Arctique : DP World et Fesco envisagent le transport de conteneurs

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L’exploitant portuaire émirati et l’opérateur de transport intermodal russe Fesco étudient la faisabilité technique et économique d’exploiter un poste à quai pour porte-conteneurs au port de Vladivostok. Un projet qui s’inscrit dans la perspective de transporter des boîtes via la route maritime du Nord. DP World s’aligne sur la vision que porte Vladimir Poutine : élargir la fenêtre saisonnière de navigation dans l’Arctique afin de permettre une exploitation toute l’année. 

Alors que certains grands noms du retail (Puma, H&M, GAP…), du transport maritime (CMA CGM) ou de la commission de transport (comme Kühne + Nagel) ont promis – sans qu’ils puissent être formellement dédouanés d’une intention de « green washing » –, de ne pas emprunter avec leurs navires ou faire passer leurs marchandises par la route maritime du Nord (Northern Sea Route, RMN), DP World n’a pas ces politesses de langage.

L’opérateur portuaire émirati affiche ses intérêts pour le développement de la navigation par ce tronçon du passage du Nord-Est, reliant l’Asie à l’Europe par le Nord, du détroit de Béring à la mer de Barents le long des côtes sibériennes. Le Passage du Nord-Ouest reste pour sa part encore très largement gelé et inhospitalier pour les navires.

DP World est même explicite : « Le groupe soutient la vision que porte le président Vladimir Poutine pour la route maritime du Nord, qui est l'une des dernières grandes routes commerciales du monde à être développée. L'ouverture d'une alternative au canal de Suez entre l'est et l'ouest augmentera la résilience du commerce mondial. Elle offre un grand potentiel de développement de l'activité économique dans le grand nord russe », indique Sultan Ahmed Bin Sulayem, PDG de DP World avant d’ajouter toutefois que cela devra être « réalisée de manière durable afin de protéger les eaux vierges de l'Arctique. »

Accès aux ressources naturelles

La Russie, qui considère la RMN, à moins de 200 miles (370 km) de ses côtes, comme partie de ces eaux territoriales, s’active depuis bien des mois déjà pour élargir la fenêtre saisonnière de navigation afin de permettre une exploitation toute l’année. Alors que cette artère glacée, longue de 13 000 à 14 000 km, était jusqu’à présent praticable de juillet à décembre, l’an dernier, elle a ouvert avec deux mois d’avance. Effet du réchauffement climatique sur la fonte du permafrost. Entre 1980 et 1999, selon l’observatoire de l’Arctique, la RMN n’était accessible que 45 jours par an. 

L’exploitation des ressources gazières est sans surprise un des moteurs de cette quête absolue de navigation. Cette route permet déjà, dans les mois « praticables », le transit du GNL, puisé par le géant russe du gaz Novatek dans les gisements des péninsules russes de Yamal et de Gydan, vers l'Asie, client vorace en énergies, au moyen d’une flotte de méthaniers brise-glace de classe Arc7.

Ces développements s’appuie sur un chapelet d’une petite trentaine de ports en eaux profondes qui jalonnent les côtes russes, dont huit sont libres de glaces toute l’année : Mourmansk, Arkhangelsk, Doudinka, Petropavlovsk, Magadan, Vanino, Nakhodka et Vladivostok alors que les autres sont ouverts de juillet à octobre.

La compagnie d’État Rosneft a fait part, l’an dernier, d’une découverte gazière de 800 milliards de mètres cubes en mer de Kara. Un nouveau terminal pétrolier sur la mer de Kara, d’une capacité initiale de 25 Mt par an, doit entrer en service en 2024.

Navigation de destination et de transit

Si la « navigation de destination », où des navires transportent des matières premières (hydrocarbures entre autres) ne répond pas aux mêmes impératifs que la « navigation de transit », celle du commerce international, Moscou a néanmoins des ambitions pour faire de cette dernière une alternative aux autres routes maritimes mondiales congestionnées entre Europe et Asie. Le Sevmorput', selon son appellation russe, offre une économie de deux semaines en transit time et de quelque 4 000 milles nautiques en distance.

Moscou espère bien porter à 80 Mt le nombre de marchandises transitant par la RMN d’ici 2024-2025, contre 32 Mt en 2020, d’après les statistiques de l’agence nucléaire russe Rosatom. Le CHNL (Centre for High North Logistics) a comptabilisé 62 traversées complètes, de la mer de Barents au détroit de Béring, l’an dernier contre 37 en 2019. Quelque 331 navires ont emprunté au moins en partie cette voie arctique, contre 277 en 2019. 

Deux hubs à l’est et à l’ouest de Russie

DP World entend manifestemement damer ses pions sur cette route qui cumule plein d’enjeux géostratégiques. L’exploitant de terminal et le plus grand opérateur de transport intermodal russe Fesco étudient la faisabilité technique et économique d’un poste à quai au sein du port de Vladivostok (sud de la Sibérie) pour y traiter des porte-conteneurs. L'accord s'inscrit dans le cadre d'un partenariat plus large entre DP World, l'agence russe Rosatom, qui exploite une flotte de brise-glaces nucléaires, et le ministère responsable du développement de la NSR. Le projet Northern Marine Transit Corridor (SMTC) prévoit le développement d’une flotte de porte-conteneurs pilotes, la création d’une ligne et des ports pivots pour le transit de marchandises le long de la route maritime du Nord.

Selon les plans de DP World et de Fesco, les marchandises soient acheminées par des navires et des trains depuis les pays d'Asie de l'Est à Vladivostok , où ils seraient chargées sur des porte-conteneurs de classe arctique. Mourmansk, terminal pétrolier majeur dans l’Arctique, serait exploité en tant que hub de transbordement à l’ouest pour relier les ports d'Europe du Nord et de l'Ouest. Des feeders, assurés par DP World, desserviraient Vladivostok et Mourmansk. 

Des solutions de bout en bout 

Les échanges entre les deux sociétés semblent engagés depuis un temps. En janvier 2020, le journal économique russe Vesti Finance avait indiqué que DP World était intéressé par une participation minoritaire de 49 % dans Fesco, ce que l’exploitant de terminaux n'a pas confirmé. 

« La route maritime du Nord permettra à DP World de continuer à offrir à ses clients des solutions logistiques de bout en bout et de transport de marchandises plus rapides et plus écologiques », ajoute encore le PDG de DP World. L’argument est loin de faire l’unanimité. Jusqu’à présent, au regard de toutes les analyses, à l’opportunité d’une nouvelle route maritime s’oppose son coût écologique avec un conflit dans les enjeux environnementaux.

Si en réduisant les milles, elle offre une occasion de réduire les émissions du transport maritime, la navigation en Arctique accroît, selon les scientifiques, le réchauffement climatique, déjà responsable de la fonte du permafrost et « de la mise en danger des écosystèmes parfois uniques ». 

Adeline Descamps

 

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