« Le commerce mondial du charbon s'est vraiment accéléré au cours des derniers mois, et est maintenant revenu aux niveaux d'avant la crise du Covid », fait observer le courtier maritime Banchero Costa dans sa dernière note hebdomadaire.
De janvier à novembre 2023, sur la base des données de suivi des navires d'AXS Marine, le total des volumes de charbon ayant transité par la mer a augmenté de 5,8 % en glissement annuel pour atteindre 1,22 milliard de tonnes (hors cabotage) contre 1,157 milliard chargés en janvier-novembre 2022 et 1,195 milliard à la même période de 2019.
Malgré les ambitions exprimées lors de la conférence des Nations unies sur le climat à Dubaï, l'Inde dépendra encore pendant bien des années du charbon sidérurgique pour fabriquer l’acier et thermique pour produire de l’électricité dont son réseau ferroviaire est un des grands consommateurs.
Sans surprise, l'Inde s’est affirmé cette année parmi les plus grands importateurs mondiaux du combustible par la mer, au second rang derrière la Chine (333,8 Mt, + 50,9 %).
Avec 17,9 % du marché mondial et 219,2 Mt entre janvier et novembre (+ 4,5 %), elle devrait dépasser les 225,4 Mt enregistrés sur l’ensemble de l’année 2022, qui avait fait un bond de plus de 10 %, mais plus par effet de base. Les importations ont chuté dans les années 2020-2021, l’activité industrielle étant en net ralentissement en raison de la pandémie.
Capesize sollicités
Pas moins de 30 % ont été déchargés cette année dans le Gujarat, au nord-ouest du pays, l'État le plus industrialisé de l'Inde, le port de Mundra ayant enregistré un trafic de 21,5 Mt.
Logiquement, les ports situés dans l’Odisha et l'Andhra Pradesh engrangent également les volumes, à l’image de l’industrialisation de leurs territoires : Krishnapatnam (20,5 Mt), Paradip (20,2 Mt), Dhamra (18,9 Mt), Visakhapatnam (18,7 Mt), Hazira (18,2 Mt), et Gangavaram (17,2 Mt).
Indicateur reflétant les volumes, le charbon destiné à l’Inde est entré classiquement à bord de panamax (44 %) mais aussi à 35 % sur les capesize, vraquiers de grande taille, plus volontiers sollicités pour le transport du minerai de fer entre le Brésil et la Chine. Cela en dit longtemps sur les tonnages.
Rouleau compresseur russe
L'Indonésie et l’Australie sont restés, en masse, les deux premiers exportateurs (90,4 Mt et 46 Mt, soit une part de 41 et 21 % respectivement) entre janvier et novembre, mais les deux marchés sont en perte d’influence au profit de la Russie.
Pays sensible au prix, l’Inde n’est pas insensible au charbon vendu au rabais par le pays de Vladimir Poutine en raison de l’embargo dont il est l’objet.
Les importations du charbon russe ont augmenté de 39,8 % en glissement annuel pour atteindre 23,8 Mt, bien plus que les 6,6 Mt en janvier-novembre 2021, soit 10,9 % des importations indiennes de charbon. Avec 24,3 Mt (+30 %), l’Afrique du Sud demeure un partenaire commercial. Plus étonnant, le coke américain fait un bond de 47,1 % pour atteindre 18,6 Mt.
Tous marchés confondus, les exportations de la Russie sont à peine pénalisées (-1,3 %) totalisant 171,5 Mt.
Déficit hydroélectrique
Outre le charbon sidérurgique, l'Inde s’est tournée vers le charbon thermique, en partie pour compenser le déficit de la production hydroélectrique qui a chuté de 5 milliards de kWh (-30 %) dû à la faiblesse inhabituelle des précipitations de mousson.
Le 23 novembre, le volume d'eau stocké dans les 150 réservoirs surveillés par la Commission centrale de l'eau de l'Inde était inférieur de 20 % au niveau de 2022 et de 7 % à la moyenne 2013-2022.
La demande totale d'électricité a, elle, augmenté de 21 % en octobre par rapport au même mois de l'année précédente.
Charbon et gaz, fondamentaux énergétiques
Le charbon et le gaz restent fondamentaux pour la sécurité énergétique du pays, malgré une forte augmentation de la capacité éolienne et solaire installée, font valoir les autorités du pays. La production d’électricité de source éolienne a augmenté de 0,3 milliard de kWh (+10 %) et le solaire de 1,3 milliard de kWh (+ 16 %).
Le système électrique s'est donc naturellement tourné vers le gaz (1,6 milliard de kWh, + 103 %) et surtout vers le charbon (28 milliards de kWh, + 33 %) pour répondre à la demande en octobre.
Le charbon a satisfait 80 % de la demande d'électricité, contre 73 % un an plus tôt, tandis que la part de l'hydroélectricité est tombée à 9 %, contre plus de 15 %.
Pour faire face à l'augmentation de la demande d'électricité et aux mauvaises conditions hydrologiques, l'Inde a pourtant augmenté la production minière de 87 Mt depuis janvier, par rapport à l'année précédente, dont 35 Mt ont été réservés aux producteurs d'électricité au cours des dix premiers mois.
Stocks au plus bas
Malgré cela, les stocks de charbon des producteurs n'étaient plus que de 7,5 jours au niveau requis fin octobre, soit à leur plus bas en trois ans et à des niveaux proches de ceux qui ont déclenché la crise du carburant et les pannes d'électricité en septembre 2021, rappelle l'agence Reuters
L'Inde devrait importer 14,54 Mt de charbon thermique maritime en décembre, contre 17,42 millions en novembre et 18,87 millions en octobre. La Chine devrait, elle, enregistrer des arrivées de 24,82 Mt contre 29,38 millions en novembre.
La baisse des prix du charbon thermique de rang inférieur reflète probablement la baisse de la demande des principaux acheteurs que sont la Chine et l'Inde.
Adeline Descamps