Selon Euronav, des questions de procédures sont à l’origine du report au premier trimestre 2023 de la fusion avec son ex-concurrent norvégien Frontline. Le projet, qui avait été approuvé lors de l’assemblée générale annuelle d’Euronav du 19 mai et scellé par un accord définitif en juillet, doit donner naissance à un titan dans le transport maritime de pétrole, avec une flotte 146 navires-citernes pour un bataillon mondial estimé à un peu plus de 2 500.
Depuis l’annonce, les deux principaux actionnaires, l’homme d’affaires John Fredriksen et la Compagnie maritime belge (CMB), détenue par la famille anversoise d’armateurs Saverys, se livrent à une époustouflante course à l’actionnariat. Entré au capital d’Euronav en octobre 2021 à hauteur de 9,8 %, le magnat du transport maritime était détenteur de 18,8 % des titres à l’issue de ses dernières opérations. La CMB a acquis en octobre de nouvelles actions qui lui confèrent 21,6 % du capital.
Le projet, tel que validé par le conseil d’administration des deux entreprises, prévoit que la nouvelle entité issue de la fusion porte le nom de Frontline et soit basée à Chypre. L’opération prévoit sur le plan capitalistique un échange d’actions si bien que le capital de la nouvelle société sera aux mains des actionnaires d'Euronav à hauteur de 55 % tandis que ceux de Fontline en contrôleront 45 %.
Bataille rangée dans le capital des plus grands armateurs de tankers
Opération complexe
« C’est une opération complexe qui exige un certain nombre d'approbations réglementaires de la part de diverses autorités. Frontline doit transférer son siège des Bermudes à Chypre, un État membre de l'Union européenne, avant le lancement de l'offre publique d'achat. Ce transfert de domicile nécessite l'approbation des actionnaires de Frontline et des dépôts réglementaires aux Bermudes et à Chypre », explique l’entreprise pour justifier le retard dans le calendrier.
Une fois le transfert approuvé, l'OPA pourra être lancée. « Une fois que les documents d'offre belges et américains relatifs à cette offre publique d'achat auront été déposés, approuvés et/ou déclarés effectifs, la période d'acceptation sera ouverte, ce qui devrait maintenant avoir lieu au premier trimestre 2023 ».
Retournement de marché
Après avoir reporté à plusieurs reprises le retournement de marché pour le secteur des pétroliers, l’armateur belge, qui présentait ses résultats pour le troisième trimestre peut enfin annoncer une dynamique plus franche pour le secteur des très grands pétroliers (VLCC), navires d’une capacité de deux millions de barils.
« Au cours des derniers mois, l'amélioration des fondamentaux du marché de la cale citerne, ainsi que les événements géopolitiques, ont entraîné des améliorations durables et significatives des taux de fret qui sont bien soutenues pour les grands pétroliers », confirme Hugo De Stoop, le PDG d'Euronav. Pour le quatrième trimestre, 45 % des VLCC, exploitée dans le cadre du Tankers International Pool (cofondée par Euronav en 2000 et qui comprend 69 grands tankers), sont fixés à 47 500 $/j et 48 % des suezmax (capacité d’un million de barils) à 45 000 $/j.
Le segment du transport maritime profite des tonnes-milles qui s’allongent en raison de la reconfiguration des flux de brut russe, détournés de l’Europe vers l’Asie.
« La demande de brut est soutenue par le prix relativement bas du pétrole dans le mix énergétique actuel. Enfin, la croissance de l'offre de brut est renforcée par les barils non OPEP du bassin atlantique », poursuit le dirigeant, qui ne se montre pas inquiet par les réductions de production annoncées par les pays producteurs de pétrole de l’OPEP et de ses partenaires de l’OPEP+ emmenés par la Russie. « Ces mouvements ne sont pas de nature à perturber la dynamique actuelle », assure-t-il.
Huit navires en commande
Pour le troisième trimestre 2022, la société a réalisé un résultat d’exploitation de 23,44 M$ contre une perte de 105,61 M$ il y a un an à la même période et un résultat net de 16,4 M$ contre un déficit de 105,9 M$. Le chiffre d’affaires s’établit à 223,53 M$ (94,21 M$ au troisième trimestre 2021).
Euronav a accéléré depuis le début de l’année le renouvellement de sa flotte, avec la vente de quatre suezmax dont le Cap Phillippe (158 920 tpl), navire construit en 2026 avec lequel il a généré une plus-value de 12,9 M$. Mais c’est surtout la vente de l’ULCC Europe (441 561 tpl, 3 millions de barils de brut) qui a détonné avec sa valeur ajoutée de 34,7 M$.
Dans le même temps, Euronav a conclu un accord avec Daehan Shipbuilding pour deux nouveaux suezmax Eco avec scrubbers, sisterships des Cedar et Cypress (157 310 tpl), construits dans le même chantier et dont la livraison est attendue pour le troisième trimestre de 2024. Euronav a actuellement huit navires (trois VLCC et cinq suezmax) en construction pour un investissement global de 474 M$.
Allongement des tonnes-milles
Quant aux perspectives, Hugo de De Stoop reste plus que confiant. « Le marché des grands pétroliers est bien placé pour entamer un cycle haussier de plusieurs années ». Une vision positive de son marché étayée par plusieurs paramètres selon lui : un carnet de commandes au plus bas depuis 25 ans, l’âge moyen de la flotte élevée, les capacités de construction limitées du fait des slots accaparés dans les chantiers par les méthaniers et porte-conteneurs et une demande confortée l’embargo européen du brut russe à partir du 5 décembre. « Cela déplacera environ un million de barils par jour de brut maritime de la Russie vers l’Asie. L'Union européenne compensera avec des barils en provenance du Moyen-Orient et de l'Atlantique. Ces mouvements devraient se traduire par un allongement des distances ».
Adeline Descamps