Luis Gomez : Il y a deux divisions, une aux États-Unis et l’autre en Europe, qui ont développé des stratégies différentes. Aux États-Unis, le groupe est spécialisé dans les lots partiels. Le transport et la logistique font apparaître beaucoup d’activités silotées. En Europe, nous traitons tous les services de la supply chain, avec six activités fondamentales : le lot complet, le lot partiel (LTL) à travers le mouvement de marchandises palettisées, l’entreposage (warehousing) qui se combine bien avec les deux premières activités, le global forwarding avec la partie douane qui a pris beaucoup d’importance, notamment avec le Brexit, le last mile des produits volumineux et le 4PL, c’est-à-dire notre activité de tour de contrôle appelée Key-PL. Les clients peuvent ainsi nous confier tous leurs flux et notre rôle est de leur trouver la solution la plus adaptée.
L. G. : Le secteur s’est révélé très dynamique. On l’a vu avec la crise de la Covid-19. L’activité avait baissé significativement mais la filière s’est révélée plus stratégique que jamais, pour livrer les marchandises dans les supermarchés, dans les hôpitaux… Cette période a mis en avant une fierté de notre métier puisqu’il permettait d’améliorer la situation de la pandémie. Le transport ne s’est pas arrêté, certaines activités, freinées ou stoppées, ont basculé avec agilité vers d’autres pour couvrir des besoins supplémentaires. En 2021, les volumes ont été retrouvés puis, en 2022, nous avons connu une belle croissance, à + 12 %. La guerre en Ukraine nous a impactés sur le premier semestre 2022, notamment avec le coût de l’énergie, mais la situation a été gérée correctement en France et en Espagne grâce à la nouvelle législation, ainsi qu’au Royaume-Uni et en Europe centrale, même s’il n’y a pas ce type de réglementation. Nous avons aussi été freinés par le manque de capacité, de poids lourds mais aussi de conducteurs, alors que l’activité augmentait. Avec la guerre, beaucoup de conducteurs ukrainiens sont repartis dans leur pays, ce qui a aggravé la pénurie. Les prix de transport ont été par conséquent plus élevés. En revanche, cette année, les volumes sont moins élevés, la problématique de pénurie s’avère donc moins importante aujourd’hui. Et, avec de nombreux coûts en hausse, nous nous attendons à ce que 2024 ne soit pas une année facile.
L. G. : Pour nous, la croissance est organique. Nous considérons que notre portefeuille clients a une capacité énorme. Nous misons sur trois piliers fondamentaux pour le développement du groupe. Tout d’abord, la technologie et la digitalisation qui sont au cœur de notre stratégie. Le deuxième pilier est le développement durable, nous sommes engagés pour atteindre des émissions neutres à terme. Et, bien sûr, nos équipes constituent notre troisième pilier. Il est important qu’elles soient engagées, qu’elles soient fières de travailler avec un leader du marché, c’est la clé du succès. Notre technique est de placer les équipes au centre de nos décisions, de développer des plans de carrière, de renforcer la sécurité mais aussi d’améliorer la qualité de vie au travail. Nous misons aussi beaucoup sur la diversité, nous pensons qu’elle permet davantage d’efficacité.
L. G. : La logistique est importante pour XPO Logistics en Europe. Nous assurons autour d’un million de voyages par an de lots complets, nous acheminons quelque seize millions de palettes et nous disposons d’un million de mètres carrés pour les stocks. Nous essayons d’être diversifiés dans les services verticaux, par exemple le retail, qui représentent une partie importante dans notre portefeuille. Il nous faut en effet rester agiles et nous adapter constamment, selon les besoins des clients.
L. G. : Comme évoqué précédemment, le développement durable constitue l’un des piliers de notre croissance. Nous avons trois axes de travail : l’investissement dans le matériel roulant, l’organisation du transport et le multimodal. Concernant notre flotte, notre activité s’appuie actuellement encore à 90 % sur le gazole, tous Euro 6. Nous avons également investi dans 300 camions au gaz naturel liquéfié (GNL) pour nous adapter à la livraison en centre-ville. Dans la même philosophie, nous avons démarré nos investissements dans l’électrique à batteries il y a un an, notamment pour la livraison de lots partiels sur de courtes distances. Concernant l’organisation du transport, l’idée est d’optimiser l’empreinte carbone par tonne transportée. Nous optimisons le taux de remplissage, et l’utilisation des méga-remorques et des double-remorques dans les pays où elles sont autorisées.
L. G. : Nous sommes convaincus que l’hydrogène vert fera partie du mix énergétique du futur. Nous effectuons d’ores et déjà des tests sur du matériel roulant à cette énergie. Nous espérons que les premiers camions à pile à combustible à hydrogène pourraient devenir une réalité à un horizon de cinq à dix ans. Reste à savoir si cette technologie sera assez compétitive et si les infrastructures d’avitaillement seront déployées à l’arrivée sur le marché de ces véhicules.
L. G. : XPO a fait le pari du multimodal, notamment le ferroutage pour la décarbonation. Nous sommes persuadés que le report modal sur le rail va s’accroître à l’avenir, avec l’instauration d’une taxe carbone. De plus, c’est un moyen de massifier les flux de marchandises à l’aide des corridors de transport ferroviaire dans toute l’Europe. Dans ce cadre, nous avons récemment investi dans des remorques P100 pour du transport combiné rail-route.
L. G. : Pour aider nos clients à s’adapter aux enjeux environnementaux, nous avons lancé l’offre Low Emissions Sustainable Solution (Less) permettant aux chargeurs de décarboner leur transport. Dans le cadre de leur stratégie RSE, cette offre a été relativement bien accueillie par les clients. Elle a pour avantage de s’adapter à leurs contraintes et à leur calendrier. Selon l’objectif fixé, le chargeur peut choisir ses solutions de transport routier bas carbone à privilégier entre le HVO, le B100, l’électrique, le biogaz et probablement l’hydrogène à plus long terme.
L. G. : L’une des forces de XPO Logistics est l’adaptabilité : nous nous mettons en conformité avec les textes comme nous le faisons pour les exigences des clients. Sachant que notre activité s’étend sur toute l’Europe, nous souhaiterions qu’il y ait une réglementation harmonisée sur l’ensemble des pays, en particulier sur la hauteur autorisée des camions, ou l’utilisation des méga-camions. Notre volonté étant de trouver des solutions innovantes de transport, permettant d’allier décarbonation et compétitivité en matière de coûts.
L. G. : Pour ce qui est de la livraison urbaine, il n’y aura pas de solution magique avec un seul mode, il y aura une multitude de solutions dont la cyclologistique. XPO Logistics a d’ores et déjà débuté l’expérimentation de transport par vélo-cargos à Lyon, dans le cadre d’une collaboration avec Ikéa pour la livraison de colis. De manière générale, le choix du moyen de livraison sera également lié à la taille de la marchandise et du choix du chargeur. Mais on peut imaginer que les vélo-cargos seront davantage employés par la livraison jusqu’au domicile.
L. G. : Le plus important pour nous est de rester attractif sur le marché pour attirer les talents. Aujourd’hui, notre métier devient innovant, technologique. Et de nouveaux métiers apparaissent, qui nécessitent de nouvelles compétences, comme des mathématiciens. Il faut donner le rêve de travailler chez nous. Et nous nous donnons plusieurs objectifs, notamment celui d’introduire davantage de diversité, de femmes dans nos effectifs. Pour attirer les candidats, nous avons notamment des graduate programs dans plusieurs pays. Nous leur proposons un parcours de trois missions de huit mois chacune, dans plusieurs pays pour voir les différents métiers et ainsi les préparer, pendant deux ans, à devenir les responsables du futur. Nous proposons des académies pour les conducteurs afin de leur faire acquérir les différents permis.
L. G. : Pour nos 14 000 collaborateurs en Europe, des questionnaires sont envoyés tous les trois mois afin de déterminer les niveaux de satisfaction, voir ce que nous pourrions améliorer, si des plans d’action peuvent être mis en place. Il en ressort que les avis sont de plus en plus positifs et nous en sommes fiers. La communication dans les équipes tient une grande place. Concernant les plans de carrière, nous essayons de déterminer les développements potentiels de chacun, avec l’avantage que nous avons beaucoup d’opportunités qui s’ouvrent dans des domaines très divers. Cette politique est très bien perçue par nos équipes.
L. G. : Je pars du principe que tout ce qui peut améliorer l’attractivité du secteur est une bonne chose. En revanche, il faut bien déterminer dans quels cas elle s’appliquerait, sur quels métiers. Il est bien difficile de départager dans certains cas, de voir si, dans certaines activités, des transpalettes par exemple ne pourraient pas être utilisées par les conducteurs. Je suis favorable avec une bonne régulation. Et je suis surtout pour valoriser la tâche de chargement-déchargement. Si on le fait pour rester agile, cela doit être perçu comme un service donné par le client. Il en va de même pour les temps d’attente…
L. G. : Comme évoqué plus tôt, le digital constitue effectivement l’un des piliers de notre stratégie de croissance. L’ensemble de nos logiciels sont développés en interne en vue d’améliorer l’efficacité opérationnelle. Nous nous appuyons sur notre écosystème Connect, qui comprend deux volets. D’une part, le module Customer, qui relie le système opérationnel avec le client : géolocalisation en temps réel, bon de livraison, etc. D’autre part, le module Carrier, destiné aux partenaires et sous-traitants, qui permet de faciliter le travail du collaborateur. Cela lui permet d’accroître le remplissage des camions, d’optimiser les flux, de localiser les stations d’avitaillement ou les ateliers de maintenance.
L. G. : Nous sommes persuadés que l’intelligence artificielle (IA) sera incontournable dans le transport, pour notamment optimiser la flotte et éviter les kilomètres à vide. Nous avons entrepris des travaux sur l’IA et la data pour la prévision des besoins en transport des clients. Nous travaillons également sur les aspects de « revenue management » pour planifier les prix de transport sur le marché.
Biographie en huit dates clés
1995 Début de carrière dans la banque puis dans l’industrie chimique
1997 Directeur du contrôle de gestion et administratif chez Transportes Gerposa, leader du Lot Complet en Espagne
1999 Directeur financier pour la péninsule ibérique chez Christian Salvesen
2005 Diplômé de la prestigieuse Business School IMD de Lausanne en direction générale internationale
2008 DG pour la péninsule ibérique et Maroc chez Norbert Dentressangle
2013 DG de la division transport et membre du directoire du Groupe Norbert Dentressangle
2021 Président à la tête de l’ensemble de l’organisation et des activités en Europe de XPO Logistics
Siège Lyon
Chiffre d’affaires Europe 2,9 Mds€
Effectif 14 000 salariés
Nombre de sites opérationnels 216 à travers 14 pays
Parc 18 000 véhicules
Logistique 1 Mm2 de stockage
Chiffre d’affaires France 1,3 Md€
Effectif 7 000 salariés dont 4 000 conducteurs
Nombre de sites opérationnels 115
Parc 3 000 véhicules et 5 000 remorques