Le premier port de la rangée nord-européenne avait déjà nettement redressé le cap au premier semestre après avoir été secoué en 2020 avec des trafics en baisse de 7 % quand son challenger Anvers maintenait le cap. Le minerai de fer et le charbon – reflet du boom des matières premières et prémices de la crise énergétique qui se joue actuellement –, avaient alors tiré les flux vers le haut. Les prix élevés du gaz ont permis à la production d'électricité à partir du charbon d'être compétitive malgré des droits d'émission de carbone plus chers.
Le conteneur, locomotive du leader portuaire européen, avait aussi retrouvé une bonne tendance (+ 8,7 % à 7,61 MEVP) mais sans que les volumes d’avant pandémie n’aient été complètement reconstitués. Mais une tendance, qui se dessinait durant la première partie de l’année, se confirme à l’issue des neuf mois de l’année : l’écart de trajectoire entre tonnage et unités (EVP). Il traduit à la fois le phénomène de conteneurs vides traités (le repositionnement est devenu une problématique du fait de la pénurie de boîtes) mais aussi celui de la baisse du poids moyen des conteneurs pleins.
Forte baisse du poids moyen des conteneurs pleins
Ces trois derniers mois, l’écart entre les deux s’est encore exacerbé. Au cours des neuf premiers mois l’année, la croissance a été de 7,8 % en EVP et de 4 % en tonnes. Mais le traitement des conteneurs vides a eu cette fois un effet mineur. La forte baisse du poids moyen des conteneurs pleins explique à elle seule la situation. « Les prix du transport ont fortement augmenté au cours des derniers trimestres. Une des conséquences a été que le transport de marchandises relativement lourdes et de faible valeur a diminué. Cet effet a été le plus fort dans le cas des conteneurs d'exportation, mais il a également été observé dans les importations », explique le port néerlandais.
Un trafic en hausse de près de 9 % sur les neuf premiers mois de l’année
Sur un plan plus global, Rotterdam a enregistré un trafic de 118,5 Mt au troisième trimestre, soit 14,6 % de plus qu'à la même période l'année dernière. Il totalise ainsi 350,1 Mt à l’issue des neuf premiers mois de l’année (+ 8,6 % par rapport à 2020).
Les tendances de croissance des six premiers mois de l’année se confirment en cette fin d’année. Parmi les grands gagnants des trafics : le charbon (+ 48,4 % par rapport aux trois premiers trimestres de l’année 2020),l e minerai de fer (+ 42 %), la biomasse (+ 18,7 %) et les produits pétroliers (+ 13,5 %). Les seules baisses concernent les vracs agricoles (- 12,8 %) et le GNL (- 1,8 %).
Le vrac sec en hausse de 27 %
Porté par le minerai de fer et le charbon, le vrac sec a ainsi augmenté de plus de 27 % par rapport aux neufs premiers mois de 2020. La reprise de la production d'acier a dopé la demande de minerai de fer et de ferraille. Les trafics de cokes pour les hauts fourneaux ont été plus élevés en conséquence.
La demande de charbon énergétique pour la production d'électricité a également été beaucoup plus importante, tirée par la reprise de l'économie mais aussi par la production décevante d'électricité d'origine éolienne et un gaz rare et cher. Le gaz et le charbon sont en concurrence pour la production d’électricité. Et actuellement, le charbon, au prix relativement modéré par rapport au gaz naturel, revient en force.
« Le volume d'agribulk est resté au même niveau que l'année dernière, alors que c'était précisément le seul type de vrac sec qui avait alors augmenté. À l'époque, la demande de produits agricoles était inhabituellement élevée en raison de la crainte d'une pénurie de stocks. Le volume des arrivages du dernier trimestre a donc été inférieur à celui de l'année précédente », décrypte le port pour justifier les difficultés du segment.
Les vracs liquides en progrès
Rotterdam reste une vaste zone industrialo-portuaire en bordure du Rhin, port pétrolier d’abord et avant tout avec le brut qui représente encore 50 % de la catégorie des vracs liquides. Le segment le plus important en termes de tonnage a encore augmenté de 6,4 % par rapport à la même période de l'année dernière pour atteindre 152,1 Mt. Il a été tiré par les volumes de pétrole brut (+ 3 Mt) et de produits pétroliers (+ 5,7 Mt). Ce qui, nonobstant l’effet de base d’une année 2020 faible, peut interroger au regard de la déprime des marchés pétroliers. « Dans le cas du pétrole, les marges ont été meilleures pour les raffineurs au cours des dernières semaines. Les volumes de raffinage aux Pays-Bas au deuxième et troisième trimestre ont été supérieurs. En ce qui concerne les produits pétroliers, les principaux moteurs de la croissance ont été le fuel, le gazole et le naphta », répond la direction portuaire.
À noter que les importations de gazole/diesel ont diminué alors que les exportations ont augmenté, tirées par la demande des États-Unis, en partie à cause des vagues de froid dans le pays. Au sein de la catégorie, le GNL, qui avait dévissé de 4,7 % au premier semestre, reste en zone grise
Le roulier indifférent au Brexit ?
Dans les ports du range nord-européen, le roulier est un segment qui attire l’attention notamment pour y déceler les éventuels impacts du Brexit. « Il n'a été apparent que dans les premiers mois de l'année en raison des niveaux de stock élevés, estime l’autorité portuaire. Au deuxième et troisième trimestre de l’année, la demande du Royaume-Uni a été élevée et les volumes étaient à nouveau supérieurs aux niveaux pré-Brexit et avant Covid. » Les flux du ro-ro ont ainsi augmenté de 5,2 % par rapport à 2020.
En transition
Parmi les faits saillants qui ont accompagné les neuf premiers mois, les équipes d’Allard Castelein, le directeur général du port de Rotterdam, retiennent les avancées sur le plan de la transition énergétique. Le gouvernement néerlandais a alloué quelque 2 Md€ aux quatre entreprises qui portent le projet Porthos de capture et stockage de CO₂. À partir de 2024, le CO2 sera stocké à grande échelle dans sous la mer du Nord. « Le plan de zonage et les quatre demandes de permis pour le projet sont maintenant disponibles pour inspection », précise à ce propos Rotterdam.
Par ailleurs, Shell a entamé la construction d'une usine à Pernis qui produira chaque année 820 000 t de carburant vert pour les avions et du diesel renouvelable à partir de déchets.
Rotterdam porte aussi plusieurs projets autour de l’hydrogène. Une décision d'investissement est attendue pour la construction d'un pipeline d'hydrogène dans la zone portuaire. Des études sont menées sur la construction de gazoduc entre Rotterdam, Chemelot et la Rhénanie-du-Nord-Westphalie pour divers produits, dont l'hydrogène et le CO₂.
Un porte-conteneur fluvial zéro émission
Enfin, le 6 septembre, le porte-conteneur fluvial Zero Emission Services – Alphenaar d’une capacité de 104 EVP –, a fait son voyage inaugural sur le delta du Rhin en utilisant les « ZES packs », des batteries lithium-ion contenues dans des conteneurs. Porté par le consortium composé d’Engie, de la banque multinationale néerlandaise ING, de l’équipementier finlandaise Wärtsilä et de l'autorité portuaire de Rotterdam, le projet ZES avait été lancé en juin 2020. À l’occasion de ce voyage entre Alphen-sur-Rhin et Moerdijk pour le compte du brasseur néerlandais Heineken, il a embarqué deux packs de batteries.
Le projet ne comprend pour l’instant qu’une seule station de chargement pour ces batteries, située au terminal CCT d’Alphen-sur-Rhin mais il est prévu d’en déployer sur 30 itinéraires fluviaux sur le bassin du Rhin d’ici 2030.
Adeline Descamps