Après une épique bataille d’actionnaires, qui a vu s’opposer la famille Saverys, fondateurs historiques d’Euronav via la CMB, et l’homme-orchestre du rapprochement John Fredriksen, les deux exploitants de pétroliers belge et norvégien Euronav et Frontline appelés à fusionner avancent à marche forcée.
L’opération de fusion, telle qu’elle a initialement été esquissée, prévoit un échange d’actions initiée par Frontline pour tous les titres en circulation d'Euronav à un ratio d'échange de 1,45 action Frontline pour 1 action Euronav. Sur la base du cours de l'action Frontline actuelle de 8,34 $ par action, le taux d'échange proposé représente une valeur de 12,09 $ par action Euronav.
Transfert à Chypre
En supposant que toutes les titres de l'armateur belge soient apportés à l'offre publique d'achat, le capital de la nouvelle société sera aux mains des actionnaires d'Euronav à hauteur de 55 % tandis que ceux de Fontline en contrôleront 45 %. La future entité empruntera à Frontline sa dénomination. Hugo de Stoop, actuel directeur général d’Euronav, en sera le patron et Lars H. Barstad, actuel PDG de Frontline, rejoindra le conseil d'administration. Les implantations seront préservées en Europe, notamment en Belgique, Norvège, Royaume-Uni, et Grèce, où les deux entreprises sont bien implantés, et Asie, particulièrement à Singapour.
La nouvelle entité, qui sera basée à Chypre d’où s'est érigé l'empire du magnant du transport maritime John Fredriksen, entend dégager a minima 60 M$ par an grâce aux économies d’échelle. La société sera cotée sur Euronext Bruxelles, OSE et marché new-yorkais NYSE à l'issue de l’OPA.
146 navires-citernes
Le regroupement donnera naissance à un opérateur indépendant de premier plan dans le domaine des gros pétroliers représentant une capitalisation boursière de plus de 4,2 Md$ sur la base de la valeur côtée des deux sociétés au 8 juillet, ajustée pour tenir compte des actions d'Euronav actuellement détenues par Frontline. La transaction donnera naissance à un titan sur le marché des pétroliers en termes de capacités, avec une flotte de 146 navires-citernes, dont 68 VLCC, 56 suezmax, 20 LR2/Aframax et 2 navires FSO. Ils pourraient ainsi contrôler 10 % de la capacité de la flotte mondiale des VLCC et des suezmax, selon les analystes.
Sur un plan financier, les deux sociétés consolident un résultat net de 666 M$ et un excédent brut d’exploitation (Ebitda) de 246 M$. Frontline sera transféré des Bermudes à Chypre avant le lancement de l'offre publique d'achat, qui devrait être lancée au quatrième trimestre, une fois la relocalisation réalisée.
L’échec de la famille Saverys à faire capoter le projet de fusion lors de l’assemblée générale annuelle d’Euronav le 19 mai, ne semblait pas avoir entamé la détermination de John Fredriksen dans sa quête aux actions d’Euronav alors qu’il contrôle déjà 40 % de Frontline, dont il se sert d’ailleurs pour acheter des titres d’Euronav.
En juin, en quinze jours, l’homme d’affaires a opéré en deux temps une main basse sur de nouvelles actions en circulation via Frontline. À l’issue de sa dernière opération, le magnat du transport maritime détenait 18,8 % du capital de l’armateur belge, contre 19,6 % pour les Saverys, cette famille d’armateurs anversois à l’origine de la création du grand armateur de tankers qu’est devenu Euronav mais pour lequel il avait un autre projet que le transport de brut et de produits pétroliers.
Adeline Descamps