En novembre 2020, à l’occasion de la parution de son état des lieux annuel sur le transport maritime Review of maritime transport, la Cnuced promettait au commerce maritime international un épisode dépressif majeur. Alors que le secteur était abonné à la croissance ces dernières années, il allait basculer dans le rouge en 2020 avec une baisse de 4 %. L’année 2019 s’était déjà matérialisée par un ralentissement de la dynamique, montrant des volumes plafonnant (+ 0,5 %), à 11,08 milliards de tonnes. 2018 avait offert au transport maritime une croissance de 2,8 % mais qui était déjà en repli par rapport à 2017.
Le protectionnisme commercial et les politiques de l’entre soi ont sapé la croissance de la production économique mondiale et du commerce des marchandisesces ces dernières années indiquaient alors les auteurs, estimant que la guérilla douanière, notamment entre la Chine et les États-Unis, a amputé le commerce maritime de 0,5 % en volume en 2019. La crise sanitaire devait l’assommer pour un temps. Les rédacteurs de la Revue du transport maritime n’étaient alors guère optimistes sur les perspectives à court terme.
Cnuced : le commerce maritime mondial va plonger en 2020
Un rétablissement incroyable
« Le commerce mondial a enregistré une reprise plus rapide après la récession causée par la pandémie que lors des deux dernières récessions commerciales », concède Alessandro Nicita économiste à la Cnuced et auteur du rapport. S’il a fallu quatre trimestres pour que le commerce mondial retrouve son niveau d'avant la récession, il lui en aura fallu treize pour se remettre de la contraction de 2015 qui résultait de changements structurels dans les économies d'Asie de l'est et de la baisse des prix des matières premières. Et neuf pour rebondir après celle de 2009 causée par la crise financière mondiale.
L’Asie du sud-est en moteur
Et le vent porteur a soufflé depuis la région asiatique – Chine et Inde notamment – où les performances à l'exportation des économies restent solides. « Le succès précoce dans l'atténuation de la pandémie leur a permis de rebondir plus rapidement et de tirer parti de l'essor de la demande mondiale de produits en lien avec la crise sanitaire », indique la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement dont la mission est de veiller à l’intégration des pays en développement dans l´économie mondiale. Mais globalement, à quelques exceptions près, le commerce import-export des grandes économies s'est redressé après la chute de 2020.
Une reprise inégale
Les économies d'Asie de l'est sont également à l'origine de la reprise du commerce entre pays en développement (commerce sud-sud). En revanche, en excluant le commerce des économies en développement d'Asie de l'est, le commerce sud-sud reste inférieur aux moyennes.
L'étude constate qu'au premier trimestre 2021, la valeur des importations et des exportations de marchandises des pays en développement était nettement supérieure à celle du premier trimestre 2020 et à celui de 2019 (d'environ 16 %). Et le commerce a continué de rebondir, non seulement dans les secteurs tirés par la situation sanitaire (produits pharmaceutiques, équipements de protection personnelle, informatique, bureautique), mais aussi dans d'autres comme les matières premières et l'agroalimentaire. En revanche, le secteur de l'énergie est resté à la traîne et le commerce international de matériel de transport est resté bien en deçà des moyennes, indique le rapport.
6 600 Md$ au deuxième trimestre 2021
Dans les pays dits à économie en transition – Moyen-Orient, Asie du sud et Afrique – la valeur des exportations est restée inférieure aux moyennes entre janvier et mars. En Amérique du Sud, bien que les exportations de aient augmenté par rapport à la période comparable en 2020, elles sont restées inférieures aux moyennes de 2019.
La valeur du commerce mondial des biens et services devrait atteindre 6 600 milliards de dollars au deuxième trimestre 2021 ce qui équivaut à une augmentation d'une année sur l'autre d'environ 31 % par rapport au point le plus bas de 2020 et d'environ 3 % par rapport aux niveaux « prépandémiques » de 2019. Les mesures de relance budgétaire n’y sont pas étrangères.
Changement de paradigmes ?
« Mais ces perspectives positives dépendent en grande partie de la réduction des restrictions liées à la pandémie, de la persistance d'une tendance positive des prix des produits de base, des restrictions globales des politiques protectionnistes commerciales et des conditions macroéconomiques et fiscales favorables », liste la Cnuced.
Dans son précédent rapport, l’organisation s’interrogeait notamment sur la façon dont les modèles commerciaux allaient s’agencer après cette crise inédite et gageaient sur un effet « accélérateur » de nouvelles tendances qui « pourraient remodeler le paysage du transport maritime », à commencer par la contestation d’une certaine pratique de la mondialisation, matrice des échanges maritimes.
Le changement de paradigme dans le sourcing n’est pour l’heure pas manifeste. Et il faudra des années avant qu’il ne soit lisible et visible. Mais la Cnuced estimait déjà en novembre que la recherche d'autres marchés et fournisseurs s’était matérialisée par une réorientation des flux de la Chine vers d'autres marchés, notamment dans les pays d'Asie du Sud-Est. Ce que tendent à montrer les données de ce rapport.
De façon plus globale, l’agence de l’ONU en est convaincue : le ralentissement de la mondialisation, qui se traduit par une baisse des ratios commerce/produit intérieur brut (PIB) observée depuis la crise financière de 2008 et une régionalisation des échanges commerciaux, devraient modifier en profondeur l’approvisionnement (au profit du multisites) et la mécanique du juste-à-temps.
Adeline Descamps