Chaque année, 4,5 millions de camions et remorques, dont deux tiers acheminés par ferries, traversent la Manche, le tiers restant empruntant le tunnel. Entre la sortie de l’Union européenne au 1er janvier dernier et la crise sanitaire, le trafic maritime transmanche est parvenu à se maintenir. C’est du moins ce qui ressort de l’une des dernières synthèses publiées par L’Institut Paris Région baptisée "Brexit : quels impacts sur le fret Transmanche et sur l’axe Seine ?"
Eviter la congestion
Premier acte : l’avant Brexit. Une période durant laquelle les ports français se sont préparés à de possible congestions liées aux nouvelles formalités aux frontières en mettant en place des infrastructures physiques, comme la création de zones de stationnement supplémentaires en amont des terminaux, mais aussi numériques.
De son côté, la douane française s’est positionnée sur une solution de "frontière intelligente" permettant aux opérateurs d’automatiser le passage des poids-lourds et d’anticiper les formalités avant leur arrivée au poste-frontière, évitant ainsi les files d’attente tant redoutées.
Outre-Manche, les sociétés britanniques se sont livrées à un stockage massif au dernier trimestre, ce qui a réduit les trafics. Un ralentissement qui n’a pas duré puisque le trafic avait retrouvé 90 % de son niveau post-Brexit dès le mois de mai. "S’il n’y a pas de congestion à proprement parler, les chaînes logistiques se sont allongées de plusieurs jours et les nouvelles procédures ne sont pas sans impact sur les coûts de transport", rappelle l’étude.
Les armateurs adaptent leurs offres
Deuxième acte : la crise sanitaire s’en mêle. Sur le marché transmanche, cinq compagnies maritimes proposent une douzaine de lignes régulières et totalisent 60 liaisons quotidiennes. Au moment du Brexit, elles bataillent déjà pour faire face aux difficultés liées à la crise sanitaire et ont revu leur offre. Des liaisons ont été suspendues, d’autres ont vu le jour. A titre d’exemple, Brittany Ferries a suspendu les lignes Saint-Malo/Portsmouth et Cherbourg/Poole en 2020 et avait prévu trois rotations supplémentaires par semaine entre Cherbourg et Portsmouth, suspendues du fait de la fermeture de la frontière pendant plusieurs mois en raison de la pandémie. Ce n’est qu’en juin 2021 que cette liaison a été remise en service, à raison d’une rotation par semaine, principalement pour le fret.
De son côté, DFDS a lancé en janvier 2021 une troisième rotation quotidienne entre Dieppe et Newhaven, là où Irish Ferries a complété son offre, qui se composait de deux liaisons entre l’Irlande et l’Angleterre et d’une liaison entre la France et l’Irlande (Cherbourg/Dublin), par une liaison entre Calais et Douvres en juin 2021.
Cap sur l’Irlande
Troisième acte : l’Irlande tire son épingle du jeu. Son atout : permettre de ne plus transiter par la Grande-Bretagne et d’éviter ainsi les passages en douane à l’entrée et à la sortie du Royaume-Uni. Aujourd’hui, les liaisons directes semblent trouver leur marché en dépit d’un temps de trajet plus long. "Un trajet de Dublin à Dunkerque par le Royaume-Uni ne prend que 13 heures, alors que la traversée Rosslare – Dunkerque dure 24 heures", indique l’étude. Plusieurs compagnies maritimes présentes sur le transmanche se sont lancées, à l’instar de DFDS dès le 2 janvier 2021, ou Brittany Ferries, qui envisage d’ouvrir une deuxième liaison au départ du Havre vers Rosslare.
En parallèle, cette "opportunité" vers l’Irlande a également suscité l‘intérêt de nouvelles compagnies, qui ne desservait pas ce pays. Parmi elles, Containership, filiale de CMA-CGM, spécialisée dans le transport maritime de conteneurs, qui en a ouvert deux au départ de Dunkerque en novembre 2020, l’une vers Cork et l’autre vers Dublin, assurées par un navire d’une capacité de 900 conteneurs.