Watertruck+ se fait une place sur l’eau

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Watertruck+ a finalement pris forme concrète : dix-huit bacs de poussage de ce type circulent à l’heure actuelle sur les voies navigables flamandes. Seize d’entre elles le font sous le pavillon du groupe De Cloedt. Les deux autres sont alignées par la société André Celis. Watertruck (le « + » n’est venu que plus tard) est un projet né de la volonté de revitaliser le transport de fret sur les voies navigables à petit gabarit, menacé par la disparition progressive de la cale disponible pour cette desserte, par l’introduction d’un concept adapté de navigation de poussage et en convoi qui s’appuierait sur une flotte standardisée de bacs d’un type nouveau et par la combinaison de flux divers. Soutenu par l’Europe, le programme visait aussi à promouvoir le report modal, à intégrer des technologies nouvelles et à répondre à des problématiques comme la pénurie croissante de main-d’œuvre dans la batellerie. Après avoir dû surmonter bon nombre d’obstacles et suscité de nombreuses interrogations sur ses chances d’aboutir, Watertruck+ a commencé à se faire une place sur la voie d’eau. Le mérite en revient, dans une large mesure, au groupe familial belge De Cloedt, actif dans le dragage, les matériaux de construction, l’environnement et le recyclage, le transport maritime et fluvial.

16 bacs pour le groupe De Cloedt

« Nous avons toujours très fortement misé sur le transport fluvial. Nous avons transféré presque tous nos sites vers la voie d’eau y compris en France, où nous sommes présents à Nanterre et à Harnes. Notre trafic annuel atteint un total de 4 millions de tonnes pour la navigation intérieure. Nous disposions déjà de plusieurs bateaux mais d’une taille supérieure aux Watertrucks. Ceux-ci nous permettent de desservir des canaux plus petits. Nous avons déjà été contactés pour plusieurs projets de ce genre et nous constatons un intérêt manifeste tant en Wallonie qu’en France », explique Patrick Degryse, le président du conseil d’administration.

De Cloedt a fait construire seize bacs. Cela a nécessité un investissement de l’ordre de 10 millions d’euros, cofinancé à 44 % par l’Europe. L’investissement en termes de temps a, lui aussi, été considérable : quatre années se sont écoulées entre la décision prise en 2015 de participer au programme et la réception des unités commandées.

La flotte Watertruck+ de De Cloedt se répartit en dix unités de la classe CEMT I et six de la classe CEMT II. Les premières peuvent transporter jusqu’à 395 tonnes à pleine charge, sont longues de 38,5 mètres et larges de 5,05 mètres pour un tirant d’eau maximal de 2,8 mètres. Quatre de ces bacs sont des automoteurs, les six autres sont dotés d’un propulseur d’étrave mais déjà équipés pour recevoir un propulseur de poupe. Les deuxièmes ont une capacité de 700 tonnes et font 50 mètres sur 6,6 mètres. Leur tirant d’eau est le même que celui des CEMT I.

Frederik Nollet et Patrick Degryse devant des Watertruck+ en attente de déchargement dans l’arrière-port d’Ostende.

De Cloedt aligne ses six Watertruck CEMT II sur l’axe qui va du canal Albert à l’Escaut maritime pour l’acheminement de terres entre Genk et Kruibeke. Ils servent aussi pour des transports plus ponctuels.

Les dix Watertruck+ de classe CEMT II sont utilisés pour l’évacuation de boues et terres draguées dans l’Yser à Dixmude et ont été spécialement commandées pour ce contrat. Les boues sont acheminées via le canal Plassendale-Nieuport vers l’arrière-port d’Ostende pour y être dépolluées. Ce contrat d’une durée de sept ans, soit jusqu’en 2025, porte sur le transport de quelque 400 000 tonnes de boues de dragage, l’équivalent sur papier de quelque 15 000 trajets par camion.

Patrick Degryse et Frederik Nollet, directeurs des opérations en charge de ce projet, ne cachent pas que le choix du mode fluvial pour ce chantier n’est pas toujours sans embûches. La profondeur d’eau sur le trajet qu’empruntent ces bacs s’est révélée inférieure au chiffre affiché, ce qui a une conséquence sur leur capacité d’emport. Un autre problème d’entretien des voies navigables se pose également : leur système de propulsion s’est retrouvé à plusieurs reprises bloqué par des déchets, ce qui a nécessité des interventions extérieures et des réparations.

« Si nous n’avions pas disposé de notre propre chantier de réparation, IDP Shipyard, et si celui-ci ne voisinait pas à Ostende avec le quai où viennent décharger les bacs, la facture aurait été trop lourde à supporter. Nous payons là, en partie, le prix pour le fait que -comme le processus européen était administrativement lourd et long- nous n’avons pas d’abord testé un prototype pour identifier et résoudre ces maladies d’enfance ».

En outre, ce transport reste plus cher que la route. C’est pourquoi De Cloedt joue la carte de l’automatisation. Un des bacs automoteurs, le Watertruck X, est déjà commandé à distance depuis Anvers par la société Seafar. Deux autres unités vont être adaptées dans le même sens, leur motorisation diesel-électrique facilitant cette transition. De Cloedt bénéfice pour cette opération d’un soutien financier du gouvernement flamand.

« Si un seul capitaine suffit pour piloter trois bacs et si la navigation autonome permet de naviguer de façon plus continue, cela réduira très nettement les coûts de personnel ». À l’heure actuelle, si le capitaine est à terre, il y a encore toujours un matelot à bord pour accompagner les passages d’écluses, intervenir pour l’amarrage, etc. « Mais l’objectif est de passer en mode entièrement autonome, c’est-à-dire sans personnel à bord mais avec commande à distance, d’ici la fin 2020 au plus tard ».

Deux unités pour le groupe André Celis

Le groupe André Celis, qui est actif dans les matériaux de construction et leur recyclage, est l’autre utilisateur actuel des Watertruck+. Pour ses deux unités, il a opté pour une version « CEMT II short » d’une capacité de 500 tonnes, mieux adaptée au canal entre Louvain et la Dyle au bord duquel se trouve sa principale plate-forme logistique.

« Nous voulons en faire un hub régional pour les matériaux de construction en utilisant au maximum la voie d’eau pour leur acheminement depuis les producteurs répartis dans toute la Flandre et une partie de la Wallonie et, là où c’est possible, pour leur distribution. Les essais avec les Watertrucks se sont révélés probants et nous entrons maintenant dans la phase opérationnelle », indique Nick Celis, le pdg du groupe.

L’investissement, qui avoisine le million d’euros, se justifie, à ses yeux, par la multifonctionnalité des Watertruck, qui peuvent aussi bien transporter des vracs que des conteneurs ou des palettes, par la volonté de garantir la continuité logistique (à l’heure où le tonnage de petit gabarit se fait toujours plus rare), et par le fait que son entreprise crée par elle-même des flux suffisants, différents mais combinables, pour arriver à couvrir au moins les coûts d’exploitation des bacs. Il n’exclut pas de se doter également de son propre bateau-pousseur.

Nick Celis table sur une forte hausse du trafic fluvial de son groupe avec les Watertrucks. « Aujourd’hui, nous transportons 100 000 tonnes par an par la voie d’eau : 60 000 tonnes en recyclage et 40 000 tonnes en matériaux de construction. Ce dernier chiffre devrait passer à 100 000 tonnes ».

Le groupe équipe un des deux bacs d’une plate-forme pour permettre le transbordement de palettes en utilisant des chariots élévateurs, l’un dans la cale, l’autre sur le quai, pour éviter d’aligner une grue pour cette opération.

Une expansion de la flotte n’est pas programmée à court terme, mais la navigation autonome avec commande à distance fera l’objet de tests avec un premier bac. Des contacts ont été noués en ce sens avec Seafar.

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