Le premier corridor maritime vert transpacifique devrait être prêt, concomitamment à la mise en service des premiers navires à émissions nulles ou faibles en 2025.
Les ports de Los Angeles/Long Beach, la ville de Shanghai et le groupe C40 Cities, composé des édiles d'une centaine de villes, ont présenté le plan de mise en œuvre (Green Shipping Corridor Implementation Plan Outline), une méthode et un calendrier.
Le concept de « corridor maritime vert » avait été énoncé pour la première fois en novembre 2021 lorsqu’en marge de la COP26, une vingtaine de pays (dont la France) s’étaient engagés, en paraphant la Déclaration de Clydebank, à rendre six routes maritimes entièrement décarbonées d'ici 2025. Une étude intitulée The Next Wave : Green Corridors, pilotée par la coalition Getting to Zero, en a fourni l’armature.
Les premières portes d'entrée américaines pour le fret conteneurisé, Los Angeles et Long Beach, et la locomotive portuaire mondiale chinoise, Shanghai, avaient annoncé, peu de temps après, leur engagement à créer un corridor vert entre ces deux points névralgiques de la ligne transpacifique.
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Par corridor de transport maritime vert, il faut comprendre une route entre deux ou plusieurs hubs portuaires sur laquelle il s'agit de déployer des dispositifs d’économie d’énergie, des technologies de pointe et des pratiques de gestion qui permettent de réduire des émissions de carbone des activités maritimes et portuaires (du puits au sillage, à chaque étape du cycle de vie d'un carburant).
Ces corridors, qui permettraient d’éprouver dans des conditions optimales tout ce que les technologies offrent à ce stade en matière de transport de marchandises bas carbone en catalysant les efforts technologiques, économiques et politiques, serviraient ainsi de modèle pour une plus grande échelle. C’est du moins ce que soutiennent ses promoteurs.
Sur ces itinéraires spécifiques, indiquent les auteurs de l’étude, des mesures réglementaires ciblées, des incitations financières, des conditions économiques spéciales seraient de nature à donner à toutes les parties prenantes la confiance nécessaire pour investir et fournir les solutions à l'échelle requise d'ici 2030. Et ainsi de créer les conditions d’une « décarbonation accélérée » tout en créant des effets d'entraînement vertueux sur d'autres corridors, notamment parce qu’ils permettraient de lever les incertitudes économiques liées à la disponibilité d’une technologie ou d’un carburant.
Une méthdologie, des engagements
Cinq des plus grands armateurs mondiaux de porte-conteneurs – Maersk, CMA CGM, Cosco, One et Evergreen –, ont rejoint le programme et s'engagent ainsi à opérer des navires « à cycle de vie réduit ou nul » sur le corridor d'ici 2025.
Parmi les autres participants principaux figurent le grand exploitant de terminaux portuaires en Chine, Shanghai International Port Group, la société de classification China Classification Society et un centre maritime technologique asiatique (Maritime Technology Cooperation Center of Asia).
La lecture du document de mise en œuvre n’apporte guère plus d’éclairages, si ce n’est de la méthodologie et des engagements à « suivre les progrès de la décarbonation ». Il n’est pas dit explicitement s’il s’agit de mettre en œuvre les technologies vertes à mesure qu’elles sont rendues disponibles à conditions économiques acceptables. Mais quoi qu’il en soit, l’implication reste sur la base d’un volontariat.
Sur la base du volontariat
Outre l'accent mis sur le développement de navires à faibles émissions, d'une infrastructure d’approvisionnement en carburant maritime propre, le projet vise aussi à accroître l'utilisation de l'énergie à terre. Des travaux sont en cours, notamment une analyse de l'offre et de la demande de combustibles, ainsi que l'établissement d'un calendrier pour le déploiement de l'infrastructure.
Les porteurs du projet soutiennent que des chargeurs se sont engagés sur des contrats de transport zéro émission.
Définir le carburant le plus pertinent entre Singapour et Rotterdam
Lors du lancement des corridors verts en 2021, une route Asie-Europe avait été évoquée, un des axes pivots de la ligne régulière qui génère actuellement le plus d'émissions de gaz à effet de serre (GES).
Selon l’étude citée plus haut, sur ce corridor, le méthanol et l'ammoniac vert semblaient plus pertinents avec un avantage de coût pour l’ammoniac à long terme bien que les moteurs à méthanol soient, eux, déjà disponibles.
« Au-delà de l'étude, l'hydrogène est une autre voie d'accès aux carburants alternatifs qui doit être examinée. Des efforts sont en cours pour agréger la demande et l'offre afin de réduire l'écart de coût en vue de l'adoption de carburants durables », explique aujourd’hui la direction du port de Rotterdam.
La ville portuaire a accueilli le 19 septembre des représentants de l’Autorité maritime et portuaire de Singapour (MPA), du port Rotterdam et des 20 partenaires du projet intitulé Green & Digital Shipping Corridor, pour le troisième atelier sur la création du corridor vert entre Rotterdam et Singapour.
Les partenaires ont convenu de réduire de 20 % à 30 % les émissions du transport maritime international d'ici 2030. « Cet objectif doit être atteint grâce au développement et à l'adoption de carburants à émissions nulles ou quasi nulles dans les grands porte-conteneurs [au moins 8 000 EVP, NDLR] déployés sur un itinéraire de 15 000 km, en combinant des mesures d'efficacité opérationnelles et numériques », indique la direction du port néerlandais.
L'équivalent de 35 Mt de CO2
Depuis le lancement du projet, le déploiement d’un panel de carburants a fait l’objet d’une analyse, couvrant la demande et l'offre de carburant, les normes, les procédures de sécurité, le financement et les réglementations.
Aussi, Singapour et Rotterdam sont désormais fixés sur leur état de préparation à rendre possible cette offre (normes de soutage et cadres de sécurité).
Rotterdam a peu de temps. Maersk va mettre en service au troisième trimestre 2023 son premier porte-conteneurs au méthanol, un feeder intra-européen. L'avitaillement a déjà été testé.
Pour rappel, en 2019, année neutre (hors effet pandémie), alors que 24 MEVP avaient été transportés entre Asie et Europe, les 365 navires qui y opéraient avaient généré l'équivalent de 35 Mt de CO2.
Adeline Descamps