L'Allemagne, qui a importé ces dernières années 55 % de son gaz depuis la Russie via des pipelines terrestres – part réduite à 35 % (142 milliards de m3 en 2021) depuis l'invasion de l'Ukraine –, avait annoncé dès mars qu’elle allait consacrer de grands moyens (une enveloppe budgétaire annoncée à 1,5 Md€ puis portée à 2,94 Md€) pour s’affranchir « dans les plus brefs délais » du gaz russe. Même si les sanctions internationales exemptent, à ce stade, les livraisons de gaz russe dont sont très dépendants plusieurs pays européens, parmi lesquels l’Allemagne et l’Italie.
Parmi les pistes alors envisagées, Berlin avait annoncé la construction de deux terminaux GNL à Brunsbüttel et Wilhelmshaven. infrastructures inexistantes outre-Rhin, pour importer du gaz liquéfié via la mer en provenance des États-Unis, du Qatar, ou encore du Canada.
Un investissement de près de 70 M€
Le gouvernement allemand a annoncé en fin de semaine dernière l’affrètement de quatre unités flottantes de stockage et de regazéification (FSRU), deux avec Hoegh LNG et les deux autres avec Dynagas. Le contrat conclu pour dix ans entre le ministère fédéral allemand des Affaires économiques et de l'Action climatique avec le norvégien Hoegh prévoit une livraison du premier FRSU d'ici septembre ou octobre et une entrée en service à l'hiver 2022/23.
Il sera exploité par Uniper dans le port allemand de Wilhemshaven en Basse-Saxe, pour lequel le groupe allemand d’énergie investira 68,5 M$. Avec sa capacité de regazéification de 7,5 milliards de m3 par an, il pourra fournir l’équivalent de 8,5 % des besoins en gaz de l’Allemagne.
Les trois autres auront chacun une capacité d'au moins 5 milliards de m3, selon une déclaration conjointe des deux ministères de l'Économie de Berlin et de l'Environnement de Basse-Saxe. Les accords conclus (lettre d’intention) avec Dynagas portent sur les terminaux d’importation de GNL flottants de 174 000 m3. Ils devraient être aussi déployés en 2023 mais dont la localisation n’est pas encore arrêtée. Hambourg et Rostock sont évoqués voire le port néerlandais de Eemshaven.
Du GNL à l’hydrogène vert
Le gaz qui arrivera à Wilhelmshaven sera injecté dans le réseau allemand de gazoduc par des liaisons navire-terre qui seront assurées par Niedersachsen Ports GmbH & Co. KG (NPorts). Si la phase première prévoit la regazéification du GNL, une seconde phase prévoit de passer aux gaz vers, tels que l'ammoniac vert, puis à l'hydrogène.
L'ammoniac vert est soit transporté directement par rail, soit reconverti en hydrogène sur place par le biais de « craqueurs ». L'infrastructure portuaire de NPorts et le site appartenant à Uniper permettraient la construction et l'exploitation conjointes des terminaux de GNL et d'ammoniac.
Se passer du gaz et du pétrole russes
En attendant, selon Reuters, le groupe allemand d'énergie Uniper poursuit ses discussions avec Gazprom et le gouvernement allemand sur le règlement des importations de gaz russe en roubles. Le décret russe alimente outre-Rhin les craintes d'un arrêt des approvisionnements. L’activité gazière d’Uniper couvre un portefeuille d'environ 370 térawattheures (TWh) de contrats de fourniture de gaz à long terme, dont environ 200 TWh proviennent de Russie.
Actuellement, le gaz russe permet de chauffer 50 % du parc de logements du pays et représente 26,7 % de la consommation primaire d'énergie, selon les données officielles. Avant même la guerre en Ukraine, le recours au gaz était appelé à augmenter, dans le cadre de la transition énergétique, pour remplacer le nucléaire et le charbon en appoint aux énergies renouvelables. D’où l’investissement allemand dans le gazoduc Nord Stream 2 en provenance de Russie, dont la procédure de certification a été interrompue.
Si le gouvernement allemand ne juge pas réaliste de se passer de gaz russe avant mi-2024, il est favorable à un embargo européen sur le pétrole vendu par Moscou. Berlin a d’ailleurs annoncé avoir réduit à 12% sa part de brut importé de Russie.
Adeline Descamps