Le port de Lubmin, situé dans le Mecklembourg-Poméranie occidentale, est l’actuel point de sortie des gazoducs Nord Stream 1 et 2, le premier utilisé comme arme de guerre par Moscou en représailles aux sanctions russes (Gazprom a fermé les vannes prétextant des problèmes techniques avant des travaux de maintenance programmés entre le 11 et le 21 juillet) tandis que le second, objet de tensions entre Berlin et Moscou avant même le conflit russo-ukrainien, n’a jamais été mis en service. Les pipelines, qui le desservent et permettent actuellement d’acheminer le gaz russe, vont trouver un nouvel usage compte tenu de la « militarisation » des gazoducs germano-russes.
L’entreprise allemande va installer sur le terminal Deutsche Ostseeport une unité flottante de regazéification et de stockage (FSRU) fournie par TotalEnergies. C’est le sens de l’accord signé le 13 juillet sur le site du port industriel de Rostock. Dès le mois de décembre, le terminal devrait ainsi injecter 4,5 milliards de m³ de GNL dans le réseau de gaz naturel allemand.
Un système FSU-méthaniers navettes et FSRU
Pour pallier la faible profondeur du Greifswalder Bodden, un bras de mer au sud de la mer Baltique, un FSU (Floating Storage Unit) sera amarré en eaux plus profondres permettant aux méthaniers d'une capacité maximale de 170 000 m³ d’y accoster et de transférer le GNL. De là, trois méthaniers navettes achemineront le GNL vers le FSRU, lequel sera relié au réseau européen Eugal/Nel, distant de 450 m, via des pipelines (les mêmes qui acheminaient le gaz russe vers le Nord Stream 1).
À moyen terme, à partir de l'été 2025, l’entreprise allemande envisage d’exploiter un fonctionnement analogue pour transporter de l’hydrogène, qui serait soit injecté dans le réseau de transport de gaz, soit conditionné dans des conteneurs. Les deux fondateurs ont en outre précisé que leur entreprise pourrait ajouter jusqu'à deux unités supplémentaires pour livrer un total de plus de 15 milliards de m3 de gaz par an.
Six FSRU
Cette initiative relève du secteur privé, y compris pour son financement, mais est soutenue par le niveau fédéral allemand, dont témoigne la présence, lors de la signature du contrat, du secrétaire d'État au ministère fédéral de l'économie, Michael Kellner, et du ministre de l'économie du Mecklembourg-Poméranie occidentale, Reinhard Meyer.
Son marché énergétique menacé de dislocation, l’Allemagne, qui dépendait début juin à 35 % du gaz russe pour ses importations contre 55 % avant la guerre en Ukraine (142 milliards de m3 en 2021), s’active depuis plusieurs semaines pour s’affranchir du gaz russe et développé ses capacités d’importation de GNL.
Les sociétés norvégienne Höegh LNG et grecque Dynagas ont ainsi signé des accords d’affrètement pour deux FRSU chacun avec le ministère fédéral allemand des Affaires économiques et de l'Action climatique. Ils seront installés à Brunsbüttel et Wilhelmshaven, tous affrétés par Uniper. Ce dernier, principal fournisseur d’électricité allemand et premier importateur européen de gaz russe, a lancé les travaux du premier terminal flottant à Wilhemshaven et prévoit de le mettre en service cet hiver en dépit de ses difficultés financières.
Outre ces quatre FSRU, qui sont indépendants des projets de Deutsche ReGas, la société énergétique allemande E.ON s'est associée à la belge Tree Energy Solutions (TES) et à la française Engie pour déployer une autre unité à Wilhelmshaven.
Si tous ces projets se concrétisent, au moins six FSRU desserviront l'Allemagne à l'avenir.
Adeline Descamps