Chaque navire neuf et existant devra se conformer à des règles spécifiques d’efficacité énergétique dès la conception. Est-ce qu’il est possible d’établir un lien entre la pluie de commandes de navires de grande taille et les nouvelles normes de l’OMI ? Alphaliner répond partiellement.
Au quatrième trimestre de 2020, l'équivalent de 1 MEVP a été commandé tandis que le premier trimestre 2021 a déjà atteint 1,22 MEVP. En dépit de l’extrême volatilité du marché du conteneur, la confiance semble restaurée. Les exploitants et propriétaires de porte-conteneurs se sont remis à commander massivement. Ils s’y étaient pourtant refusés ces derniers temps mais les digues ont sauté dès le quatrième trimestre. Les comptes d’exploitations remis d’équerre par des taux de fret au plus haut et les prix des constructions neuves tirées vers le bas par la concurrence intense ont restauré les appétits.
Commandes inégales selon les segments
Autre signe de la confiance des investisseurs, ce sont surtout les propriétaires et non exploitants qui se sont distingués par leur annonces avec 35 unités commandées au total. Tous les segments de marché n’en profitent cependant pas de manière égale. La catégorie des 6 000 à 10 000 EVP est à peine réalimentée, tandis que les grandes unités vont nourrir le marché en cascade entre 2022 et 2024. Les commandes des mastodontes ont été signés par Hapag-Lloyd (six de 23 500 EVP), Evergreen (20 unités) et OOCL (7 de 23 000 EVP).
Ces deux derniers trimestres, 29 mégamax (dont six à propulsion GNL), 60 néo panamax (12 000 à 13 000 EVP) et 21 de 15 000 à 16 000 EVP (avec les 9 unités de Wan Hai) ont régalé les constructeurs chinois Yangzijiang (25 commandes) et Samsung (19). Plus le navire est grand, plus il accueille une propulsion bicarburant. Ainsi, au-delà du plafond de verre des 15 à 16 000 EVP, le GNL apparaît dans un quart des commandes. Au cours des deux derniers trimestres, 60 unités de cette classe ont été ajoutées au pipeline, sachant que leur prix est supérieur de 15 M$ dans cette catégorie, entre 138 et 140 M$.
Conteneurs : plus de retenue dans les commandes
Cap sur l’efficacité énergétique
Dans ce panorama, l'EEDI et l'EEXI – ces indicateurs d’efficacité énergétique imposés par l’OMI – peuvent avoir influencé d’une manière quelconque le boom des commandes des navires de grande taille ?
Pour rappel, l’EEDI, indice de conception d'efficacité énergétique, est obligatoire pour les nouveaux navires depuis 2013. Les règles actuelles exigent qu’ils soient construits et conçus pour être plus efficaces sur le plan énergétique qu'une base de référence. L’EEXI (Energy Efficiency Design Index), qui s'inspire du premier, a été approuvé en octobre à l’occasion de la session intertechnique de l’OMI sur les mesures techniques et opérationnelles à mettre en oeuvre pour garantir une réduction de 40 % de l'intensité de carbone d'ici 2030.
Dans le cadre des mesures révisées, plus strictes, chaque navire (neuf et existant) devra se conformer à des critères spécifiques d'efficacité énergétique (EEXI) calculés par unité et par rapport à un niveau de référence. En d'autres termes, les nouvelles constructions et les navires existants devront devenir plus efficaces sur le plan énergétique sur la base d'un rendement par tonne-km.
À la question d’un lien possible entre grands navires et nouvelles règles de l’OMI, Alphaliner répond par l’affirmative. « Les transporteurs et les propriétaires ne semblent pas du tout désireux de rajeunir la flotte vieillissante des navires de 8 000 EVP en les remplaçant un par un. Les exigences de l'OMI visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre du transport maritime pourraient avoir joué un rôle. »
OMI : les débats sur l'avenir décarboné toujours douloureux
Penalités fiscales
Avec ces nouveaux indicateurs, estime le spécialiste de la ligne régulière, l’organisation de réglementation du transport maritime pousse les États membres et les ports à mettre en oeuvre des mesures d’incitations récompensant les navires ayant un bon rendement énergétique par le levier de la fiscalité, tandis qu’il est aussi question de pénaliser les moins efficients sur un plan énergétique via des droits et de taxes plus élevées.
Dans le segment du porte-conteneurs, « l'augmentation de la capacité des navires est le moyen le plus simple de réduire la consommation d'énergie par unité, c'est-à-dire par boîte transportée. Ils sont tout simplement plus économes en carburant, à condition qu'ils puissent être remplis de manière adéquate. Les gains d'efficacité résultant de l'augmentation de la taille des navires ne sont peut-être pas très importants dans le segment supérieur du marché mais ils sont considérables dans le segment de taille moyenne », explique le consultant. Bon nombre des navires de 12 000 et 15 000 EVP commandés aujourd'hui prendront tôt ou tard la place des unités de 8 000 EVP grâce à une combinaison de croissance des volumes et de consolidation des services ». Ceci censé expliquer cela.
Adeline Descamps