Considérés comme surdimensionnés, les terminaux français d’importation maritime de GNL ont prouvé toute leur utilité cette année pour suppléer aux importations de gaz russe par gazoduc. Elengy, filiale de GRTgaz qui exploite trois des quatre de ces points d’importation de GNL, confirme la dynamique. Ses installations – Fos Tonkin, Fos Cavaou et Montoir-de-Bretagne – ont enregistré une hausse d’activité de 30 % par rapport à 2021 avec 330 navires traités.
Depuis sa mise en service en 2017, le site de Dunkerque, le plus grand et le plus récent, n’était jusqu’à présent exploité qu’à 30 ou 40 % de sa capacité. Depuis le début de l’année, il l’est à 100 %. Fin décembre, il aura accueilli plus de 140 navires, soit un toutes les 51 heures en moyenne, et déchargé 13 milliards de m³ de gaz selon le président de Dunkerque LNG, Olivier Heurtin. Un défi qu’est une logistique à plein régime, explique le dirigeant. « Nous nous sommes coordonnés avec nos clients pour optimiser le planning de façon à ne pas perdre la moindre minute et avec les autres terminaux pour ne pas fermer en même temps ».
Les tarifs des méthaniers en hausse de 500 % depuis le début de l'année
Des installations utiles au bio-GNL et au CO2 capté
Les exploitants de terminaux plaident pour une augmentation des capacités d’importation et de la mise à disposition de foncier à proximité de leurs installations. « Nous devons mettre en avant l’intérêt de l’importation du GNL par voie maritime, ajoute Nelly Nicoli, directrice générale d’Elengy, alors même que les récents événements semblent avoir démontré qu’il s’agissait « d’une assurance ».
Cette solution de secours face à la baisse des arrivées de gaz russe par voie terrestre a joué à plein. L’avenir des terminaux GNL est-il assuré pour autant ? « La question est celle de l’avenir à long terme du GNL, car le marché reste prudent dans la perspective de la sortie du carbone », précise Olivier Heurtin, en référence aux nombreuses critiques à l’endroit du GNL, parfaite énergie de transition mais qui ne traite les émissions de carbone qu’à raison de 20 à 25 %. Insuffisant pour répondre aux futures normes.
Les terminaux méthanier pourraient être utilisés à l’avenir pour la liquéfaction de biogaz, devenant des points de sortie du gaz pour avitailler les navires en bio-GNL produit en France. « Nos installations pourraient aussi trouver une nouvelle utilisation pour le transport du CO2 capté en France, dont le stockage se ferait en mer du Nord ou en Méditerranée », indique Nelly Nicoli, qui promeut ainsi le redimensionnement à la hausse des terminaux GNL.
Après les porte-conteneurs, les vraquiers, les méthaniers, l'heure des tankers est advenue
Retour de l’Europe sur la scène GNL
L’unité flottante de stockage et regazéification (FSRU) – terminal méthanier flottant –, prévue par Total au Havre traitera, à partir de l’été prochain, 5 milliards de m³ par an. Elle n’a été autorisée que pour cinq ans. À l’échelle européenne, les 40 milliards de m³ de nouvelles capacités prévues en 2023 sont presque toutes flottantes, souligne Vincent Demoury, délégué général du Groupement international des importateurs de gaz naturel liquéfié (GIIGNL). « L’investissement dans ces unités est moins cher qu’un terminal à terre, mais à long terme l’exploitation est moins rentable, explique-t-il. Leurs capacités de stockage étant limitées, des méthaniers vieillissants pourraient être utilisés comme stockage flottant. »
En 2021, le GNL représentait 19 % de la consommation et 31 % des importations de gaz en Europe. Depuis le début de l’année, l’Union européenne a importé 38 Mt supplémentaire par rapport à 2021, alors que la production mondiale n’a augmenté que de 16 Mt. Les importations européennes se font donc au détriment d’autres destinations, notamment la Chine qui en a importé 14 Mt de moins.
« Nous assistons au retour de l’Europe sur la scène mondiale du GNL, en concurrence croissante avec l’Asie sur un marché qui restera tendu pour les deux prochaines années au moins », pronostique Vincent Demoury. Le dirigeant rappelle que l’entrée en production des nouveaux projets au Quatar et en Amérique du Nord est prévue en 2024 au plus tôt.
Étienne Berrier