Moins de 1 % de la flotte de porte-conteneurs sans emplois depuis le début de l'année

Même au temps de la pandémie, il n'y avait pas autant de navires en service. Ni l'érosion continue des taux de fret depuis juillet, ni la basse saison, ni le raz-de-marée de livraisons ne sont parvenus à ébranler le marché de l'affrètement de porte-conteneurs. La disponibilité est sous tension, la soif de navires, forte et les tarifs d’affrètement, bien perchés. Contrairement aux taux de fret.

Déconcertant. Le marché de l’affrètement de porte-conteneurs impressionne par son stoïcisme. Il ne manifeste pas le moindre ralentissement ou essoufflement depuis de longs mois face aux déséquilibres économiques mondiaux. Il reste insensible tant aux tensions géopolitiques accrues – celles connues à ce jour et celles à venir –, qu'à la perspective d’une guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis.

Les règles changent pourtant, à moins de 50 jours du retour de Donald Trump à la Maison Blanche, dont l’imprévisibilité est la seule donnée prévisible. Le futur président des États-Unis n’a pas attendu l’heure de son intronisation, le 20 janvier, pour donner les premiers coups de feu de la politique commerciale qui sera la sienne. Durant sa campagne électorale, il a promis des droits de douane de 60 % sur toutes les importations en provenance de Chine et jusqu'à 20 % sur celles en provenance du reste du monde. Toutefois, ces dernières heures, le président a réitéré sa (première) intention, mais en la rabotant, prévoyant désormais de taxer de 10 % toutes les importations en provenance de Chine et de 25 % celles en provenance du Canada et du Mexique. C'est dire qu'il faudra continuellement naviguer sur le qui-vive.

Pour le choix de son représentant au Commerce, il a adressé un autre signe d’amitié à la Chine, en désignant Jamieson Greer qui était, sous son précédent mandat, chef de cabinet du représentant au Commerce d’alors. Particulièrement critique vis-à-vis de la Chine, il avait participé aux décisions ayant mené à une guerre commerciale contre Pékin.

Une deuxième présidence inopportune

Une deuxième présidence Trump tombe mal alors que les vulnérabilités de l'économie mondiale se font jour aux quatre coins de la planète. « Stables à court terme mais incertaines à long terme », a résumé sobrement Moody’s dans la dernière mise à jour de ses perspectives, principalement en raison des changements potentiels dans les politiques nationales et internationales. Et l’agence de notation de citer le renforcement du protectionnisme commercial (États-Unis, Europe), les barrières commerciales dans les pays émergents (Inde, Brésil, Indonésie), la molle reprise économique de l'Europe (six trimestres consécutifs de croissance annuelle inférieure à 1 %) et le ralentissement de la croissance économique de la Chine…

Le pays se remet à peine de la pandémie, après deux ans de politique sanitaire purgative basée sur le zéro-Covid. Au cours des trois premiers trimestres de 2024, la croissance économique s'est fixée à 4,8 %, soit un peu moins que l'objectif peu ambitieux de 5 % arbitré par Pékin. Outre la déflation, la faible demande des consommateurs et un énorme krach immobilier, les tensions commerciales persistantes avec les États-Unis de Joe Biden ont nui aux exportations, qui ont fait de la Chine la deuxième puissance économique mondiale. Selon des économistes sondés par Reuters, les nouveaux droits de douane américains pourraient lui coûter un point de croissance.

Érosion continue des taux de fret

Pour l’heure, les taux de fret au comptant pour les expéditions de conteneurs de l'Asie vers la côte Est et Ouest des États-Unis continuent de baisser (de 5 % de Shanghai à Los Angeles, à 4 250 $ le conteneur de 40 pieds la semaine dernière et de 1 % à 4 490 $, vers New York, selon l'indice composite de Drewry) malgré le battage médiatique autour du chargement anticipé du fret. « Soit les importateurs américains ne préalimentent pas encore le fret en prévision de la menace de nouvelles grèves dans les ports de la côte est-américaine et des tarifs douaniers de Trump, soit il y a trop de porte-conteneurs dans le Pacifique », résume Xeneta. Quoi qu'il en soit, l'indice du fret conteneurisé de Shanghai (SCFI) se trouve désormais à 40 % en dessous de son pic en juillet.

Ni l'érosion continue des taux de fret depuis juillet – à l'exception de trois semaines de hausse à partir de la fin octobre, déclenchée artificiellement par les GRI –, ni la Golden Week (semaine fériée en Chine qui met d’ordinaire un coup de frein à l’activité), ni le raz-de-marée de livraisons de navires neufs (3,1 MEVP prévus cette année dont 1,8 MEVP réceptionnés au premier semestre) ne sont pas parvenus à perturber les équilibres du marché.

Une soif de navires forte

La demande de tonnages reste forte et les tarifs d’affrètement ne suivent pas la courbe des taux de fret. Le détournement par le cap de Bonne Espérance et une demande supérieure aux prévisions malgré la saison creuse assèchent le marché. Ce dernier reste néanmoins divisé entre les navires de grande taille (plus de 3 000 EVP), dont l'offre reste limitée, et les navires plus petits, pour lesquels la disponibilité est moins tendue.

Le pool des premiers n’étant pas en mesure de répondre à la demande, les taux d'affrètement continuent d'évoluer à des niveaux très fermes dans ces segments. Les contrats se concluent pour des positions à terme en 2025 et même, dans certains cas, en 2026. En dessous de 3 000 EVP, les taux d'affrètement sont plus stables, avec une légère tendance à la baisse dans certains cas, exceptés pour les unités les plus modernes et les plus économes en énergie, qui continuent à trouver facilement des emplois d'affrètement pluriannuels.

La location de porte-conteneurs s'est encore emballée au cours de la dernière quinzaine. « Même les navires de grande taille, qui ont été peu actifs au cours des derniers mois en raison d'une pénurie de navires, ont enregistré une activité record », confirme Alphaliner, dans sa dernière note hebdomadaire. MSC a ainsi contracté plusieurs navires de 8 à 10 000 EVP dans le cadre d'accords à échéance de 2027. « C'est une initiative audacieuse et il reste à voir si d'autres transporteurs copieront la stratégie de l'entreprise genevoise », ajoute l’analyste

Cet engagement au long court, qui illustre à la fois la confiance et la nervosité des transporteurs, ne se limite plus aux grands navires. « Un nombre croissant d'unités de moins de 3 000 EVP, aux spécifications plus élevées [chittagongmax ou bangkokmax, NDLR] et employées dans des conditions de navigation particulières, sont fixées ou prolongés avec des contrats débutant au deuxième ou au troisième trimestre 2025, une échéance très lointaine pour ce type de navires », s'étonne Alphaliner.

99,3 % de la flotte en plein emploi

Selon ses données, moins de 1 % (0,7 %) de la flotte mondiale de porte-conteneurs a été comptabilisé comme inactive de janvier à octobre. Même au pic de la sollicitation des navires en 2021 et 2022, lorsque l’épidémie frappait fort, le nombre d’emplois inactifs était supérieur. Et c’est d'autant plus notable que le bataillon s’est remarquablement étoffé, passant de 23,7 MEVP en octobre 2020 à 30,6 MEVP, soit une augmentation de près de 30 %.

Dans ce contexte, les unités de plus de 12 500 unités ne connaissent pas du tout le chômage et se retrouvent principalement en service sur les grandes lignes autour du cap de Bonne Espérance. L’offre est exceptionnellement serrée tandis que les exploitants et non-exploitants ont retardé les cales sèches non essentielles pour leurs navires. La capacité immobilisée dans les chantiers au cours des dix premiers mois de 2024 a été en moyenne de 3,5 %, inférieure à la fois à 2021 (3,7 %) et à 2022 (5,1 %).

Grimace des affréteurs

Au regard de cette situation, les gestionnaires de navires, du moins pour ceux qui ont publié leurs résultats pour le troisième trimestre, ne présentent pas pour autant des résultats hors-normes. La société grecque Danaos a annoncé une baisse de son résultat net ajusté pour ses activités conteneurs au troisième trimestre, à 125 M$, contre 143 M$ un an plus tôt. L’augmentation de ses dépenses d’exploitation (+ 26 %, soit 10 M$) l’explique en partie puisque les revenus contractuels tirés de l’affrètement sont restés quasi-inchangés (236 M$). Danaos, qui contrôle une flotte de 73 porte-conteneurs d’une capacité de 2 200 à 13 100 EVP, a enregistré un revenu TCE (time charter equivalent, revenus quotidiens des navires une fois toutes les dépenses d'exploitation couvertes) de 37 001 $/j contre 39 041 $ un an plus tôt. Le gestionnaire de navires, non-exploitant (NOO), a encaissé 308 M$ de revenus contractuels au cours du troisième trimestre, portant son flux à 3,3 Md$. Il s'est récemment orienté vers la signature de contrats plus longs, avec une durée moyenne d'affrètement de 3,4 ans. La totalité de ses 14 nouveaux navires, à l'exception de deux d'entre eux, ont été notamment affrétés pour des périodes de cinq ans.

De son côté, également de nationalité grecque, Costamare, société cotée à la bourse de New York, a enregistré un bénéfice net de 79 M$ au cours du dernier trimestre, contre 60 M$ au cours de la même période en 2023. Sur l’ensemble de l’année, ses revenus ont progressé de 16 % pour atteindre 459 M$, mais cela est principalement dû à la croissance de ses activités de vrac (30 contrats signés depuis la publication des résultats du deuxième trimestre), qui en est à ses débuts (la plupart des NOO dans le conteneur ont récemment entrepris de se diversifier). Costamare Bulkers gère 56 vraquiers, dont la majorité fait l'objet d'accords d'affrètement indexés. Dans le segment des porte-conteneurs, le propriétaire de navires a encaissé 165 M$ au cours du trimestre après avoir fixé sept porte-conteneurs pour des périodes allant de 14 à 34 mois, portant ses revenus contractuels à 2,3 Md$ avec une durée moyenne de 3,3 ans. Révélateur, pas un de ses 68 porte-conteneurs (14 en construction) a été hors du marché cette année. Et sa flotte est fixée à 94 % pour 2025.

MPC Container, coté à Oslo, a affiché un bénéfice net ajusté de 57,5 M$ pour la période juillet-septembre, en forte baisse par rapport aux 81,6 M$ de l’an dernier. Ce résultat porte l'ensemble des neuf mois à 192,4 M$, un bénéfice de 26 % inférieur à celui enregistré en 2023. Au 30 septembre, le groupe détenait 56 navires, d'une capacité de quelque 128 000 EVP. Les contrats signés représentent 1,2 Md$ de revenus, couverts à 85 % pour 2025 et à 57 % pour 2026.

Retour sur les années Trump

S’il est impossible de prédire les prochaines actions de Donald Trump, celles de son premier mandat ont laissé des traces dans l’histoire. Lors de la première série de droits de douane émis en mars 2018 – il y en aura trois mais deux ont été ajournés –, Pékin a compensé une partie de l'impact en laissant le yuan se déprécier, ce qui a rendu les exportations chinoises moins chères. Chaque séquence a provoqué des « rush » d'importations. Pour l'heure, sur la base du sondage de Morgan Stanley auprès d'une centaine de chargeurs américains, plus de 70 % d'entre eux n'avaient pas l'intention de réapprovisionner leurs stocks différemment en raison de la victoire de Trump. Une approche attentiste expliquant peut-être l'absence de réaction des taux de fret sur le transpacifique.

Adeline Descamps

Après des mois de déprime, le secteur manufacturier chinois sort de sa torpeur

L'indice d'activité des directeurs d'achat (PMI), calculé par le cabinet S&P Global et le média économique chinois Caixin, qui sonde principalement les PME, s'est établi à 51,5 points le mois dernier, en hausse pour le deuxième mois consécutif (50,3 points en octobre). La barre des 50 sépare la croissance de la contraction. Ces chiffres confirment la reprise timide de la production industrielle signifiée par l'indice PMI publié samedi par le Bureau national des statistiques (BNS), établi à 50,3 points. Ce baromètre officiel se concentre sur les grands groupes industriels étatiques.

Après des mois de déprime dans le secteur manufacturier chinois, la production des usines a progressé en novembre à son rythme le plus soutenu depuis juin dernier, notamment en raison d'un remplissage des carnets de commandes, souligne l'enquête Caixin-S&P Global. Un tel taux d'augmentation des nouvelles commandes n'avait pas été observé depuis près de quatre ans. Celle à l'export s'explique également par des réflexes de stockage de clients étrangers dans la perspective de l’entrée en vigueur de droits de douane.

A.D.

 

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