Un chargeur décide toujours sur 1 conteneur, 1 délai, 1 coût

Article réservé aux abonnés

Crédit photo Henry Tornow
Les schémas de transport de Contargo sur le Rhin supérieur répondent à une unité de temps et de remplissage pour un prix de revient acceptable pour le client. Sommaire du dossier :

En tant qu’opérateur de transport combiné, considéré a priori comme prestataire de services, Contargo se voit plutôt comme un producteur, un assembleur, un industriel du transport dont le but est de livrer à ses clients un produit fini, à savoir un transport combiné. « Pour cela, Contargo dispose de trains, de bateaux, de terminaux multimodaux et également d’ensembles routiers qui constituent la capacité de transport que nous mettons à la disposition de nos clients, explique Jean-Marc Sabetta, directeur de Contargo SARL. Notre approche économique part d’un principe simple bien connu, celui de l’économie d’échelle. En clair, par l’optimisation du remplissage, voire la saturation de nos moyens de transport, on cherche à obtenir le coût unitaire le plus bas possible. Dans notre activité, cela consiste à atteindre le meilleur coût de production à l’EVP, afin de pouvoir se positionner par rapport au prix de marché ».

Historiquement, tous les modes de transport liés au conteneur ont toujours été en compétition entre eux. Le conteneur maritime étant standardisé, représentant à la fois le contenant et le contenu, le rôle du vecteur de transport intérieur se limite strictement à l’acheminement de celui-ci. Face à un trajet routier direct, le transport combiné est, par définition, constitué de l’addition de plusieurs modes avec les ruptures de charge qui le caractérisent, et les coûts qui en résultent. « Nos clients sont dans une démarche de benchmark permanent afin de toujours trouver le mode le mieux adapté au prix le plus bas en fonction de leurs besoins ». Compte tenu des conditions techniques et économiques actuelles du marché rhénan, il est très difficile de mettre en place un service permettant de réaliser, par porte-conteneurs rhénans, un schéma de transport avec escale unique, c’est-à-dire reliant un seul terminal de départ à un seul terminal d’arrivée garantissant, avec un remplissage suffisant, un coût unitaire à l’EVP économiquement acceptable. De ce fait, Contargo a découpé le Rhin en secteurs, comme d’ailleurs les compagnies maritimes l’ont fait en créant des « ranges » maritimes.

Très concrètement, Contargo a mis en place sur le Rhin supérieur un service reliant du sud au nord les terminaux de Bâle, Weil-am-Rhein, Ottmarsheim et Strasbourg, permettant d’effectuer ces escales sur un jour et demi voire deux jours, c’est-à-dire un temps court, tout en garantissant un remplissage maximum dans un délai de transport acceptable pour les clients pour atteindre les ports de mer. Un bateau rhénan à l’export quittera le terminal de Contargo Bâle le vendredi après-midi, effectuera son escale à Strasbourg le samedi et sera au port de mer dès le lundi soir. « Les prestations fluviales offrent ainsi une réelle souplesse avec des escales dans différents ports intérieurs en un temps restreint ». Cela permet de collecter le maximum de conteneurs pour optimiser le remplissage de la barge dans une échelle de temps relativement courte. Un conteneur qui n’aura pas pu embarquer à Ottmarsheim pourra éventuellement être remplacé par un conteneur qui sera chargé à l’escale suivante, en tenant compte de quelques contraintes techniques.

« Nous avons essayé de bâtir des schémas de transport qui répondent à une unité de temps et de remplissage pour un prix de revient acceptable pour le client », poursuit Jean-Marc Sabetta qui constate : « Toute décision d’un chargeur ou d’un donneur d’ordres se fonde toujours sur 1 conteneur, 1 délai, 1 coût. Parmi les critères d’achat, on peut considérer que les préoccupations environnementales restent marginales, même si la prise de conscience est désormais réelle ». Le transport intérieur de conteneurs n’est qu’un maillon de la grande chaîne du transport maritime qui lui-même constitue un maillon essentiel du processus de mondialisation. « Dans ce contexte hyperconcurrentiel, il faut se rendre à l’évidence : le critère de décision prépondérant reste le prix ».

Rationaliser les services fluviaux

Avec l’afflux d’unités fluviales, en provenance du bassin rhénan, des canaux du Nord de la France et du réseau fluvial très dense au Benelux, les terminaux maritimes sont très fortement sollicités. Les services de transport, notamment par voie fluviale, se sont multipliés de manière importante au cours de ces dernières années. « Cela a un effet très bénéfique pour les clients en termes de diversité d’offres de service et de tarifs, mais l’augmentation des volumes a aussi engendré un émiettement de ces derniers ».

Les navires porte-conteneurs ont vu leur capacité d’emport être multipliée par 8 en trente ans (selon le type de navire retenu). En comparaison, le gabarit des unités fluviales, compte tenu des contraintes de navigation, n’a pas changé durant la même période. L’accroissement de la capacité de transport par voie fluviale a été réalisé pour l’essentiel par l’augmentation du nombre d’unités navigantes. Il en va de même pour le transport ferroviaire. Parallèlement, l’essor de la taille des navires, les rachats et fusions successifs des compagnies maritimes ont provoqué une concentration des opérations sur un nombre plus restreint de terminaux maritimes dont les performances ont augmenté sensiblement. « L’investissement dans de nouveaux équipements associés à une technologie de plus en plus pointue n’ont toutefois pas permis d’éviter le phénomène de congestion portuaire auquel nous sommes confrontés dans certains ports ».

Cette situation a conduit le port d’Anvers à mettre en place le principe de la « minimum call size » sur les principaux terminaux à conteneurs depuis l’automne 2018. En pratique, cela signifie que toute unité fluviale souhaitant effectuer une escale sur l’un de ces terminaux doit justifier de 30 mouvements entrée-sortie, par exemple, déposer 15 conteneurs à l’export et en reprendre 15 à l’import. « Le nombre peut sembler modeste mais illustre bien l’éclatement des volumes sur un très voire un trop grand nombre d’unités fluviales ». Si ce volume n’est pas atteint pour accéder au terminal choisi, l’opérateur fluvial devra faire transiter les conteneurs via un hub où ils seront regroupés pour atteindre la « masse critique » avant d’être acheminé vers le terminal prévu à l’origine. « Cela a pour conséquence d’augmenter le coût du transport, pris en charge par la communauté portuaire anversoise, ce qui tend à masquer la réalité des coûts et à rallonger la durée du transport, ce qui dégrade quelque peu l’image du transport fluvial qui est déjà plus lent par nature », souligne Jean-Marc Sabetta. Il estime qu’il « sera difficile de pérenniser ce système dans sa forme actuelle, car l’absorption des coûts comme tout principe de subvention connaîtra tôt ou tard un terme. D’autre part, si la marchandise doit supporter les coûts supplémentaires générés par les manutentions et le transport additionnel, elle risque de se détourner de la voie fluviale ».

Le système présente toutefois une vertu, « celle de faire prendre conscience aux opérateurs rhénans que poursuivre sur cette voie de la multiplication des services et des unités fluviales sur un même secteur va leur être préjudiciable. En effet, les deux éléments clés déjà évoqués que sont le temps et le remplissage deviennent de plus en plus difficiles à conjuguer sur le Rhin supérieur. Le temps est venu pour conduire une réflexion quant à la rationalisation des services fluviaux ». Comme dans le transport maritime, des regroupements de service devront être envisagés sous diverses formes.

Au-delà de la situation dans les ports maritimes, les conditions de rentabilité des services fluviaux et ferroviaires restent tributaires du remplissage et du temps. Le remplissage de la barge ou du train doit être optimisé dans une échelle de temps maitrisée et en flux aller-retour. La régularité amène la performance et tout aléa tel que les problèmes d’hydraulicité sur le Rhin ou d’interruption du service ferroviaire ont pour effet de détériorer la qualité du service rendu et d’en augmenter le coût. À court terme, il n’y a pas d’économie d’échelle comparable à celle qui s’est produite dans le transport maritime de conteneurs à attendre sur le fleuve, sur le rail ou sur la route.

Sur les terminaux, l’automatisation et la digitalisation des tâches auront vraisemblablement un effet économique plus tangible. Le temps des camions sans chauffeur, des trains sans conducteur et de bateaux sans capitaine n’est pas encore venu. Dans une étude récente à propos de la blockchain, un des plus grands armateurs mondiaux associé à une grande firme informatique de la planète a indiqué avoir recensé pas moins de 28 protagonistes intervenant dans une chaîne de transport conteneurisé maritime de porte à porte. Les plus grands gains de productivité et donc de rentabilité seront réalisés dans le traitement et l’acheminement des informations plutôt que ceux des marchandises.


Pour les services ferroviaires, la construction des prix est similaire à celle du transport fluvial. Les liaisons ferroviaires ont été élaborées au départ de Bâle et Weil-am-Rhein pour ce qui concerne le Rhin supérieur. Les critères de calcul sont toujours fondés sur un remplissage optimisé des trains en y agrégeant les coûts annexes. Une fois le coût unitaire établi, ce dernier doit correspondre au prix du marché. Il faut prendre en compte le type de train disponible et opérable sur le secteur concerné, le remplissage atteignable (88 à 90 EVP par train) en fonction du tonnage total qui peut être tracté.

Chez Contargo, sur le secteur du Rhin supérieur, les trains fonctionnent en relation A-B. Le point A étant le port intérieur et le point B étant le port maritime. Dans ce dernier, la situation n’est souvent pas comparable au système rhénan. « Si le terminal intérieur de départ reste unique pour le mode ferroviaire, les volumes transportés depuis notre région ne permettent pas de desservir un seul et unique terminal au port maritime ». Ainsi, à la grande différence des services fluviaux où les barges assurent de multiples escales sur les différents terminaux portuaires, les trains n’arrivent en général qu’à un seul terminal. Une fois celui-ci atteint, un certain nombre de conteneurs y sont effectivement destinés. Cependant, bon nombre d’autres conteneurs devront être réacheminés sur des terminaux maritimes voisins. Cette opération de distribution intra-portuaire, dite « shunting », peut être effectuée par tous moyens, aussi bien ferroviaires, fluviaux que routiers. « Contargo a mis une place une tarification spécifique pour certains terminaux maritimes. Ceci est bien entendu précisé dans nos offres de prix ».

Boutique