Décarbonation ZIP de Fos-sur-Mer : une centaine de chefs d'entreprises invitent l'État à presser le pas

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Il y a urgence à sécuriser rapidement les 20 Md€ d'investissements accumulés par les 31 projets industriels annoncés sur la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer, deuxième site industriel le plus émetteur de gaz à effet de serre en France, selon le collectif « Provence, fabrique des possibles ». Leur inquiétude porte notamment sur l'approvisionnement en électricité, les projets cités nécessitant un doublement de la consommation actuelle.

Une centaine de chefs d'entreprises ont appelé la semaine dernière l'État à créer une « gouvernance spécifique » pour piloter la décarbonation de la zone industrialo-portuaire (ZIP) de Fos-sur-Mer, deuxième site industriel le plus émetteur de gaz à effet de serre en France avec 17 % des émissions industrielles (pétrochimie et sidérurgie), après Dunkerque. Les deux ZIP ont été les premières « zones industrielles bas carbone » du pays en début d'année 2023. Ces zones soutenues financièrement par l'État doivent favoriser le déploiement de technologies et infrastructures permettant une réindustrialisation verte.

Objet de l'interpellation : sécuriser rapidement les 20 Md€ d'investissements générés par les 31 projets industriels annoncés, porteurs potentiels de 10 000 emplois directs et « quatre fois plus d'emplois indirects », selon le collectif « Provence, fabrique des possibles ». L'association regroupe, sous l'égide d'organisations professionnelles, plusieurs des grands patrons emblématiques du pays, à l'instar de Luc Rémont, le PDG d'EDF, entreprise qui aura un grand rôle à jouer dans l'électrification à marche forcée de tout un pan de l'économie française, d'Éric Trappier (Dassault aviation) ou encore de Rodolphe Saadé, patron de CMA CGM.

Urgence à agir

Les promoteurs de l'initiative pressent le pas car « c'est maintenant qu'il faut investir ». Leur inquiétude porte notamment sur l'approvisionnement en électricité, les projets cités nécessitant un doublement de la consommation actuelle en terme de puissance.

Plus de la moitié de l'électricité de la planète sera d'origine bas carbone d'ici la fin de la décennie, assure un des derniers rapports de l'Agence internationale de l'énergie.
« Dans l'histoire de l'énergie, nous avons connu l'ère du charbon puis du pétrole, et nous entrons maintenant à grande vitesse dans celle de l'électricité, qui définira le système énergétique mondial à l'avenir et sera de plus en plus basée sur des sources d'électricité propres », introduit le directeur général de l'AIE Fatih Birol dans le rapport annuel de référence de l'organisation, World Energy Outlook 2024.

Avec l'énergie nucléaire, qui fait l'objet d'un regain d'intérêt dans de nombreux pays, les sources à faibles émissions, telles que l'éolien et le solaire, devraient produire plus de la moitié de l'électricité mondiale avant 2030 affirme l'AIE. L'agence de l'énergie de l'OCDE décrit aussi une soif d'électricité poussée par l'industrie, la mobilité électrique, les besoins de l'IA et des 11 000 data centers ainsi que la climatisation. La demande totale d'électricité, tous secteurs confondus, devrait augmenter d'environ 6.760 TWh d'ici à 2030 selon les scénarios basés sur les politiques actuelles.

Tensions sur l'offre

En provence, les tensions sur l'offre inquiètent. Le projet de ligne à très haute tension, qui doit contribuer à la décarbonation de la zone portuaire de Fos, est symptomatique des difficultés. Il doit reliant le Gard à Fos en traversant notamment une partie du parc naturel de Camargue suscite de fortes oppositions locales. Vingt-quatre associations locales, qui ont monté le collectif Stop THT 1330, sont à l'origine d'une pétition en ligne. Plusieurs manifestations ont déjà été organisées, la dernière en juin. La décarbonation de la ZIP n'est pas acceptable si elle menace de défigurer des paysages du sud de la France, soutiennent les opposants.

« Les porteurs de projet n'attendront pas, nous devons leur apporter rapidement des garanties, a indiqué Jean-Michel Diaz du Groupement maritime industriel de Fos lors d'une conférence de presse à Marseille. Il ne faut pas louper ce virage car la concurrence est européenne et mondiale pour attirer les nouveaux projets industriels ».

Demande d'une gouvernance unifiée

Pour piloter et coordonner tous ces projets, les promoteurs de l'initiative demandent la création d'une structure unifiée, au delà du commissaire délégué à la transition industrielle, écologique et énergétique de la zone Fos-Berre, récemment nommé.

« Cette gouvernance doit être portée par l'État et intégrer l'ensemble des acteurs de notre territoire, que ce soit industriels, collectivités, aménageurs » insiste Christine Baze, présidente d'Industries Méditerranée. 

700 hectares de projets industriels

Les projets dont il est question se déploie sur 700 ha de terrains du GPMM et autour de l'étang de Berre, à l'instar de Carbon, qui vise à construire une giga-usine de panneaux photovoltaïques, de H2V, qui envisage la construction en deux phases de six unités de production d'hydrogène par électrolyse de l'eau, pour une capacité totale de 600 MW et 84 000 t d'hydrogène bas carbone par an. L'hydrogène produit doit être destiné aux industriels de la ZIP et servir à fabriquer des carburants pour les transports maritime (dont le méthanol) et aérien (SAF). La première phase du projet comprendra notamment une unité de production de méthanol de synthèse, destiné prioritairement au secteur maritime, avec une capacité de 130 à 140 000 t/an. Sa mise en service est prévue pour 2028, et la seconde en 2030. Le port est en outre entré au capital de la société.

Le projet Deos, dont la concertation publique vient d'être lancée, ambitonne de positionner le port de Marseille en tant que hub éolien flottant en Méditerranée, assurant de la fabrication des flotteurs jusqu'au démantèlement des éoliennes, en passant par l'assemblage et la maintenance lourde.

GravitHy, qui prévoit la construction d'une usine de production de fer pré-réduit bas carbone, dit acier vert (2 Mt), en utilisant de l'hydrogène obtenu par électrolyse de l'eau sur site, est en cours. L'installation, dont l'investissement global s'élèverait à 2,2 Md€, vise une mise en service en 2027.

La décarbonation de l'acier en question

Dans un rapport 89 pages, France Stratégie vient de lancer un pavé dans la marre en soutenant que la décarbonation de la fabrication de l'acier par l'utilisation de l'hydrogène n'est pas envisageable à l'horizon 2030-35 en Europe, en raison notamment de coûts trop élevés de l'électricité.

Selon l'organisme de conseil placé auprès du Premier ministre, il faudrait que l'hydrogène décarboné produit à partir d'électrolyse (eau et électricité) ait un prix inférieur à 2,6 €par kilo  pour que le recours à l'hydrogène soit compétitif dans le processus de fabrication de l'acier.

Pour mémoire, l'acier, ingrédient essentiel à la construction automobile et au BTP, est responsable à lui seul de 9 à 10% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Les sidérurgistes, comme ArcelorMittal en France, ont reçu des aides publiques massives pour opérer leur virage vert. En France, la sidérurgie émet environ 20 Mt de CO2 par an, soit près de 25 % des émissions de l'industrie et 5 % des émissions du pays.

Recours au gaz en première intention

Selon France Stratégie, la décarbonation pourrait passer par le recours au gaz en phase initiale (en remplacement du charbon). Pour aller vers une décarbonation plus profonde à l'horizon 2030-35, le captage et le stockage du CO2 et l'électrodéposition, une technique d'électrolyse du fer, « ressortent comme les voies les moins coûteuses », peut-on lire.

Adeline Descamps (avec citations de l'AFP pour les personnes interrogées)

 

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