Il y a un an, en novembre 2021, semaine 45, sur les 17 porte-conteneurs qui étaient alors de retour en Chine après une longue rotation entre l'Asie et l'Europe du Nord, seul le CMA CGM Antoine de Saint-Exupéry, porte-conteneurs de 20 954 EVP avait respecté son horaire. Mais cela n'a été possible que parce que les escales de Yantian (vers l'Ouest) et de Tianjin (vers l'Est) ont été rayées de sa route. Dans le même temps, le retard moyen à l'arrivée pour l’ensemble était de 17 jours, soit un jour de moins que quatre semaines auparavant lorsqu'Alphaliner, devenu spécialiste de cette comptabilité, avait fait le relevé.
Aucune route n’était alors épargnée, pas même le trafic transatlantique, entre Europe du Nord et sur la côte Est des États-Unis, alors que l’on ne parlait guère encore du transfert massif des services de la côte ouest-américaine vers l’Est, comme c’est le cas aujourd’hui. Seuls deux des neuf navires qui ont regagné le Benelux après une rotation complète avaient opéré dans les délais de leur agenda. L’un d’entre eux, le MOL Emissary, avait défrayé la chronique en arrivant à Anvers avec 36 jours de retard en dépit de la suppression des escales de Los Angeles et de Carthagènes.
THE Alliance, qui réunit Hapag-Lloyd, HMM, ONE et Yang Ming, était celle qui accusait les plus grands retards car elle avait tenu à respecter tous ses touchés en Europe. Le HMM Stockholm, mastodonte de 23 792 EVP, a ainsi effectué un aller-retour entre Asie et Europe en 118 jours, soit 34 de plus qu’il n’en faut, dont 42 jours pour la rotation européenne entre Algésiras, Rotterdam, Hambourg, Anvers et Tanger Med. Une performance.
Transpacifique : entre rétablissement des escales et prolongation des suspensions
Un an plus tard...
Un an plus tard, Alphaliner, qui a analysé les arrivées de navires pour les 18 services entre Asie et Europe du Nord des trois grandes alliances (six pour 2M, sept pour Ocean Alliance et cinq pour THE Alliance) a comptabilisé 687 escales réellement observées au troisième trimestre à Rotterdam, Hambourg, Bremerhaven, Wilhelmshaven, Anvers, Zeebrugge, Felixstowe, Southampton, London-Gateway et Le Havre. Au cours de ces 13 semaines, elles auraient dû en effectuer 827 escales. Soit 17 % de moins. Une petite trentaine de « visites » ont été réalisées hors cadre pour des raisons d’évitement. Rotterdam (8 escales), Wilhelmshaven (7) et Zeebrugge (7) ont été les principaux bénéficiaires de ces détournements.
THE Alliance, la même qui avait mis un point d’honneur l’an dernier à ne pas pénaliser les ports de la rangée nord-européenne, est cette fois comptable du plus grand nombre d’annulations (26 % des escales non observées par les trois alliances).
Le temps perdu dans les escales européennes dégrade le trafic avec l'Asie
Point névralgique de congestion
En clair, la congestion en Europe du Nord est responsable des arrivées tardives en Asie. C’est là que se concentrent les goulets d’étranglement. Selon l'Institut de Kiel pour l'économie mondiale (IFW), dans sa dernière publication fin septembre, l'encombrement des navires en mer du Nord s’est installé à un niveau élevé, estimant qu'environ 11 % de toutes les marchandises expédiées sont actuellement bloquées et la mer du Nord concentrant plus de 2 % de la capacité mondiale de fret.
Les partenaires de 2M – MSC et Maersk –, ont fait 15 % d'escales de moins que prévu en Europe du Nord au cours du troisième trimestre, alors que ce pourcentage était de 12 % pour les compagnies d’Ocean Alliance (CMA CGM, Cosco/OOCL, Evergreen).
La valse des escales à pas comptés
Felixstowe et Hambourg les plus pénalisés
Le premier port britannique pour les importations conteneurisées, Felixstowe, où les dockers ont débrayé à deux reprises pendant une semaine, est sanctionné avec 35 % des escales au moins sur les services Est/Ouest. Dans le terminal exploité par Hutchison Ports, à l’issue du premier mouvement social, « le nombre moyen de jours d'attente pour les navires à l’importation avait presque doublé pour atteindre 10 jours, tandis que le temps d'attente des exportations avait augmenté de 9 % », a calculé Crane Worldwide Logistics.
Selon Everstream Analytics, les escales portuaires ont chuté de 82 % par rapport à la semaine précédant la grève, avec seulement cinq navires contre 29 au cours de la semaine du 15 août. Manifestement, les déports vers d’autres ports nord-européens ont mis sous tension, dans les jours qui ont suivi, début septembre, quelques terminaux déjà congestionnés, notamment Hambourg, où le temps d’attente a grimpé en flèche, à 42 heures. À Bremerhaven, le nombre quotidien de navires au mouillage a bondi à 18, soit 63 % de plus que la moyenne de l'année.
Ces perturbations se retrouvent dans les données d’Alphaliner. Le premier port allemand n'a reçu que 105 escales sur les 143 attendues. « Au troisième trimestre, seuls six navires exploités par 2M sur le service AE7/Condor ont remonté l'Elbe, alors que la boucle aurait dû faire treize escales ».
La volatilité des horaires entre l'Asie et l'Europe du Nord a été très fortement ressentie dans le port côtier belge de Zeebrugge où le terminal CSP de Zeebrugge, a servi aussi de port refuge à quelques rotations.
Adeline Descamps