John Fredriksen acquiert 9,8 % du capital d'Euronav

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Les difficultés du transport de produits pétroliers ne sont pas de nature à dissuader l’homme d’affaires John Fredriksen d’investir à nouveau dans une valeur du secteur. Le norvégien, qui détient des intérêts dans plusieurs segments du transport maritime, possède déjà 40 % de Frontline et avait tenté sans succès d’acquérir DHT. L’armateur belge de tankers n’échappe pas à la sanction du marché mais a mis à profit son temps de crise pour entreprendre le grand ménage dans sa flotte. 

Alors que les exploitants de navires-citernes sont déprimés et attendent depuis des mois la reprise des marchés pétroliers, John Fredriksen, qui détient déjà quelque 40 % de la concurrente Frontline, acquiert 9,8 % du capital d’Euronav. Une opération valorisée à quelque 200 M$ pour 19,9 millions d'actions. L’investissement a été réalisé via CK Limited qui administre les participations pour le compte du magnat à la double nationalité (norvégien et chypriote).

 John Fredriksen devient ainsi le deuxième plus grand actionnaire de l’armateur belge, coté en bourse (86,5 %), derrière la société (8,3 %). Le cours de l'action Euronav a augmenté de 27,7 % au cours du mois dernier. En dernière clôture, il était fixé à 9,17 €, soit une nouvelle hausse de 2,46 %.

John Fredriksen n’est manifestement pas heurté par le contexte du marché des tankers. Il a eu l’occasion de manifester son intérêt. En 2017, il avait déjà tenté d'acheter DHT Holdings, qui a préféré conclure un accord avec le BW Group de Sohmen-Pao.

Un marché très difficile

Depuis le début de l’année, les pétroliers sont exploités à des niveaux bien en deçà de leur seuil de rentabilité. Les tarifs d’affrètement sont restés dans la première partie de l’année à des niveaux historiquement bas, notamment sous l'effet du déstockage des flux de pétrole et d’une reprise erratique. Un premier semestre en très grand contraste avec celui de l’année précédente. Faute de demande, les cuves terrestres débordaient alors tellement qu’elles avaient fait la fortune des très gros transporteurs de brut (VLCC). Les négociants et raffineurs s’étaient jetés sur ces navires-citernes d’une capacité de 2 millions de barils de pétrole pour stocker le pétrole acheté à un prix défiant toute concurrence dans la perspective de jours meilleurs (phénomène de contango).

Cette année, les exploitants de flotte ont dû se contenter de « shoot » temporaires tels que le blocage du canal de Suez à la fin mars, les conditions météorologiques extrêmes dans certaines régions, ou encore la fermeture du pipeline Colonial au début du mois de mai. La cyberattaque contre cet oléoduc qui joue un rôle majeur dans l’approvisionnement de diesel, d’essence et de kérosène de la côte Est des États-Unis (2,5 millions de barils par jour), a eu un impact immédiat sur les stocks, les taux et les contrats à terme des pétroliers. Les raffineurs américains et les négociants se sont rués sur les pétroliers MR (moyenne portée). Mais ce fut éphémère.

Dynamique de l’offre et de la demande 

L’armateur belge n’a pas échappé à la sanction du marché. Hugo de Stoop l’a répété à chaque fin de trimestre lors de la publication de ses résultats.

« Les conditions actuelles du marché sont parmi les plus difficiles pour les opérateurs de pétroliers. Pour que les taux de fret se redressent, il faudra que la dynamique de l'offre et de la demande de brut revienne à la normale, ce qui reste incertain, indiquait-il auprès des investisseurs en août. Les hausses de production de pétrole tant attendues ne se sont pas traduites dans les exportations de brut. »

Pour le dirigeant, Cela est principalement dû « à la réduction progressive de la production de l'OPEP+ et à la réaction des pays non-membres de l'OPEP à la hausse des prix du brut » mais aussi « aux épidémies persistantes et localisées qui ont continué à freiner l'activité économique, ralentissant ainsi le retour à la pleine demande de pétrole d’avant l’épidémie ». In fine, le tonnage disponible est resté obstinément élevé, « en particulier sur les marchés d'exportation clefs comme le Moyen-Orient ».

905 M$ de liquidités

A la fin du mois de juin 2021, Euronav disposait de 905 M$ de trésorerie, dont 183 millions de liquidités et 722 millions de facilités de crédit engagées non utilisées.

Le retour des stocks mondiaux de pétrole à terre à la moyenne des cinq années précédant la crise de Covid est toutefois un signe encourageant « car il s'agit d'un élément important pour générer une demande de volume pour les importations/exportations de brut et donc l'emploi des pétroliers ».

Hugo de Stoop, comme la plupart des acteurs de ce marché, attend surtout la levée par l’OPEP de toutes les restrictions, la demande et l'offre de brut étant les variables clés pour les marchés des pétroliers à court terme. « Les augmentations de la production doivent se traduire en barils exportés. Ces deux facteurs doivent s'équilibrer l'un l'autre pour que les taux de fret puissent s'orienter à la hausse et empêcher le prix du pétrole (déjà élevé) d'atteindre des niveaux susceptibles de freiner la demande ».

Autre problématique à gérer

Le segment du transport pétrolier a une autre problématique – « structurelle » –, à gérer : la transition énergétique.  

Les objectifs de zéro émission nette ne font clairement pas les affaires de l’or noir. Même l’AIE, organe de défense historique des pays importateurs de pétrole, a pris le monde de court en appelant fin mai les États à ne plus soutenir les projets liés au gaz et au pétrole. Sans quoi l’Accord de Paris sur le réchauffement climatique rejoindrait la liste des grandes décisions internationales classées sans suite.

Ménage dans la flotte

Euronav s’est attelé à faire le ménage dans sa flotte. Le belge a conclu un accord avec le chantier Hyundai Samho pour deux VLCC (avec une option) configurés pour le GNL, à livrer au cours du premier trimestre 2023, pour un coût total de 186 M$, dont 4,2 millions d'améliorations aux spécifications standard. L’armateur planche en outre avec le chantier naval et la société de classification pour inclure une notation « Ammonia ready ».

L’armateur a également commandé trois suezmax (199,2 M$ au total) prêts à être convertis ultérieurement en navires bicarburants avec l'ammoniac, tout en se réservant la possibilité d’opter pour le GNL, « si cela s'avère plus judicieux sur le plan commercial ». Les navires seront livrés entre fin 2023 et début 2024.

Parallèlement, depuis fin 2019, l’exploitant a vendu ses intérêts dans trois suezmax et cinq VLCC datant de 2005. In fine, Euronav aura investi dans 12 nouveaux grands pétroliers (spécifications Eco), dont quatre VLCC mis en service en début d’année, les trois autres très grands transporteurs de brut et cinq suezmax étant encore en construction. La livraison de ces navires est prévue entre 2022 et le premier trimestre 2024.

Adeline Descamps

 

 

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