Le parlement européen rejette la proposition sur les quotas carbone

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Le « big bang réglementaire » promis n’a pas eu lieu. Les eurodéputés, réunis en séance plénière au parlement, se sont prononcés majoritairement contre le texte sur la réforme du système communautaire d'échange de quotas d'émission, qui prévoit notamment d’intégrer le transport maritime. « Pas assez ambitieux », ont justifié les Verts et les socialistes qui ont fait capoter l’ensemble. Le rejet surprise risque de retarder le processus législatif de plusieurs mois.

Le vote s’annonçait « historique » pour faire avancer la cause du climat. Il n’a pas trahi sa promesse. La journée du 8 juin au Parlement européen s’est soldée de façon complètement inattendue par un coup de théâtre et de tonnerre : une reculade politique.  

Les eurodéputés, réunis en séance plénière à Strasbourg, devaient se prononcer le 8 juin sur huit des 14 textes législatifs qui composent le paquet Fit for 55, feuille de route de la politique climatique européenne présentée en juillet 2021 par la Commission pour atteindre son objectif : réduire de 55 % par rapport à 1990 les émissions carbone au sein de l’UE et ainsi être dans les clous de l’Accord de Paris sur le climat : la neutralité carbone en 2050. 

Sur le corpus, outre l’intégration du transport maritime (et aérien) dans le système d’échanges communautaire européen (100 % des émissions en 2026), le transport maritime est concerné par d’autres propositions de Bruxelles : la révision de la directive sur la taxation de l'énergie, le règlement Afir sur les infrastructures des carburants alternatifs aux combustibles conventionnels, et le FuelUE maritime qui porte sur l’intensité énergétique des carburants.  

L’ensemble du paquet doit être avalisé par les eurodéputés d’une part et par le Conseil de l’Union européenne d’autre part. Il était prévu que les représentants des gouvernements des 27 États membres se penchent sur la proposition dans les semaines à venir. Une fois l’accord trouvé de part et d’autre, les deux parties devront encore s’entendre entre elles sur un texte final. Bruxelles ambitionne de conclure les négociations d’ici à la fin de l’année.  

Texte édulcoré et pas assez ambitieux

Soumis aux voix le 8 juin : la réforme du marché carbone (instauré en 2005) pour l’élargir à d’autres secteurs dont le transport maritime mais aussi la fin des quotas gratuits aux industriels, en échange d’une taxe carbone aux frontières de l’UE, [MACF pour mécanisme d'ajustement carbone aux frontières], qui prévoit d’appliquer le même prix du CO2 aux importations de biens produits hors UE. 

Contre toute attente, l’ensemble a été rejeté par 340 voix contre (265 pour, 34 abstentions) et renvoyée en commission pour être discutée à nouveau afin de trouver un compromis. En refusant de valider, les Verts et l’alliance progressistes des socialistes et démocrates se sont alignés sur la position de l’extrême droite. Motif avancé par les Verts et la gauche : « pas assez ambitieux ». « Coup de tonnerre ! La majorité doit revoir sa copie […] en raison de règles pas assez ambitieuses. Le climat n’attend pas », a tweeté immédiatement après le vote l’eurodéputée Karima Delli (Verts) 

Un amendement du texte, présenté par le PPE, exigeait un maintien jusqu’en 2034 des quotas gratuits dans l’UE pour préserver la compétitivité des entreprises… ce qui repoussait d’autant la mise en place complète de la taxe carbone aux frontières. La commission Environnement avait voté, elle, pour que le MACF s’applique en totalité dès 2030 (cinq ans plus tôt que ce que proposait la Commission) et que les quotas gratuits soient supprimés dès cette date. Ce sont ces amendements qui ont précipité le rejet des Verts et des socialistes, considérant que le texte initial a été trop édulcoré 

« Deux ans piétinés »

Renew Europe (centristes, dont La République en marche + Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe) et la droite (PPE, majoritaire au Parlement), ont réagi en dénonçant des jeux d’alliances politiques contre-nature, notamment de la gauche qui s’est retrouvée sur la même ligne de l’extrême droite. « Ils ont piétiné deux années de travail du Parlement européen et réduisent à néant l’ambition climatique de l’Europe », a réagi le député Pierre Karleskind. 

Le parlement européen s’était en effet mis d’accord en juillet 2020 sur les futures exigences environnementales de l'UE pour ce qui concerne le transport maritime. Plus récemment, en mai, la commission Environnement avait acté, à une large majorité, un certain nombre de points : la réforme du système d'échange de quotas d'émission de l'UE avec suppression progressive des « quotas gratuits » accordés à de nombreuses industries en avançant le calendrier initialement prévu de cinq ans, soit entre 2026 et 2030 et extension du système à d’autres comme le transport maritime. Ils avaient par ailleurs appelé à élargir le périmètre du MACF pour intégrer les produits chimiques, les plastiques, l'hydrogène, l'ammoniac… et à accélérer sa mise en œuvre dans le but d'empêcher la fuite de carbone. Enfin, les parlementaires avaient également approuvé par 68 voix contre 20 la création d’un fonds destiné à financer la transition énergétique du transport maritime.  

Retour à la case « compromis » 

Personne ne se hasarde à émettre un horizon pour la présentation d’un nouveau compromis. Hasard du calendrier, la tarification carbone du transport maritime est aussi l’ordre du jour de la 78e réunion du Comité de la protection du milieu marin (MEPC) de l'Organisation maritime internationale (OMI), qui se tient cette semaine. Il est question de la stratégie à mettre en œuvre pour réduire de moitié les émissions de carbone d'ici à 2050. Le MEPC sait aussi réserver des surprises par des retournements de dernière minute. Lors du MEPC77, la délégation française avait même justifié son revirement sur les objectifs de décarbonation qu’elle défendait pourtant âprement pour une « question d’efficacité ». 

Adeline Descamps

 

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