Le spectre de la récession économique mondiale, qui a la capacité de nuisance suffisante pour faire chuter les prix jusqu'à 65 $/baril, et la baisse de la demande rendent le pétrole particulièrement nerveux et entretiennent sa prédisposition naturelle à la volatilité. Après deux jours de déclin les 5 et 6 juillet – sous les 100 $ le baril –, les cours ont rebondi le 7 juillet pour s’ancrer au-dessus du seuil fatidique de quelques dollars.
Les deux références mondiales du brut, le Brent et WTI, ont connu ces derniers jours leur plus forte baisse quotidienne depuis mars, quand les cours s'étaient envolés avec l'annonce d'un embargo américain sur le pétrole russe, avant de plonger quelques jours plus tard.
Facteurs influençant la hausse
L'arrêt des livraisons de pétrole par le Caspian Pipeline Consortium (CPC) pour 30 jours en raison de violations des normes environnementales a détourné l’attention des marchés qui se concentrent désormais sur les aléas de l’offre. Un facteur qui contribue à la hausse des cours.
Le pipeline achemine, en temps ordinaire, plus d'un million de barils de pétrole kazakh par jour jusqu'au terminal russe de Novorossiïsk, sur la mer Noire. Dans la foulée, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en septembre a gagné 3,93 %, pour clôturer à 104,65 $. Le baril de West Texas Intermediate (WTI) américain, avec échéance en août, a lui grimpé de 4,26 %, à 102,73 $.
La reprise de la production dans trois gisements de pétrole et de gaz, après l'intervention d'Oslo pour mettre fin à la grève au sein du géant norvégien Equinor qui menaçait les exportations de la Norvège, a calmé le jeu. Le patronat du secteur pétrolier avait prévenu que l'extension d'une grève pourrait réduire massivement la production, évoquant 56 % des exportations de gaz en moins et la perte de 341 000 barils de pétrole par jour.
L'incertitude se cristallise toujours autour de la capacité de l'Opep+ à produire plus. L'alliance entre la Russie et ses partenaires continue d’avancer des problèmes de capacité dus à des années de sous-investissement ainsi que l'impact des interdictions d'importation de la Russie, qui pourrait réduire l'offre de 5 millions de barils par jour, ce qui ferait alors grimper les prix jusqu'à 380 $/baril selon les projections
Le pétrole iranien ne peut pas non plus être une solution, les dernières discussions indirectes à Doha entre Iraniens et Américains n’ont pas abouti.
Épreuve pour le VLSFO
Dans ce contexte, les prix des soutes sont éprouvés par le yo-yo des prix du brut et à Rotterdam. « Les prix restent supérieurs de 27 et 194 $/tonne aux prix d'avant-guerre pour le IFO 380 (fuel à 3,5 % de soufre) et le VLSFO (< 0,1 % de soufre) respectivement », indique Niels Rasmussen, analyste en chef des transports maritimes chez BIMCO.
À Rotterdam, la prime par rapport aux prix d'avant-guerre a culminé début mars à 207 $/t pour le fuel à haute teneur en soufre et de 336 $/t pour le carburant bas carbone.
Les prix élevés des combustibles de soute – Le VLSFO franchit la barre des 1 000 $ –, ont déjà renchéri les coûts d'exploitation, dont les résultats financiers des premiers transporteurs mondiaux témoignent, en particulier pour les navires sans scrubbers, contraints de consommer le carburant à basse teneur en soufre beaucoup plus cher.
« Toutefois, les contrats à terme sur le brut indiquent maintenant que cette récente réduction des prix va se maintenir », poursuit l’analyste. Selon l’indice MABUX, les contrats à terme de Brent pour septembre et octobre se négocient dans une fourchette de 100 à 104 $/baril, tandis que ceux du WTI pour août et septembre sont fixés entre 97 et 100 $/baril.
600 $ d’écart entre les deux combustibles de soute
Les chargeurs et les compagnies maritimes, qui préfèrent d’ordinaire une baisse des prix du brut et des soutes, « se contenteront probablement de voir le brut se maintenir autour de 100 USD/baril, car des prix beaucoup plus bas signifieront une évolution défavorable de l'économie mondiale », explique Niels Rasmussen. À Singapour, l'écart de prix entre les deux carburants les plus connus – connu sous le nom de Hi5 – frôle les 600 $ la tonne. Un différentiel record qui détourne les navires transitant de la région de s’y avitailler.
Selon les courtiers, un défaut d’offre de VLSFO dans le port de la Cité-État serait à l’origine de la situation. « L’offre en carburant bas carbone s'est fortement resserrée depuis des semaines, avec des primes de prix élevées pour des dates de livraison rapides », indique la plateforme de soutage Engine.
Jusqu’à présent cette année, l'écart de prix croissant entre les deux principaux carburants utilisés par les navires suscite un regain d'intérêt pour les scrubbers. « Nombreux sont ceux qui verront à l’occasion d’un prochaine arrêt en cale sèche l'occasion de s'équiper d'un scrubber pour égaliser les chances », note Fearnleys. Dans son dernier rapport hebdomadaire, son concurrent Clarksons prévoit que, grâce au différentiel de prix élevé du carburant, la part du tonnage mondial équipé d'un épurateur devrait atteindre 24 % au début de 2023.
Adeline Descamps