- UENF et OEB : mieux faire entendre la voix des opérateurs fluviaux en Europe
- La navigation intérieure doit sortir de l’ombre et du silence
- SNTC-Carline, une chaîne logistique équilibrée entre 3 modes
- Valoriser la rupture de charge
- Une stratégie volontariste en faveur du report modal
- Flexiloire : 5 ans pour atteindre la rentabilité
- Amener les clients à des solutions performantes
- Adaptation et réactivité sont nécessaires
- Un chargeur décide toujours sur 1 conteneur, 1 délai, 1 coût
- (Re)payer la route à son juste prix
- Le transport combiné rail-route, une solution d’avenir
- Être à l’écoute du client
Quelle stratégie commerciale et opérationnelle doit accompagner la démarche plus « politique » de l’European Inland Waterway Transport Platform (IWT Platform) et permettre aux opérateur fluviaux de renforcer leur compétitivité et d’améliorer leur rentabilité ?
« Il faut sortir des sentiers battus et développer de nouvelles initiatives », répond Christiaan Van Lancker, président de l’Organisation européenne des bateliers (EBU/ISO). Une des difficultés réside à ses yeux dans le fait que le secteur n’est que très rarement – pour ne pas dire jamais ? – aux commandes quand il s’agit de prendre l’initiative en termes de multimodalité. Cela s’explique en partie, selon lui, par le fait qu’il reste bon nombre d’artisans bateliers en activité qui ont appris le métier sur le tas et, aussi professionnels soient-ils, n’ont pas bénéficié d’une formation qui les aiderait à élargir leurs horizons.
D’une manière plus générale, il estime que la navigation intérieure laisse passer trop d’occasions de s’inscrire de façon plus volontariste dans les chaînes logistiques, d’autant que les intermédiaires « ne jouent pas leur rôle dans ce domaine ». Une évolution se dessine pourtant, affirme Christiaan Van Lancker. Il voit un nombre croissant d’opérateurs fluviaux qui franchissent le pas en nouant des contacts directs avec les chargeurs. Les coopératives constituent pour cela un levier parfois utile.
Elles donnent aux bateliers la masse critique requise pour mieux parler d’égal à égal avec leurs clients. Elles permettent, en outre, de mettre en œuvre une diversification hors de portée pour des opérateurs individuels, en variant les tonnages de la cale, en augmentant le rayon d’action des opérateurs affiliés… Le président de l’OEB cite, à ce propos, les exemples de General Bulk pour les vracs secs et de CITBO pour la cale citernière à Anvers, qui aident les professionnels à mieux exploiter leur potentiel et ainsi à améliorer leur rentabilité. Celle-ci étant souvent très aléatoire pour les bateaux de petite taille.
Systèmes de travail plus régulier
L’attractivité du secteur pour des jeunes désireux de mener une vie sociale et familiale plus « normale » constitue pour Christiaan Van Lancker un enjeu capital pour les années à venir. Dans ce domaine, la réponse est surtout à rechercher dans la mise en place de systèmes de travail plus régulier, comme ceux que connaissent déjà souvent la navigation citernière et le transport de conteneurs. Du côté des cargaisons sèches, il reste du chemin à faire, estime Christiaan Van Lancker.
Un autre élément important consiste à « sortir du défaitisme qui subsiste parfois encore », ajoute-t-il comme pour souligner que l’European Inland Waterway Transport Platform marque aussi un tournant psychologique.
Paul Goris, président de l’Union européenne de la navigation fluviale (UENF/EBU), constate de son côté que dans le segment intermodal, la navigation intérieure parvient à tirer son épingle du jeu. « On y est habitué à une approche plus trimodale et davantage axée sur le report modal. On y raisonne davantage en termes de supply-chain, alors que beaucoup de bateliers pensent toujours d’abord en termes nautiques ».
Paul Goris est partisan d’une plus grande alliance entre les deux modes massifiés que sont la navigation intérieure et le ferroviaire. « Ces deux secteurs doivent coopérer pour provoquer un transfert modal depuis la route. Quand il y a eu l’accident de Rastatt, la navigation intérieure a pris le relais du rail. Lors de la chute du niveau de l’eau sur le Rhin à cause d’un long et exceptionnelle épisode de basses eaux, c’est l’inverse qui s’est produit ».
Paul Goris et Christiaan Van Lancker sont d’accord pour dire que des infrastructures nouvelles peuvent contribuer à changer la donne sur le marché. Ils appellent de leurs vœux la réalisation de Seine-Nord Europe et de la liaison entre le bassin de la Seine et celui de l’Escaut. Là aussi, de nouveaux horizons vont s’ouvrir. « Nous avons toujours été focalisés sur le Rhin, mais la concurrence y est acharnée ». Il y a du potentiel pour la navigation intérieure et les opérateurs fluviaux sur les autres voies d’eau européennes.
Créativité et sur-mesure
Gunther Jaegers, managing director de Chemgas Shipping et ancien président de l’UENF, se garde de généraliser. « Chaque secteur est différent », souligne-t-il. Il rejoint toutefois Christiaan Van Lancker dans son analyse concernant le secteur de la cargaison sèche. « Celui-ci est trop fragmenté et peine à offrir des services intégrés. C’est une situation qui ne changera pas à court terme, mais où des associations ou des coopératives peuvent aider à formuler une réponse à une demande ».
Il fournit aussi une analyse plus globale à partir de son expérience dans sa propre entreprise : « Il faut faire preuve de créativité. Nous avons, par exemple, fait construire deux bateaux spéciaux pour le transport d’un produit très particulier destiné à l’industrie de l’aluminium.