Selon les données de S&P Global Commodities at Sea, les exportations russes de brut ont atteint en moyenne 2,99 millions barils par jour (b/j) au cours du mois, soit 290 000 b/j de moins qu'en août et le niveau le plus bas depuis septembre 2021, lorsque la demande mondiale de pétrole se remettait encore des blocages dus à la pandémie. Ces données ne tiennent pas compte de la faible part de la Russie dans les exportations de CPC Blend du Kazakhstan.
Les flux vers Rotterdam - qui abrite le plus grand centre de raffinage d'Europe –, ont chuté de plus de la moitié en un mois pour atteindre 165 000 b/j en septembre, contre 390 000 b/j en août et par rapport aux niveaux d'avant-guerre d'environ 525 000 b/j. Avec 13 % de ses trafics liés à la Russie, le premier port européen est le plus impacté par l’impact de l’embargo.
Une première depuis juillet 2020
Les acheteurs européens ont manifestement évité le pétrole russe en prévision des sanctions de l'UE sur les importations, qui doivent entrer en vigueur le 5 décembre pour le brut et le 5 février 2023 pour les produits raffinés. Le G7 prévoit en outre de mettre en œuvre un mécanisme de plafonnement des prix du pétrole russe (une décote par rapport au prix du marché tout en le maintenant au-dessus du prix de production) qui permettrait un trois-en-un : maintenir un approvisionnement en pétrole, contenir la flambée des prix et empêcher la Fédération de Russie de continuer à bénéficier de la manne pétrolière. La mesure, si elle était actée, ne serait pas sans effets dans le tohu-bohu des flux.
Dans l'ensemble, les volumes de brut russe à destination de l'Europe sont passées sous la barre du million de barils/jour pour la première fois depuis juillet 2020, selon les données, alors qu'elles atteignaient 1,5 million de b/j (Mb/j) avant la guerre.
Dans le même temps, les exportations russes vers la Turquie ont augmenté de 19 % sur le mois pour atteindre un record de 414 000 b/j, les raffineurs locaux s'arrachant le pétrole russe à prix réduit. En conséquence, la Turquie est devenue le troisième acheteur de brut de la Russie, derrière la Chine et l'Inde. Avant l'invasion de l'Ukraine par la Russie, les cinq raffineries turques importaient environ 130 000 b/j de brut russe.
Décote réduite
Les données montrent que la Chine et l'Inde continuent de dominer la liste des importateurs de brut russe, achetant 60 % des exportations russes au cours du mois, contre 54 % en août.
Les remises sur les bruts russes se sont néanmoins fortement réduites au début du mois d'août, réduisant leur attrait par rapport aux alternatives non russes, après avoir atteint 40 $/b en juin et juillet. Cependant, la valeur du brut russe d'exportation de l'Oural vers l'Europe était encore en moyenne de 22 $ inférieure au Brent daté en septembre, selon les données de S&P Global.
Pour sa part, l'UE a trouvé des ersatz aux États-Unis, en Égypte, Arabie Saoudite, Irak, et dans le Golfe du Guinée.
Marge de raffinage profitable
Les données montrent par ailleurs que la société russe Lukoil continue d'alimenter en brut ouralien à prix réduit ses deux raffineries basées en Italie et en Bulgarie, profitant ainsi des marges de raffinage élevées. Pour rappel, la Bulgarie, qui importe du brut russe par la mer Noire pour approvisionner la raffinerie Neftokhim de Burgas, fait partie des exemptions à l’embargo européen. Le pays est en effet autorisé à acheter du brut russe jusqu'en décembre 2024.
A.D.