CMA CGM contracte avec Suez pour produire 100 000 t de biométhane

Signature entre CMA CGM et SUEZ

Sabrina Soussan, PDG de Suez, et Rodolphe Saadé, de CMA CGM, lors de la signature le 18 octobre d'un procole d'accord visant à produire du biométhane pour les navires de la flotte de CMA CGM.

Crédit photo ©CMA CGM
Ayant adopté le GNL pour amorcer le renouvellement de sa flotte, le groupe CMA CGM peut accéder plus aisément au biogaz et à l'e-méthane. Le choix plus récent du méthanol lui ouvrira la voie de l'e-méthanol. Pour sécuriser son avitaillement futur, l'armateur n'en est pas à sa première incursion dans la production d’énergies. Après Engie et Titan, il se rapproche du groupe Suez.

Pionnier du GNL carburant, qui lui permet d’accéder à ses dérivés plus verts – le biométhane, biométhane et l'e-méthane –, client plus récent du méthanol qui lui ouvrira la voie du e-méthanol, le groupe CMA CGM a engagé, à ce stade, 18 Md$ dans la transition de sa flotte qui lui permettra d’aligner 131 navires d'ici 2028 (sur une flotte de 647 unités) dits bas carbone. À savoir configurés pour le biométhane, le biométhanol et les carburants de synthèse sans avoir à toucher à l'intégrité du moteur. Le petit bataillon doit lui permettre d'absorber les premiers chocs réglementaires.

Compte tenu des difficultés de l’accès aux molécules clés que tous les secteurs vont se disputer, du coût de production de ces nouveaux carburants qui persistera tant qu’une certaine volumétrie ne sera pas assurée, le groupe de transport maritime a investi la partie amont de la chaîne de valeur, à savoir la production d’énergie, pour amorcer la pompe au développement de la filière de production. Il est ainsi un partenaire d’Engie dans un projet au Havre de production de 11 000 t (en phase initiale) et de commercialisation de biométhane de deuxième génération [projet Salamandre, méthane de synthèse décarboné à 85 %n selon l’armateur], opérationnelle en 2027. Il s’est associé à Titan, fournisseur de GNL et de gaz liquéfiés, pour « sortir » entre 160 et 180 000 t de biométhane liquéfié d’ici 2026, ce qui pourrait par exemple approvisionner sept navires de 7 000 EVP au GNL pendant un an sur une route Europe/Antilles.

100 000 t de biométhane

Aujourd’hui, il se rapproche  de Suez. Les deux groupes ont signé le 18 octobre (mais révélé le 22) un accord pour produire jusqu’à 100 000 t par an de biogaz d'ici 2030. Le protocole prévoit par ailleurs la création d'une structure d'investissement commune. Le capital doté d’une première enveloppe de 100 M€ jusqu'en 2030 entend contribuer au déploiement, en Europe, de sites de production « multi-users » (pas exclusivement pour le seul CMA CGM). Il est aussi envisagé de la R&D commune orientée sur les procédés de production de biocarburants à l’instar de la gazéification hydrothermale par exemple.

Suez, qui s’est spécialisé dans la valorisation des déchets et l’économie circulaire, indique valoriser en énergie 5 Mt de déchets chaque année et avoir produit 382 GWh de biométhane en 2023. Il ne dit pas en revanche quelle est la part de déchets valorisés pour le secteur des transports.

Vingt-six projets industriels en France

Alors que le transport maritime doit remplacer 300 à 350 Mt de fuel lourd, la transition vers les e-fuels dans le secteur maritime est encore timide. Selon le Bureau des e-fuels, association de promotion de la filière, 61 navires ont été achetés ou ont fait l’objet d’un retrofit pour adopter une motorisation compatible avec ces nouvelles molécules, les plus matures étant le bio/e-méthanol et le bio/e-méthane et bio/e-GNL. Selon leurs données, CMA CGM aurait 44 navires déjà compatibles avec les e-fuels, soit une capacité de près de 570 000 EVP tandis que la flotte du transporteur allemand Hapag-Lloyd, n’en compte que cinq à ce stade totalisant 50 500 EVP (Maersk et MSC ne renseignent pas ce point).

Le Bureau des e-Fuels, a par ailleurs identifié 26 projets industriels en France, à divers stades d’avancement. Ensemble, ils représentent une capacité totale de production de 906 000 tonnes équivalent pétrole (ktep) dont 300 ktep déstinés au transport maritime (e-méthanol essentiellement). Si la France ne développe pas sa propre filière de production d’e-fuels, elle devra recourir massivement à l’import de e-molécules, alerte l'organisation professionnelle.

Des réglementations-aiguillons

Les réglementations opèrent tel un dopant. L'Organisation maritime internationale attend de l'industrie du transport maritime qu'elle « abatte » ses émissions de CO2 de 40 % d'ici à 2030. Les discussions sont entrées dans la phase dure à l'occasion du MEPC 82 : les États membres doivent dorénavant s’entendre sur les mesures économiques, fiscales et financières censées compenser les coûts des carburants verts par rapport aux énergies fossiles et planifier les investissements nécessaires au développement de l’infrastructure des nouveaux carburants.

L’Europe d’Ursula von der Leyen, qui a entamé son second mandat le 18 juillet dernier à la tête de la commission européenne, a émis des objectifs encore plus ambitieux avec son fameux paquet législatif « Fit for 55 », feuille de route climatique de l’UE qui trace la voie pour réduire les émissions nettes des gaz à effet de serre (GES) d’au moins 55 % par rapport aux niveaux de 1990 d’ici à 2030. Une des directives spécifiques au secteur, la FuelEU, impose l’intégration progressive de carburants durables à partir de 2025. Si, à la fin de l’année 2031, la part des énergies renouvelables dans les carburants marins est toujours inférieure à 1 % dans la consommation finale du secteur, une obligation de 2 % s’appliquera à partir de 2034.

Explosion du gaz renouvelable ?

Les projections de la filière du gaz tablent, elles, sur une croissance exponentielle de la production de gaz renouvelable. Alors que la capacité de production est aujourd'hui de 12,5 térawattheure (TWh), elle passerait à 60 TWh en 2030, puis 120 TWh en 2035. Conjuguée à une baisse de la consommation globale de gaz, cette progression du gaz vert, qui promet d'éliminer 80 % des GES par rapport au gaz naturel, selon le cabinet Carbone, porterait sa part dans la production totale de moins de 5 % aujourd'hui à 20 % en 2030, puis 40 voire 45 % en 2035.

Cette accélération s'expliquerait, selon la filière du gaz, par un effet retard du biométhane en raison d'un tarif réglementé d'achat longtemps trop bas (rehaussé depuis) et par la publication en juillet du décret réglementant les certificats de production de biogaz, un nouveau mécanisme de financement des projets.

La filière pousse aussi l'essor de modes de production, dont la pyrogazéification et la gazéification hydrothermale, dont le processus consiste à convertir, à haute température, de la biomasse sèche (pour le premier) et la biomasse humide (pour le second) par un processus à haute température) en gaz.

Adeline Descamps

 

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