(Re)payer la route à son juste prix

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Pour redynamiser les modes fluvial et ferroviaire, il faudrait que le transport routier de marchandises soit payé à sa juste valeur. Autre option : les marchés de niche en lien avec la logistique urbaine des chantiers et les colis exceptionnels. Sommaire du dossier :

La navigation fluviale sur le Rhin n’est jamais à l’abri d’épisode de basses ou de hautes eaux. L’année 2018 l’a de nouveau montré avec acuité. Les acteurs de la navigation rhénane ne peuvent qu’espérer que certains flux ne vont pas se réorienter de manière durable vers le ferroviaire ou le transport routier de marchandises (TRM). La solution envisagée par un groupe comme Rubis est, par exemple, d’expérimenter le transport ferroviaire par wagon-citerne pour l’approvisionnement de son site à Strasbourg jusqu’à présent majoritairement alimenté par la voie d’eau.

Si l’on remonte dans le temps et si l’on raisonne sur des produits et marchandises hors conteneurs, il y a eu à Strasbourg un transport de palettes de bières par des péniches jusqu’à Gennevilliers. Il y avait un pré-acheminement très court entre l’usine et le port autonome où les palettes étaient chargées sur péniche avant de gagner la région parisienne en une semaine de temps. A Gennevillers, le post-acheminement était réalisé en camion pour les livraisons à la grande distribution, restaurants, etc.

« C’était une adéquation parfaite pour la voie d’eau pour du transport de produits alimentaires, non pondéreux, rappelle Arsène Dahl, dirigeant de la filiale alsacienne de Rhenus Logistics. Cette liaison a été stoppée quand la tarification routière obligatoire a été supprimée en 1988. Les prix du TRM pour un trajet Strasbourg-Paris sont devenus trop peu cher par rapport à ce que pouvait proposer la voie d’eau ». Le mode fluvial et la rentabilité des services qui peuvent être mis en place dépendent donc de la capacité à être compétitif par rapport au TRM hier comme aujourd’hui.

« Le raisonnement économique d’une telle solution serait tout à fait pertinent aujourd’hui, explique Arsène Dahl, mais il faudrait repayer le TRM à sa juste valeur, ce qui permettrait aux transports fluvial et ferroviaire de retrouver un dynamisme. Ce qui serait aussi au bénéfice des entreprises du TRM elles-mêmes ». Si demain, le coût du TRM progressait de 15 à 20 %, ce dont ont besoin les transporteurs routiers, la voie d’eau et le ferroviaire retrouveraient un intérêt économique. « Le TRM est de moins en moins bien accepté. Il y a une reconnaissance de ses effets nocifs en matière de pollution. Peut-être, allons-nous vers des évolutions ».

Concernant le ferroviaire, si une ou des évolutions entraînait une augmentation des trafics, encore faudrait-il un réseau capable d’absorber un essor de la demande en termes aussi de sillons, matériels, d’adaptation des infrastructures.

Concernant le fluvial et des solutions de transports possiblement rentables économiquement, il existe des trafics de niches. En Alsace, avec un industriel installé à Saverne, à une trentaine de kilomètres de Strasbourg, il y a un trafic fluvial aller-retour de conteneurs transportés par péniche. Il y a ponctuellement des trafics pour des chantiers, par exemple, à Strasbourg, pour l’approvisionnement de pavés pour les travaux réalisés au quai des pêcheurs. Ces pavés ont été transportés sur palettes par une péniche Freycinet de 38,5 m. Deux voyages ont été réalisés, au retour pour le deuxième, les palettes vides ont constitué le flux retour. Cette expérimentation a nécessité une organisation logistique adaptée du point de départ (pas de quai à proximité) au point d’arrivée ; la navigation a été particulièrement technique sur le Rhin en centre-ville de Strasbourg. Cette alternative fluviale a été plus onéreuse qu’un transport par la route.

Comme marché de niche pour le transport fluvial, il y a aussi les colis exceptionnels. Rhénus Logistics Alsace, en partenariat avec un industriel, vient d’ailleurs de se lancer sur cette filière avec Fortitudo, une barge spécialement conçue pour transporter des colis lourds sur les canaux à petit gabarit en France mais aussi sur les axes transfrontaliers avec l’Allemagne, la Suisse et d’autres pays européens. Elle a effectué son premier voyage entre Calais et Strasbourg mi-janvier 2019 en transportant un alternateur de 150 tonnes et une turbine de 38 tonnes sans aucune rupture de charge.

Répondre aux besoins des industriels

Adaptée à la navigation sur les canaux Freycinet, la barge Fortitudo a une longueur hors tout de 39,15 mètres et une largeur de 5,05 mètres. La cale mesure 25 mètres sur 4,60 mètres et peut transporter des colis pesant jusqu’à 310 tonnes à 1,90 mètre d’enfoncement. Celui-ci apparaît inférieur à celui d’une péniche Freycinet qui enfonce à 2,30 mètres, soit un gain de 50 cm pour Fortitudo.

La barge dispose de son propre moteur et est ainsi autonome pour le passage des écluses. Si besoin, la navigation peut aussi se faire avec l’aide d’un pousseur. Elle a été construite en 2018 dans un chantier français situé en Normandie.

Les équipes de Rhenus Project Logistics à Strasbourg ont participé à la conception innovante de cette barge pour le moment unique sur le marché. La barge est ainsi affrétée en time charter sur le long terme par Rhenus Logistics. Son port d’attache est Strasbourg.

Cette barge spécialement conçue permet notamment de desservir directement Anvers ou Rotterdam en empruntant le réseau à petit gabarit sans rupture de charge. Il n’est plus nécessaire de recourir à un automoteur chargé spécialement qui, jusqu’à présent, devait descendre jusqu’à Sète où un navire fluvio-maritime ou de mer prenait en charge le colis exceptionnel et, en passant par Gibraltar, l’amenait à Anvers. D’où il repartait pour sa destination finale.

Avec Fortitudo, dans le même délai, le colis exceptionnel arrive par les canaux à Anvers ou Rotterdam où il est chargé directement sur un navire et exporter vers sa destination finale à l’international. Sachant que le barge peut transporter tous les types de colis lourd et exceptionnel pour les secteurs de l’industrie, de l’énergie ou du BTP.

Pour Rhénus Logistics, « la conception de cette barge répond à un réel besoin des industriels situés à proximité des canaux à petit gabarit et souhaitant une solution de transport intermodal incluant la voie d’eau pour le transport de colis exceptionnel ou charge indivisible ». Arsène Dahl ajoute : « Depuis plusieurs années, nous réfléchissions à une solution pour simplifier le transport de colis lourds. Nous avons fini par trouver le partenaire qu’il nous fallait pour partage les risques. Nous sommes deux entreprises qui croient aux besoins du marché, qui cherchons à y répondre en partageant les gains et les risques. C’est une association d’opportunité entre professionnels ».

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