Moody's révise les perspectives du transport maritime

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Les indicateurs de croissance à la baisse dans le monde entier en 2022 et 2023 viennent ternir les perspectives du transport maritime. L’agence de notation internationale sort le secteur de son statut « positif » pour le placer en « stable ». Néanmoins, dans le conteneur, la demande reste supérieure à l’offre. Dans le vrac sec et le transport de produits pétroliers, les exploitants ont moins de raisons de s'enthousiasmer.

Les bénéfices du secteur du transport maritime subiront une baisse à deux chiffres l'année prochaine, après une année record en 2021, mais resteront considérablement supérieurs aux niveaux d'avant la pandémie, plante Moody's Investors Service, dans un rapport qui révise ses précédentes positions.

L’agence de notation internationale a placé le transport maritime mondial dans la catégorie « stable » après les avoir estimées « positives ». Elle estime donc que le pic des bénéfices a été atteint cette année et que les perspectives sont moins favorables même s’ils « resteront élevés ».

Ce léger revirement est motivé par la revoyure d’un certain nombre d’indicateurs macroéconomiques, qui font état d’une baisse de la croissance du PIB dans le groupe des 20 économies de marché avancées et émergentes en 2022. Des prévisions alimentées par les nouvelles inquiétudes en lien avec l’émergence du nouveau variant Omicron et l’anticipation de nouvelles mesures de restrictions sanitaires, moteurs de la volatilité des marchés financiers.

PIB en baisse partout dans le monde

Les pays dits avancés, au premier rang desquels les États-Unis, afficheront une croissance moyenne du PIB de 4,2 % en 2022, contre 4,9 % cette année, tandis qu'une chute plus marquée à 2,4 % est prévue en 2023. Une reprise plus lente que prévue de la dynamique de croissance dans les pays émergents est aussi attendue, où le PIB moyen devrait tomber à 4,8 % en 2022, contre 7,3 % cette année, puis à 4,5 % en 2023.

Le porte-conteneur, mieux loti que le vraquier et le tanker

Dans les trois principaux segments du transport maritime – conteneur, vrac sec, produits pétroliers – c’est le premier qui s’en sort le mieux pour les prochaines années selon Moody’s.

Les porte-conteneurs devraient en effet continuer à bénéficier de fondamentaux favorables dans la mesure où la demande est supérieure à l’offre. « Les livraisons limitées de nouveaux navires l'année prochaine contribueront à maintenir les taux de fret à des niveaux élevés », signifie Daniel Harlid, auteur du rapport chez Moody. Ce sera moins vrai pour les années qui suivent au regard des nouvelles commandes de navires passées au cours des 12 derniers mois.

Les caisses renflouées, les exploitants de porte-conteneurs ont le combustible nécessaire pour réduire leur endettement et « multiplier les investissements ». Ce qu’ils ont déjà entrepris en plaçant leur cash dans la croissance organique ou des opérations externes. À l’instar de Maersk et CMA CGM qui en profitent pour donner corps à leur stratégie de logistique intégrée. 

La Chine, paramètre déterminant pour le vrac sec

Dans le secteur du vrac sec, l’offre très limitée au cours des trois prochaines années (même si la capacité de la flotte de vrac sec a augmenté de 3,6 % entre octobre 2020 et 2021) devrait aussi maintenir les tarifs d’affrètement à un niveau élevé.

En 2021, 357 vraquiers ont été livrés, pour un tonnage total de 35,1 Mtpl soit environ 3,8 % de la flotte existante de vraquiers secs. Toutefois, en dépit des prix élevés à la ferraille, le démantèlement est resté très faible tout au long de l'année, car les taux de fret en plein essor l'ont emporté sur l'incitation à la démolition. Depuis le début de l'année, seuls 67 vraquiers ont été déclarés vendus pour démolition, pour un total d'environ 6 Mtpl, selon Intermodal. Les créneaux des chantiers navals étant occupés par les porte-conteeurs jusqu’en 2024, le secteur est assuré d’un faible niveau du carnet de commandes de vrac sec. « Cela crée un environnement de marché plus favorable à long terme », indique le courtier dans une de ses dernières notes.

La forte demande de produits de base tels que le minerai de fer et le charbon a fait grimper les tarifs journaliers des vraquiers de 143 % au cours des douze derniers mois. Les indicateurs des prochains mois relatifs à la demande des matières premières, très dépendante de l’état de santé de la Chine, sont moins enthousiasmants. La croissance de la Chine (A1 stable) ralentira à 5,3 % en 2022, par rapport à un taux estimé à 8 % en 2021, estime Moody's.

Dégradation de la situation de quelques grands groupes chinois

Les inquiétudes liées à la faillite de quelques géants de l'immobilier (Evergrande avec ses 260 Md$ d’impayés, Fantasia et son ardoise de plus de 200 Md$…), le rationnement de l’électricité imposé par Pékin aux industries lourdes polluantes dans un contexte de pénuries des énergies obligeant la plupart des secteurs industriels du pays à fonctionner à capacité réduite ont fait plonger l'utilisation moyenne des capacités de production d'acier dans le pays.

Les agences de notation internationale ont en outre dégradé la note de plusieurs grands groupes chinois à « capacité de service de la dette presque épuisée », à l’instar de Sinic. La baisse record de la production d'acier en Chine est d’ailleurs à l’origine de la chute des prix des vraquiers, passés de 80 000 à 60 000 $ en l'espace de quinze jours.

« Le ralentissement du marché immobilier contribue à la décélération du PIB, mais les politiques budgétaires et monétaires interviendront probablement pour limiter les fortes baisses de croissance et les risques financiers systémiques », nuance Lillian Li, vice-présidente et responsable principale du crédit chez Moody's. Elle considère que l’affichage politique des objectifs poursuivis par Pékin – à savoir le désendettement, la lutte contre les inégalités de revenus et la neutralité carbone –, pourrait créer un appel d’air en termes de crédit. « Cependant, il existe des risques de transition liés à l'incertitude réglementaire découlant de la décarbonation et du désendettement, qui pourrait décourager les investissements étrangers, réduire le rôle du secteur privé, décourager l'innovation et la consommation à grande échelle. »

Bénéfice de croissance annihilé

Les analystes de Lorentzen & Stemoco ont noté que le ralentissement brutal en Chine observé depuis la fin de l’été est en train d’annihiler le bénéfice de croissance du premier semestre. S’il était de 10,8 % durant les six premiers mois, il n’était plus que de 2,8 % à l’issue des neuf premiers mois de l’année.

« Il existe un parallèle entre la réduction de voilure des raffineries chinoises et la production d'acier au cours des derniers mois, avait fait valoir fin octobre le courtier. Les autorités se sont orientées vers une politique de déflation, en essayant de maintenir les prix des produits importés tels que le pétrole et le minerai de fer. Mais la hausse des prix des combustibles fossiles a renchéri les coût des factures d'électricité. »

Décarbonation, autre acteur de la conjoncture

Les propriétaires et les exploitants de pétroliers n'auront pas non plus de raisons de se réjouir l'année prochaine. Moody's prévoit que l'orientation des conditions de marché devrait rester au mieux inchangé en 2022, c’est-à-dire déprimées. Si l’agence anticipe une reprise du transport aérien, l'expansion continue de la flotte d’avions contrarie les perspectives. 

La dynamique du transport maritime de produits pétroliers en dépend. Le segment peut néanmoins compter sur une discipline entre offre et demande. Près de 200 unités ont été livrées cette année, pour un tonnage total d'environ 23,8 Mtpl mais les 123 unités envoyées à la casse ont totalisé environ 12,5 Mtpl, ce qui a permis de freiner la croissance de la flotte de pétroliers et de transporteurs de produits pétroliers de 2 % (+ 3,5 % au cours de la même période l'année dernière).

À l'avenir, la croissance de la flotte de pétroliers devrait également être limitée en raison d'un carnet de commandes proche du niveau historique d'environ 7,8 % de la flotte. « Les transporteurs de produits pétroliers semblent déjà être à la pointe de la reprise, la dynamique de l'offre le justifiant parmi d'autres facteurs, tandis que les navires de transport de brut devraient suivre, bien que ces derniers soient plus exposés aux stratégies géopolitiques des principaux producteurs de pétrole », estime pour sa part Intermodal.

Au-delà et concernant toute la flotte mondiale de navires, l’autre facteur d’influence et d’incertitude reste les pressions en matière de décarbonation qui vont être de plus en plus prégnantes au fur et à mesure des avancées dans le calendrier imposé par l’autorité internationale de régulation du secteur, l’OMI, et plus encore de l’UE, dont l’agenda vert est désormais connu. Le paquet législatif Fit for 55 donne d’ailleurs du travail aux principales organisations professionnelles qui font valoir les arguments dans le cadre des consultations en cours.

Adeline Descamps

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