Après avoir évoqué l’éventualité en début d’année, mise en sommeil ensuite et enfin avoir reconnu en septembre avoir consulté plusieurs chantiers navals, l’armateur allemand se fixe. Il passe commande au chantier naval sud-coréen DSME de six porte-conteneurs de 23 500 EVP hybrides avec GNL.
D’hésitations en tergiversations, Hapag-Lloyd a finalement élu domicile dans un équilibre plus stable. Celui de la confiance dans son marché. Il vient de commander six mégamax de 23 500 EVP dual fuel (LSFO) avec le GNL au constructeur sud-coréen DSME. La livraison des premières unités est fixée à avril 2023 et elle s’échelonnera jusqu’à décembre. Hapag-Lloyd y investit 1 Md$ suivant un montage financier qui serait ficelé mais non précisé. Les navires seront déployés sur les lignes entre Europe et Asie (services FE) dans le cadre de THE Alliance (Hapag-Lloyd, One, HMM, Yang Ming). « Grâce à cet investissement, nous pourrons non seulement réduire les coûts des slots et améliorer notre compétitivité sur le trade Europe-Asie, mais aussi faire un grand pas en avant dans le verdissement de notre flotte », indique Rolf Habben Jansen, PDG de Hapag-Lloyd, dans un communiqué.
Un épisode d’un an
Le 5e transporteur maritime mondial de conteneurs met ainsi un terme à un épisode qui aura duré un an. Dès le mois de février, les constructeurs sud-coréens Hyundai Heavy Industries (HHI), DSME et Samsung Heavy Industries (SHI) ainsi que les Chinois Hudong-Zhonghua Shipbuilding et Dalian Shipbuilding Industry avaient été consultés par Hapag-Lloyd mais aussi par One pour chacun six unités de 23 000 EVP. Mais très rapidement, refroidi par la crise sanitaire, l’armateur allemand a mis cet investissement en suspens alors que s’effondrait la demande de transport par conteneurs. « Nous aurons besoin de grands navires tôt ou tard, mais personne ne doit s'attendre à une telle commande dans les semaines à venir », tranche alors Rolf Habben Jansen.
En septembre, la compagnie allemande, qui n’avait alors aucun navire en commande, confirme à nouveau avoir consulté plusieurs chantiers navals en vue d’acquérir de grands porte-conteneurs. « Aucune décision n'a cependant été prise pour commander des navires et la décision n'est pas non plus imminente », dilue néanmoins l’entreprise, qui ne souhaite pas faire de commentaires sur le nombre de navires ni sur le type de carburant choisi.
La conversion du Sajir au GNL a démarré
Convictions sur le GNL ?
Jusqu’à présent, le transporteur a été plutôt prudent sur ses convictions quant au carburant GNL. Il n’avait jamais affiché un réel engouement, préconisant plutôt un mix énergétique, en panachant des scrubbers (donc avec du fuel à 3,5 % de teneur en soufre), du LSFO (moins de 0,5 % de soufre) et éventuellement du GNL. Fin 2018, il estimait que « le GNL pourrait être la solution carburant à moyen terme ». La sémantique est importante : Hapag Lloyd évoque un carburant de substitution et non de transition, objet d’un débat d’experts aujourd’hui.
Jusqu’alors, la compagnie a opté pour la conversion au GNL du seul Sajir, porte-conteneurs de 15 000 EVP, hérité de la flotte de United Arab Shipping Company (UASC) acquise en mai 2017. Le porte-conteneur est arrivé fin août sur le chantier de Shanghai du constructeur Hudong Zhonghua Shipbuilding pour les travaux de rétrofit comprenant l'installation d'un réservoir de GNL GTT de 6 500 m3.
Le navire, construit en 2014 par le sud-coréen Hyundai Heavy à Ulsan, avait été pensé en « LNG ready ». Le calendrier a été légèrement perturbé par la crise sanitaire mais la fin des travaux est imminente. Le moteur MAN existant, qui brûle du fuel lourd, est reconfiguré pour être hybride, alimenté en GNL avec le fuel à faible teneur en soufre en carburant d’appoint. Le Sajir a, dès le début, été considéré comme un pilote, ouvrant la voie à 16 autres unités de UASC si et seulement si « le premier essai était concluant ». Comprendre : en fonction du retour opérationnel et compte tenu du coût élevé de la conversion, estimé entre « 25 et 30 M$ par navire ».
« En convertissant le Sajir, nous serons la première compagnie maritime au monde à convertir un porte-conteneurs de cette taille à la propulsion au GNL », avait avancé Richard von Berlepsch, en charge de la gestion de flotte chez Hapag-Lloyd. En réalisant ce projet pilote sans précédent, nous espérons apprendre pour l'avenir et ouvrir la voie aux grands navires pour qu'ils puissent utiliser ce carburant de remplacement. »
Rolf Habben Jansen : « Nous sommes bien placés pour faire face à la tempête »
Engouement XXL
À l’occasion d’un récent point presse, le PDG de Hapag-Lloyd avait déclaré avoir avait obtenu des « liquidités supplémentaires » au cas où il en aurait besoin, soulignant néanmoins que la société dispose actuellement d'une « trésorerie saine et d'un bilan solide ».
En cette fin d’année, le GNL a joué sa partition et fait son entrée dans le monde des géants. La livraison des neuf megamax de 23 000 EVP au GNL de CMA CGM est en cours. S’ensuivra une nouvelle série de six de 15 000 EVP.
Avec cette nouvelle commande, Hapag Lloyd – n° 5 mondial avec 1,7 MEVP de capacités conteneurisées – rejoint le club des compagnies ayant opté pour les 23 000 EVP. Avec la commande récente d’OOCL de sept porte-conteneurs de 23 000 EVP, le nombre de géants actuellement en service ou en commande dans le monde s’élève à plus d’une soixantaine. Seuls One et Maersk n’ont pas encore cédé à la taille XXL. En revanche, MSC (16 unités), HMM et OOCL (douze chacun), Evergreen (dix) et CMA CGM (neuf dont les trois premiers récemment livrés) ne s’en sont pas privés.
Adeline Descamps