Accord européen tripartite pour inclure le transport maritime dans le marché carbone

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Le Parlement européen, le Conseil et la Commission sont parvenus à un accord préliminaire sur les conditions d’application de l'intégration du transport maritime dans le système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne. Dernière étape les 16 et 17 décembre.

Il est désormais établi que les émissions de carbone du transport maritime seront tarifées et que les navires de plus de 5 000 tonnes GT devront acquérir des droits à polluer sur le marché européen des quotas d’émissions (ETS pou SCEQE) de sorte à couvrir en 2025 au moins 40 % des émissions du secteur maritime (sur la base des émissions enregistrées l’année précédente).

Le Parlement européen, le Conseil et la Commission, engagés dans des négociations tripartites depuis plusieurs semaines sur le paquet législatif climatique de l’UE (Fit for 55), sont parvenus à un accord préliminaire sur les conditions d’application de l'intégration du transport maritime dans le système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne. Avant-dernière étape avant une finalisation prévue en décembre, après deux ans et demi de laborieuses négociations.

« Ce fut une négociation très délicate », a reconnu le rapporteur du Parlement européen sur la révision du marché du carbone, Peter Liese (PPE), propos que la presse a repris en boucle. L’eurodéputé (allemand) depuis 1994 et l’un des fers de lance de cette négociation note toutefois que d’ultimes arbitrages – sur les pourcentages et le calendrier –, doivent encore être trouvés avec les États membres lors de leurs réunions en décembre.

Seuls les trajets dans l’UE entièrement inclus

Le cadre convenu prévoit une couverture progressive sur trois ans à partir de 2025, 40 % des émissions du secteur en 2025 (sur la base des émissions enregistrées l'année précédente), puis 70 % en 2026 et 100 % d'ici à 2027. Les navires de plus de 5 000 tonnes brutes opérant sur le transport intra-européen devront payer pour la totalité de leurs émissions et ceux à provenance et destination de pays tiers (hors d'Europe) ne seront comptabilisés qu'à 50 %. 

Selon une estimation, qui avait été effectuée par l’ONG environnementale Transport & Environment (T&E), 42 % de la flotte mondiale avait fait escale dans les ports de l'UE en 2019.

Cette mesure sera appliquée progressivement, entre 2025 et 2027. Les différents seuils restent à confirmer.

Les navires en deçà de la jauge – et donc les yachts –, seront exemptés. Les législateurs ont déjà prévenu qu'ils veilleront à qu'il n'y ait pas une augmentation soudaine des navires de 4 999 tonnes brutes...

Méthane et NOx concernés

Contrairement à la proposition initiale de la Commission européenne, les émissions autres que le CO2, comme le méthane et le NOx (oxyde d’azote), seront également soumises à l’obligation d’achats de quotas à partir de 2027. Ce qui signifie que les navires fonctionnant au GNL devront donc eux aussi payer pour ce qu'ils émettent. « Un signal clair que le GNL n'est pas une solution propre pour le transport maritime », a réagi avec à-propos T&E, très critique envers le gaz naturel liquéfié.

Selon le rapporteur Peter Liese, considérer les fuites de méthane et les émissions de NOx permettront « d’abattre » 20 Mt en plus des 120 Mt de CO2. La Cnuced estime pour sa part, dans son actualisation de sa Revue des transports maritimes que les émissions de carbone de la flotte mondiale ont augmenté de 4,7 % entre 2020 et 2021 (849 Mt fin décembre 2021).

Affectation des recettes à la décarbonation de la flotte

Les négociations ont en outre permis de se mettre d’accord sur l’affectation des recettes des 20 millions des crédits carbone – ce qui correspond actuellement à 1,5 Md€ -, au Fonds d’innovation européen pour financer « le renouvellement de la flotte avec des technologies plus propres », assure Michael Bloss, négociateur pour les Verts.

« Nous sommes prêts », a réagi Jim Corbett, le directeur Environnement Europe du World Shipping Council (WSC), qui représente principalement les opérateurs de la ligne régulière. « Nous espérons que le marché carbone maritime stimulera les investissements dans les énergies renouvelables et dans l’avitaillement, prérequis nécessaires aux carburants alternatifs indispensables à la transition »

L'intégration de tous les gaz à effet de serre (CO2, méthane et NOx) dans le SCEQE est une bonne chose pour le WSC. « Mais ce n'est que lorsque le SCEQE adoptera une perspective de cycle de vie complet qu'il atteindra son véritable potentiel, en augmentant la compétitivité des carburants véritablement renouvelables »

« La décarbonation du transport maritime n'est pas une question de "si" mais une question de "comment", a réagi pour sa part Sotiris Raptis, secrétaire général de l'ECSA. Réserver une partie des recettes du SCEQE au secteur maritime est une victoire pour la décarbonation de ce secteur. Un soutien spécifique par le biais du Fonds d'innovation est essentiel pour combler l'écart de prix avec les carburants propres, améliorer l'efficacité énergétique des navires, encourager l'innovation et construire l'infrastructure dans les ports ». Les armateurs européens militaient en faveur du « principe du pollueur-payeur », supposant la répercussion des coûts sur les affréteurs. 

Un succès qui dépend de l’affectation des recettes

« L'accord de l'UE marque un moment décisif pour la décarbonation du transport maritime, soutient Jacob Armstrong, responsable du transport maritime durable chez T&E. Le transport maritime ne pourra plus être exonéré de son impact massif sur le climat. Les émissions internationales ne seront plus ignorées par les décideurs politiques nationaux. Avec cet ambitieux système d'échange de quotas d'émission couvrant tous les gaz à effet de serre et garantissant le financement d’un transport maritime plus écologique, l'UE ouvre la voie pour d'autres juridictions comme les États-Unis, la Chine et le Japon ». L’accord intervient alors qu’un Comité de la protection du milieu marin de l'OMI (MEPC79) doit se tenir dans quelques jours à l’OMI, moins avancée sur ces questions, du moins plus consensuelle.

Les ports européens réunis au sein de l'Organisation européenne des ports maritimes (Espo) avaient anticipé ces travaux législatifs en rappelant, dans un communiqué en date du 21 novembre, les conditions pour que « le SCEQE maritime donne les résultats escomptés ». L’Espo a très rapidement mis en garde contre les effets potentiellement induits par le champ d’application du mécanisme, notamment « les fuites de carbone et d'activités vers les ports voisins ».

Prochain rendez-vous les 16 et 17 décembre

L’organisation milite aussi pour que les revenus des certificats carbone soient dédiés à stimuler les investissements en faveur du développement des carburants alternatifs mais aussi de l'électrification des navires et du branchement électrique à quai. « Le succès du système d'échange de quotas d'émission dépendra largement de l'affectation des recettes. Dans cette phase des négociations, nous ne devons pas rester bloqués sur le nom ou la structure du fonds, mais sur la manière dont les fonds sont utilisés », avait alerté l’organisation en amont.

Le SCEQE fait partie du paquet Fit for 55, feuille de route l'UE visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 55 % d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990. La prochaine réunion est prévue les 16 et 17 décembre, où les négociateurs tenteront de parvenir à un accord global et d'adopter les règlements. Le transport maritime n’est plus seulement concerné.

« Il reste des points très difficiles à résoudre dans les négociations, notamment les quotas gratuits pour l'industrie, le fonds d'innovation, le fonds de modernisation et l'inclusion du chauffage des bâtiments et du transport routier dans le système », a prévenu Peter Liese.

Adeline Descamps

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