Pourquoi le SNTL, ainsi que quatre autres syndicats, s’était porté partie civile dans ce procès contre Deliveroo ?
Parce que Deliveroo constitue, pour le SNTL, une forme de concurrence déloyale, puisque ce sont des travailleurs indépendants qui roulent pour la plateforme. Nous considérons que ces plateformes sont des commissionnaires de transport, mais elles se dédouanent des responsabilités qui incombent aux commissionnaires et aux transporteurs. En nous portant partie civile, nous souhaitions défendre le modèle de l’entreprise de transport.
Il y a néanmoins un décalage entre le temps politique et le temps judiciaire car le procès portait sur des faits antérieurs à 2017. Depuis, il y a eu la loi LOM et les gouvernements successifs ont facilité une forme d’uberisation du secteur.
Comment le SNTL a réagi à l’annonce du verdict ?
Le SNTL se félicite de ce verdict, qui confirme celui d’il y a deux ans. Entre temps, au niveau européen, la directive plateforme, assez dure puisqu’elle instaurait une présomption de salariat, a été portée par l’Espagne et la Belgique. Mais ces dernières années, nous avons assisté au lobbying intense de la France contre celle-ci. Elle a finalement été adoptée par le Conseil européen, puis par le Parlement fin avril, mais dans une version beaucoup plus soft.
Malgré tout, dans cette temporalité, on voit un signe positif : d’abord il y a cette directive qui met en place une présomption de salariat, puis des mesures qui imposent aux plateformes de ne plus avoir une gestion uniquement numérique des courses. On a vu qu’au Parlement européen, tout le monde a finalement voté la directive. Les résultats des élections européennes, puis la dissolution rebattent encore les cartes. Tout cela, et Deliveroo qui s’est désisté de l’appel, c’est le signe d’une ère nouvelle. L’ubérisation du secteur connaît un coup d’arrêt.
Comment continuez-vous à agir contre cette ubérisation du secteur ?
Aujourd’hui, nous sommes engagés dans d’autres procédures judiciaires, contre Stuart, Take eat easy, Frichti, Foodora. Mais le temps judiciaire est long et ce combat est chronophage et coûteux.
Nous nous mobilisons donc en parallèle sur d’autres combats : nous l’étions sur cette directive européenne, nous le sommes maintenant sur les cotisations sociales. En effet, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, l’article 6 permet que les plateformes paient les cotisations et contributions sociales des travailleurs. Selon le rapport 2023 du Haut conseil du financement de la protection sociale, les microentreprises travaillant pour des plateformes de livraison sont les championnes de la fraude !* Lorsque les plateformes devront payer les cotisations sociales, cela mettra du plomb dans l’aile à leur modèle économique car ça leur coûtera 18 à 20% de plus. La mise n oeuvre est prévue pour 2027, nous poussons pour qu'elle soit plus rapide.
*Selon cette étude, 49% des autoentrepreneurs n’ont déclaré aucun chiffre d’affaires à l’Urssaf et 34% déclarent un CA inférieur à celui des plateformes.