges liées au transport à 6,38 Md€.
Les frais liés à la soute se sont envolés en réaction à l’invasion de l'Ukraine par la Russie. Fin juin, le fuel à faible teneur en soufre (à 0,5 %) coûtait 869 $/t contre 550 $/t à la fin de 2021 (FOB Rotterdam), suivant en cela les fluctuations du baril de Brent, qui était coté à 114,81 $ fin juin versus 75,13 $ au 30 juin 2021 selon les données de Bloomberg. En conséquence, le poste a augmenté de 642,1 M€ pour atteindre 1,36 Md€. Les frais de manutention des conteneurs ont augmenté dans des niveaux similaires (+ 621 M€), s’établissant à 3,17 Md€, principalement dus à la congestion des infrastructures portuaires et de l’hinterland.
Prévisions révisées à la hausse pour l’exercice 2022
« Nous observons actuellement les premiers signes d'une détente des taux spot sur certaines routes. Néanmoins, nous nous attendons à un fort second semestre de l'année », reste confiant Rolf Habben-Jansen, à la barre de l’armateur allemand. Compte tenu de ces circonstances, le 28 juillet, le conseil d'administration a relevé ses prévisions de bénéfices pour l'exercice en cours.
Pour l'exercice 2022, le transporteur, dont 30 % du capital est aux mains de Klaus-Michael Kühne (actionnaire de Kuhne + Nagel) via Kühne Maritime, prévoit un Ebitda de l'ordre de 18,2 à 20,1 Md€ et un Ebit entre 6,3 à 18,2 Md€. Les perspectives de Hapag-Lloyd reposent sur l'hypothèse d'une légère augmentation des volumes de transport et d'une nette augmentation du taux de fret moyen par rapport à l'année précédente. Mais, « compte tenu de la guerre en Ukraine, des perturbations continues des chaînes d'approvisionnement mondiales et des effets de la pandémie, les prévisions sont entachées d'une grande incertitude », nuance la direction.
Une conjoncture à contre-courant
Seabury prévoit que le volume mondial de transport de conteneurs augmentera de 2,1% cette année et de 3,4 % en 2023. En 2021, la hausse était de 6,6 %, mais à partir d’une base faible du fait de la pandémie.
En juillet, le FMI a abaissé pour la deuxième fois cette année ses prévisions concernant la croissance de l’économie mondiale, révisée à 3,2 % en 2022. L'inflation élevée a notamment conduit la plupart des banques centrales à resserrer considérablement leur politique monétaire. La hausse des taux d'intérêt a pour effet de freiner l'activité économique et de contrarier la confiance des consommateurs.
Le commerce international des biens et services devrait croître de 4,1 % en 2022, selon le FMI, soit 1,9 % de moins que prévu en janvier 2022, après 10,1 % l'année précédente.
Adeline Descamps