La valse des escales à pas comptés

En raison de la congestion, les principales compagnies de la ligne régulière auraient supprimé près d'un quart de toutes les escales prévues en Europe du Nord sur leurs liaisons avec l’Asie au cours des cinq derniers mois. L'analyse d’Alphaliner, qui s'est concentrée sur dix-huit rotations, fait état de 383 escales en Europe du Nord rayées des programmes. Le Havre et Dunkerque tirent bien leur épingle du jeu. 

Entre le 1er juillet et le 2 décembre, sur 18 services exploités entre Asie et Europe du Nord par les trois grandes alliances du secteur du transport maritime par conteneurs – The Alliance, 2M et Ocean Alliance –, les 200 navires en service sur ces routes n’ont pas observé 383 des escales inscrites dans les programmes initiaux. Une stratégie contrainte par une fiabilité dégradée et une exacerbation des retards sur l’heure d’arrivée prévue (ETA), qui selon Sea-Intelligence s’établit entre 7 et 8 jours. Cet ostracisme temporaire s’inscrit toutefois dans la durée. Certaines des suspensions s’étirent jusqu’à la fin du premier trimestre 2022.

D’après l’analyse d’Alphaliner, les exploitants de la ligne conteneurisée n’ont donc pas assuré un quart des escales portuaires européennes en raison de la congestion. Aucun des grands ports habituellement couverts n’ont été épargnés mais certains ont été impactés plus que d’autres, à l’instar de Felixstowe, première porte d’entrée du Royaume-Uni pour les marchandises conteneurisées, où les temps d’attente avant de pouvoir accéder à un poste d’amarrage serait « particulièrement élevés », avait révélé Maersk, partenaire de l'alliance 2M, première cliente du port anglais.

Près de 40 % des 383 escales non couvertes l'ont été à Felixstowe (20,2 à 30,3 % pour Rotterdam, Anvers et Hambourg), indique Alphaliner, qui a enfin mis des chiffres sur un phénomène qui a jalonné toute l’année 2021.

Blank sailing ou suppressions d’escales, choix cornélien

Pour le spécialiste de la ligne régulière, les membres de THE Alliance (Hapag-Lloyd, Yang Ming, ONE et HMM) ont été de ceux qui ont le plus tailladé dans leur réseau. En cherhant à préserver la desserte des ports du range nord, qui allonge de facto le temps de la traversée et exacerbe en conséquence leur retard, ils se sont exposés aux blank sailing. Ils ont aussi annulé un quart de leurs traversées sur trois plus grandes rotations (FE2, FE3 et FE4), soit six sur 22.

L'opération a coûté aux ports concernés un total de 18 escales non assurées. Port de prédilection de THE alliance, Hambourg a éprouvé le vide avec 193 dessertes alors qu'il aurait dû en avoir 242. Maersk et MSC ont également substitué au premier port allemand son compatriote Wilhemshaven, qui a été en outre honoré par l’emblématique FAL1 de CMA CGM, soit 16 touchés de plus.

77 ajouts

Si près de 400 destinations n’ont pas été respectées, les compagnies y ont, en toute partie, pallié en initiant 77 nouvelles dessertes. À cet égard, les ajouts ont surtout profité aux plus petits ports, moins congestionnés. À ce titre : Wilhelmshaven (24 d’entre elles), Bremerhaven (16), Le Havre (11) et Zeebrugge (8).

Ces extra-calls sont particulièrement visibles dans les trafics de ces ports au troisième trimestre. Mais l’inverse n’est pas systématique. La baisse significative des escales au troisième trimestre n’a paradoxalement pas eu d'impact important sur le volume de conteneurs traités entre janvier et septembre chez les trois leaders européens, Rotterdam, Anvers et Hambourg. Malgré une baisse de 25,6 % de ses visites (311 assurées contre 418 programmés), le port néerlandais a enregistré une croissance du trafic de conteneurs de 7,8 % pour atteindre 11,5 EVP. Pourtant, les compagnies qui le fréquentent habituellement ont abandonné les doubles appels est/ouest.

Rapport inversé entre Le Havre et Anvers

En revanche, Anvers (138 escales assurées contre 198 prévues) semble plus affecté avec un trafic de conteneurs qui a marqué le pas (+ 2,8 %, 9,1 MEVP) alors qu’il avait limité la casse en pleine pandémie, au point de paraître inoxydable. Il a toutefois cédé des parts de marché, au profit des plus petits du range nord à l’instar du Havre, de Wilhemshaven (484 700 EVP, + 49 %) ou encore de Bremerhaven (3,8 MEVP sur neuf mois). 

C’est un juste retour des choses. Malmené par les mouvements sociaux de décembre 2020 dans le cadre de la réforme des retraites, le Havre avait vu ses trafics siphonnés par Anvers. Le français, qui devrait franchir cette année le cap fatidique des 3 MEVP ou l’approcher de très près, doit aussi sa performance à MSC qui y a basculé ses activités. 

Pour autant, Le Havre fait aussi partie des ports ayant perdu des touchés (114 ont été assurés contre 132 prévus) suite à la décision de 2M de le retirer su service AE6/Lion en octobre mais quasi entièrement compensé par son ajout à la rotation du AE55/Griffin.

Dunkerque, que du gain

Le terminal CSP de Zeebrugge (678 400 EVP de janvier à septembre), exploité par CoscoSP, a également été bien loti par MSC/Maersk, qui s’en sert pour traiter des conteneurs vides ou effectuer des transbordements vers/depuis le Royaume-Uni.

Dunkerque, qui contrairement aux autres n’a rien perdu mais gagné trois appels, a été bien servi par CMA CGM, par ailleurs actionnaire de son Terminal de Flandres. Le transporteur français a fait du port des Hauts-de-France un point de desserte de ses deux lignes phares FAL1 et FAL3.

Adeline Descamps

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