Premier producteur et consommateur de blé au monde, la Chine a réservé quelque 2 Mt de blé australien issu de la nouvelle récolte en octobre et acheté 2,5 Mt de blé français depuis septembre pour des livraisons qui s'échelonneront entre décembre et mars, indique Reuters. Ce sont volumes sont inhabituellement importants à cette cette période de l'année.
Dans l'ensemble, les importations de la Chine en 2023 devraient atteindre environ 12 Mt, sur la base des données commerciales, alors que la seconde puissance mondiale avait importé l'an dernier 9,96 Mt.
La Chine, qui a rencontré des problèmes de récolte avec sa production, craint en réalité une restriction de ses approvisionnements, en particulier en provenance d'Australie, anticipant une moindre récolte de la part de son principal fournisseur de blé.
Première baisse en sept ans
Selon les données officielles, la récolte de blé en Chine a diminué de 0,9 % cette année pour atteindre 134,5 Mt, la première baisse en sept ans en dépit de surfaces cultivées plus élevées.
Les fortes pluies ont endommagé les grains dans la région centrale clé de la culture, ce qui aurait endommagé 20 % de la récolte chinoise de cette année, de l'avis des négociants cités par Reuters,
En Australie, deuxième exportateur mondial, la production de blé devrait chuter à 26 Mt, par rapport au record de 39,7 Mt de la campagne précédente en raison de la sécheresse due au phénomène climatique El Niño. Mais le temps sec se traduit aussi par une teneur en protéines plus élevée, paramètre clé pour la demande et les cours sur les marchés mondiaux.
Offre australienne serrée
Les importations chinoises de blé de janvier à septembre ont bondi de 53,6 % pour atteindre 10,17 Mt, selon les douanes chinoises, dont 6,4 Mt en provenance d'Australie et 1,8 Mt du Canada.
Contrairement au charbon, les importations chinoises de blé australien n'ont pas été affectées par les différends commerciaux entre les deux pays, survenus en 2020 lorsque le premier Ministre australien a sollicité une enquête internationale sur les origines du coronavirus. Ces tensions ne se sont apaisées que récemment.
Comme l'offre australienne va se resserrer, les négociants s'attendent à ce que les prix augmentent dans les mois à venir. Les prix mondiaux ont chuté de plus d'un quart cette année – sur la base du prix de référence des contrats à terme de Chicago –, en raison de l'abondance de l'offre du principal exportateur, la Russie.
Compte tenu de la baisse de la production australienne, les négociants et les analystes estiment que la Chine devrait importer des volumes nettement plus importants de blé français prochainement.
Des alternatives en mer Noire
Les achats massifs de Pékin en Australie pourraient contraindre les autres grands importateurs, comme l'Indonésie et le Japon, à chercher des alternatives en Amérique du Nord et en mer Noire, selon les négociants.
Entre janvier et octobre, les exportations de vrac sec via les ports de la mer Noire ont augmenté de 21 % par rapport à la même période de l'an dernier, tirées par les exportations de blé russe (+ 78 %), selon l'organisation maritime Bimco.
Record des exportations en Russie
Après deux fortes récoltes de blé consécutives en Russie, les exportations du pays sont désormais en passe d'établir un nouveau record en 2023. Toutefois, les volumes d'exportation de la mer Noire sont inférieurs de 20 % à ceux de 2021 en raison de la perte des volumes ukrainiens.
La Russie a augmenté ses exportations de blé, notamment vers l'Afrique et le Moyen-Orient, compensant la faiblesse de la récolte en Argentine et la baisse des exportations depuis l'Ukraine.
Récoltes mondiales insuffisantes
Les expéditions de céréales à partir des ports roumains et bulgare ont également augmenté de 53 % et 71 % sur une base annuelle, selon le Bimco.
Constanta et Varna font office d'alternatives aux ports ukrainiens en tant que débouchés du nouveau corridor d'exportation (1 Mt de t traité en octobre) que l'Ukraine a mis en œuvre pour pallier celui négocié entre les deux parties belligérantes sous l'égide de l'ONU, rendu inopérant depuis que la Russie s'est retirée.
Si les exportations de blé ont trouvé des substituts à l'origine ukrainienne – ce qui est plus difficile pour le maïs dont les volumes devraient chuter de 11 % cette année –, les récoltes mondiales restent insuffisantes face à la demande, entamant les stocks mondiaux.
Selon le ministère américain de l'Agriculture, même les stocks de blé russe pourraient chuter de 39 % en glissement annuel d'ici la fin de la saison actuelle.
Adeline Descamps