Ses résultats sont attendus car depuis deux ans, le dixième armateur mondial de porte-conteneurs est le plus grand bénéficiaire de la pandémie. Plus agile que ses concurrents mais au prix d’une politique d’affrètement très onéreuse, ZIM a très rapidement étoffé ses capacités et donc ses volumes (+ 23 % depuis le quatrième trimestre 2019) alors que ses pairs ont maintenu leur flotte stable. Mais surtout, la compagnie israélienne s’est positionnée sur les lignes les plus lucratives (le transpacifique) et est restée inflexible sur son positionnement historique, le spot, là où le taux de fret étaient les plus rémunérateurs, quand les premiers de la classe ont basculé sur le long terme afin de sécuriser leur trésorerie dans les années à venir. Maersk a ainsi annoncé, à l’occasion de ses données semestrielles, que 72 % de ses capacités étaient désormais sous contrats de longue durée.
Fortune du destin, avec l’envolée de ses bénéfices, la capitalisation boursière de la compagnie d’origine israélienne, qui s’est introduite à la Bourse de New York en janvier 2021, a atteint des sommets si bien qu’elle a été l’une des cinq grandes réussites en termes d’IPO l’an dernier. Son action, introduite en bourse à 15 $, est actuellement échangée à 49,09 $.
Ses actionnaires peuvent encore s’en féliciter au cours du deuxième trimestre. La société a annoncé un dividende d'environ 571 M$, soit 4,75 $ par action. C’est 30 % du revenu net du deuxième trimestre qui seront redistribués le 8 septembre aux actionnaires détenteurs d’actions ordinaires au 29 août.
Dangereuse politique d’affrètement
Néanmoins, pour les mêmes raisons que celles qui l’ont conduite à son apogée – son exposition au spot et sa politique d’affrètement –, l’entreprise pourrait connaître la déconfiture. Les taux de fret ont emprunté le trajectoire inverse alors que les taux au comptant ont pris le relais dans la spirale haussière. Alors que la récession menace, l’armateur a pour principal écueil son exposition à l'affrètement, qui lui fournit la quasi-totalité de sa flotte (94 % de ses138 navires), bien qu’il ait récemment changé son fusil d’épaule avec l’acquisition de dix porte-conteneurs.
La flotte de ZIM est passée de 96 navires au moment de son introduction sur le marché new-yorkais à 148 actuellement pour une capacité de près de 515 000 EVP. La quasi-totalité a été affrétée à des tarifs très élevés, parfaitement soutenables quand les taux de fret sont au firmament, comme ce fut le cas ces deux dernières années, mais difficilement supportables en cas de contraction. L’armateur se défend en mettant en avant la maîtrise de ses capacités sachant que vingt-huit contrats sont à renouveler en 2023 et trente-quatre en 2024, qu’il pourra le cas échéant ne pas reconduire.
Des résultats en baisse par rapport au premier trimestre
Le second exercice trimestriel de l’année ne porte pas encore complètement les traces du ralentissement. Quoique… Bien que le volume transporté – 856 000 EVP – est en baisse de 7 % par rapport à l'année précédente, le chiffre d'affaires de ZIM s’est élevé à 3,43 Md$ pour la période avril-juin, soit une augmentation de 44 % en glissement annuel.
Le résultat net ressort à 1,34 Md$ (contre 888 M$ au deuxième trimestre de 2021) mais il est en baisse de 22 % par rapport aux 1,7 Md$ du premier trimestre. L'Ebitda (bénéfices avant impôts, amortissement, intérêts et dépréciation) est en hausse de 57 % (2,10 Md$) sur une base annuelle mais en baisse de 17 % par rapport au premier trimestre. L’Ebit (équivalent de l’excédent brut d’exploitation en comptabilité française) atteint 1,76 Md$.
Ces résultats sont à mettre au crédit d’un taux de fret moyen par EVP de 3 596 $ (+ 54 % par rapport à l'année précédente) mais en baisse de 6,5 % par rapport au premier trimestre.
Un semestre avec un bénéfice qui a plus que doublé
Pour ce qui est des six mois de l’année, le chiffre d'affaires s'est fixé à 7,15 Md$ contre 4,13 milliards pour le premier semestre 2021. Le résultat d'exploitation (Ebit) ressort à 4,01 Md$ (vs 1,84 Md$ pour le premier semestre 2021). Comme au deuxième trimestre, le résultat d'exploitation semestriel a bénéficié des taux de fret élevés, qui ont permis de couvrir l'augmentation des coûts d'affrètement. Le bénéfice net a ainsi soldé le semestre sur 3,05 Md$ (1,48 Md$ il y a un an). L'Ebitda a plus que doublé, à 4,63 Md$.
Les volumes, de 1,715 MEVP, sont légèrement inférieurs au niveau de 2021, de 1,739 MEVP. Le taux de fret moyen par EVP a en revanche gagné plus de 1 500 $ pour s’ancrer à 3 722 $ (contre 2 145 $ au premier semestre 2021). Les liquidités de la compagnie, en hausse 121 M$ avec 3,93 Md$ au 30 juin, n’ont manifestement pas été mis à profit du désendettement : la dette nette s’est accrue pour atteindre 630 M$ fin juin contre 509 M$ au 31 décembre 2021.
Données financières extraites du rapport de ZIM pour le premier semestre 2022. (©JMM)
Maintien des bénéfices pour l’année
Tout en estimant disposer des marges d’exploitation « parmi les plus élevées du secteur de la ligne régulière », Éli Glickman, président-directeur général de ZIM, concède une « baisse progressive des taux de fret au cours des dernières semaines, y compris dans les trafics transpacifique ». Il admet que les échanges ont peut-être atteint un sommet « mais les taux restent élevés et donc très rentables ».
Mais le dirigeant ne remet pas pour autant sur le fil ses prévisions de bénéfices pour l’année, convaincu que sa « stratégie différenciée », « les mesures prises pour renforcer son offre avec une flotte neuve par le biais de multiples accords d'affrètement [44 navires neufs affrétés à long terme doivent être livrés en 2023-24, NDLR], ainsi que « ses investissements numériques continus » conforteront son positionnement.
La société envisage un Ebitda ajusté de 7,8 à 8,2 Md$ pour l'ensemble de l'année et un Ebit compris entre 6,3 et 6,7 Md$. Des projections qui suggéraient des bénéfices d’exploitation en hausse de 18 à 24 % par rapport à l'année record en 2021 mais qui tiendraient compte du ralentissement puisque, dans ce cas, les indicateurs seraient en baisse de plus de 30 % dans la seconde partie de l’année.
Adeline Descamps