Alors que le processus de sa privatisation est enclenché, la presse sud-coréenne a fait état de l'intention de la plus grande compagnie maritime du pays et numéro huit du transport maritime de conteneurs avec un peu de 800 000 EVP de capacités de participer à la procédure d'appel d'offres pour un autre fleuron du pays, le transporteur de gaz, Hyundai LNG Shipping, évaluée à 344 M$.
La compagnie était dans le giron de HMM jusqu’en 2014, date à laquelle elle a été cédée à IMM Holdings pour faire face à une crise de liquidités. L’actuel propriétaire du transporteur de gaz a remis en mars sur le marché la société qu'il avait acquise pour 375 M$. Il a reçu dans un premier temps une vingtaine de soumissionnaires, liste réduite à quatre mais tous étrangers (États-Unis, Royaume-Uni, Danemark et Grèce).
13 % des importations du pays
Avec 5,23 Mt de GNL transportés sur le marché domestique, Hyundai LNG Shipping assure 13 % du volume d'importation annuel de 40 Mt avec ses 13 méthaniers. La société s'est lancée dans le transport de GPL en septembre 2020, un segment sur lequel elle possède six navires.
Au début de cette année, elle a pris livraison de trois VLGC (very large gas carrier) construits par Hyundai Samho Heavy Industries et deux autres sont attendus. La compagnie a par ailleurs lancé récemment les opérations de son premier souteur de GNL.
Hyundai LNG Shipping est engagé par des contrats d'affrètement à long terme avec le géant public malaisien du pétrole Petronas, qui va mobiliser six méthaniers d’une capacité de 174 000 m³, à livrer en 2024, et avec la compagnie pétrolière espagnole Repsol pour deux navires de même capacité, à réceptionner dans les mêmes temps.
En 2022, elle a enregistré un chiffre d'affaires consolidé de 398,1 milliards de wons (298 M$) et un bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement (Ebitda) de 36 M$.
Vendre mais « à un prix équitable »
La marque d’intérêt de HMM paraît tardive et surprenante compte tenu de son propre agenda. L’origine internationale des candidats n’y est sans doute pas étrangère. L’État sud-coréen est très sourcilleux sur ce point. En veut pour preuve que la privatisation de HMM n’a pas fait l’objet d’un appel d’offres international.
La Fédération des industries maritimes coréennes n’a pas caché, de son côté, son inquiétude quant à laisser cet actif, aux enjeux forts de sécurité énergétique, entre des mains étrangères.
Pourtant, les médias sud-coréens soutiennent que HMM aurait déjà cherché à acheter Hyundai LNG à la fin de l’année dernière mais aurait alors manqué de soutien. Les tractations ont, quoi qu’il en soit, achoppé sur le prix. C’est sans doute ce qu’il faut comprendre de la réaction de IMM alors que la procédure d'appel d'offres aurait été retardée pour permettre à HMM de soumettre une proposition. Le propriétaire a en effet indiqué ne pas être opposé à la vente de la société à des investisseurs coréens mais « à un prix équitable ».
11,5 Md$ d'investissement prévus sur cinq ans
Dans la présentation de sa stratégie quinquennale en juillet 2022, HMM a indiqué qu’elle allait investir 11,46 Md$ pour porter sa capacité à 1,2 MEVP et lui permettre d’acquérir 26 navires, ce qui portera sa flotte à 55 unités. La Sud-coréenne, qui exploite une flotte de 75 porte-conteneurs totalisant près de 820 000 EVP, a actuellement quelque 265 000 EVP en commande, soit 26 navires.
Un moment inopportun
Le moment n'est pas forcément bien choisi. L’armateur sud-coréen a annoncé un bénéfice net en chute libre de 91 % pour le premier trimestre par rapport à la même période de 2022, à 285 milliards de wons (213 M$), dans un contexte de marché en franche dégringolade. Ses revenus subissent la sanction, avec un plongeon de 62 %.
Les volumes transportés se sont contractés de 6,4 % tandis que le revenu moyen par EVP s’est littéralement détérioré, de 71,4 % par rapport à l'année précédente, au niveau très faible de 1 061 $ contre 3 714 $ il y a un an et 1 620 $ au quatrième trimestre 2022.
À l’instar de ZIM et de la plupart des compagnies asiatiques, le transporteur sud-coréen ressent plus sévèrement la conjoncture, en raison de son exposition au marché au comptant, où sont placées la plupart de ses capacités.
Des milliards d'aides publiques
HMM fait partie de ces compagnies qui ont largement bénéficié de la générosité publique. Sauvée de la banqueroute en 2016 par l’État sud-coréen à l’aide de banques publiques d’investissement quand la compagnie s’appelait encore Hyundai Merchant Marine, plus de 2,5 Md$ ont été injectés par l’intermédiaire d’émission de titres de créance.
La Korea Development Bank (KDB) et la Korea Ocean Business Corp. (KOBC), ses deux principaux actionnaires et créanciers, détiennent respectivement 20,69 et 19,96 %. Mais avec le National Pension Service et le Korea Credit Guarantee Fund, l’État sud-coréen est propriétaire à hauteur de 52 %.
La procédure de sa privatisation a été mis sur rail avec la désignation de la banque d'investissement Samsung Securities pour trouver un acquéreur. Le revenu net attribuable aux actionnaires a augmenté l'an dernier pour atteindre 106 M$ contre 42 M$ en 2021.
La KDB et la KOBC devraient céder 40,6 % du capital.
Adeline Descamps