Accord des eurodéputés sur le marché carbone et l'intégration du transport maritime

Deux semaines après avoir rejeté une première version d’un des textes clés qui composent le paquet Fit for 55, les eurodéputés se sont fixés sur un nouveau compromis. Il acte la suppression progressive des quotas industriels gratuits, objet du précédent blocage, l’intégration du transport maritime dans le marché carbone ainsi que la création d’un fonds abondé à 75 % par les revenus générés par les quotas.

« C’est historique, le parlement européen adopte trois textes ambitieux qui nous mettent sur le chemin de la neutralité carbone : la réforme du marché du carbone, la création d’une taxe carbone aux frontières et la création d’un Fonds social pour le climat. Nous avons décidé d’inclure le transport maritime dans le marché du carbone, pour accélérer sa transition écologique, tout en créant un Fonds océan qui viendra accompagner le secteur. L’Europe se place résolument en leader mondial de la lutte contre le changement climatique », s’est emporté Pierre Karleskind, l’eurodéputé Renew (centristes, dont le groupe politique de Emmanuel Macron, et libéraux).

Le Parlement européen a adopté le 22 juin, par 479 voix (103 contre, 48 abstentions) un compromis prévoyant l'élargissement du marché carbone à d’autres secteurs, dont le transport maritime, et la suppression graduelle entre 2027 et 2032 des quotas d'émissions gratuits qui avaient été initialement alloués aux entreprises pour ne pas les défavoriser par rapport aux importations venant de pays tiers. En échange, une taxe carbone aux frontières de l’UE [MACF pour mécanisme d'ajustement carbone aux frontières] prévoit d’appliquer le même prix du CO2 aux importations de biens produits hors UE. Le consensus trouvé reporte cependant le début de l'application du MACF à 2027 (contre 2025 initialement).

Ce vote intervient deux semaines après avoir rejeté, à la surprise générale et pour des raisons politiques, une première version de l’un des textes clés qui composent le paquet Fit for 55, feuille de route de la politique climatique européenne présentée en juillet 2021 par la Commission pour réduire de 55 % par rapport à 1990 les émissions carbone au sein de l’UE.

Fit for 55 : des premiers échanges tendus

Contre tout attente

Les eurodéputés n’étaient pas parvenus à s’entendre lors de la plénière du 8 juin à Strasbourg sur le calendrier de la fin des quotas gratuits. Les deux autres textes – taxe carbone aux frontières et le fonds social pour le climat –, qui devaient être débattus au cours de cette même séances avaient été de ce fait recalés. Alors que personne ne se hasardait alors à émettre un horizon pour la présentation d’un nouveau compromis, dans la mesure où il devait être renégocié en commission entre les groupes politiques (PPE, droite, première force du Parlement ; Verts ; S&D, sociaux-démocrates et Renew), une nouvelle version présentée à Bruxelles le 22 juin a finalement été validée.

Cette avancée permet d’ouvrir les négociations avec le Conseil de l’Union européenne où sont représentés les 27 États membres, qui doivent de leur côté s’entendre également sur une position commune au cours d’une réunion prévue fin juin. Les deux instances devront ensuite s’entendre sur un texte final. À ce stade, ce sont des positions de principe. Les décisions finales ne sont pas encore arbitrées. La Commission ambitionne pour sa part de conclure les négociations d’ici à la fin de l’année.

Création d’un fonds Ocean

Pour rappel, le marché carbone européen, où s'échangent depuis 2005 des « permis à polluer », ne concerne actuellement que les producteurs d'électricité et industries énergivores (sidérurgie, ciment...), soit 40 % des émissions des Vingt-Sept. Le parlement européen s’était mis d’accord en juillet 2020 sur l’intégration du transport maritime dans le marché carbone. Plus récemment, en mai, la commission Environnement avait acté, à une large majorité, un certain nombre de points dont la création d’un fonds destiné à financer la transition énergétique du transport maritime et abondé par les revenus issus des échanges d’émission carbone.

Outre l’intégration dans le système d’échanges communautaire européen (SCEQE système communautaire d'échange de quotas d'émission ou Emissions Trading System, ETS), le transport maritime est concerné par d’autres propositions du paquet Fit for 55 : la révision de la directive sur l’énergie (ETD), le règlement Afir sur les infrastructures des carburants alternatifs aux combustibles conventionnels, et le FuelUE maritime qui porte sur l’intensité énergétique des carburants.  

Des lignes rouges pour les armateurs européens 

Les armateurs européens (ECSA) ont réagi favorablement à cette nouvelle séquence, saluant le « soutien ferme » à la création du fonds de financement de la transition énergétique ainsi que la répercussion des coûts du SCEQE sur les affréteurs par le biais de clauses contractuelles. 

« Le vote du Parlement est un signal fort que les décideurs européens nous écoutent et prennent en compte les propositions de notre secteur. Nous avons besoin de toutes les mains sur le pont et le rôle des opérateurs commerciaux est essentiel pour réduire les émissions. L'affectation des recettes au transport maritime est une condition préalable au financement de l'adoption de carburants plus propres », a indiqué Sotiris Raptis, secrétaire général de l'ECSA.

Pour la fédération des 19 associations nationales d'armateurs basées dans l'UE et en Norvège (39,5 % de la flotte commerciale mondiale), les revenus générés par la taxation du carbone doivent être affectés à la R&D afin de contribuer à réduire l'écart de prix entre les carburants fossiles et verts. Les armateurs européens avaient en outre quelques lignes rouges dans la répartition des responsabilités, demandant notamment une application absolue du principe « pollueur-payeur » qui voudrait donc faire endosser le coût d'achat des quotas d'émission de carbone par « l'entité responsable des choix opérationnels qui affectent les émissions de CO2 d'un navire ». En clair, c’est le décideur qui paie. Dans ces conditions, les affréteurs doivent payer en tant que « responsables en dernier ressort de l'achat du carburant, du choix de l'itinéraire et de la vitesse du navire ».

Adeline Descamps

SCEQE pour le transport maritime, l’essentiel

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